28 mai 1934
Keboemen
lundi soir
Merci,
merci pour votre lettre du 14 mai, no 35. C’est toujours si bon d’avoir de vos
nouvelles et de se les disputer quand elles arrivent. Que ma lettre du 29 avril
n’ait même pas été collée ne m’étonne pas. Je n’ai pas oublié de le faire, mais
cela se fait toujours en une telle vitesse et comme la colle de ces enveloppes
est très mince, je pense que l’enveloppe s’est ouverte en route par la chaleur
et surtout l’humidité. C’est aussi déjà arrivé avec vos lettres, 2 fois, si je
me rappelle bien, qu’elles sont arrivées ouvertes. Peut être je ne vous l’ai
même pas écrit, je ne sais pas. Si vous pouviez voir le ménage Woldringh les
mardi matins, vous ririez souvent. Ici on rigole aussi. le train passe à 9
heures moins 4 minutes, mais bien que je sois occupée à écrire depuis 6 heures
du matin, et qu’Oscar rentre pour finir sa lettre aussi, ce qui l’empêche le
plus souvent de déjeuner, nous sommes toujours en retard. Le djongos maintenant
sait qu’il doit être de piquet à partir de 8 ½ heures. Quand on entend le
train, je lui donne déjà les lettres terminées, ensuite le kebon court avec une
deuxième édition, et souvent c’est encore la baboe qui doit « remuer ses
fe… » un peu plus vite, tout pour le même train qui s’arrête 5 minutes.
Pendant ce temps M. W. avale en toute hâte son thé, et madame se tient à la
fenêtre et tâche d’animer les coureurs par ses : hajo, hajo, lekas, lekas,
djongos etc. Ouf ! quel
soulagement quand tout est loin, on a la paix pour une semaine de nouveau. Les
mardi matins après 9 heures je me sens toujours comme un gosse au commencement
de grandes vacances ! ceci soit dit sans vous fâcher !!!
Maintenant,
ma chronique de la semaine. Voyons donc, qu’est-ce qui s’est passé, je ne me
rappelle même plus au juste !
Je ne sais
pas si je vous ai écrit dans ma dernière lettre que mon djongos avait eu un
accident en rentrant avec son gosse. Il a été effleuré par une moto, lui a eu
quelques blessures légères, mais sa petite un grand trou dans la tête. Bref,
dimanche quand il est venu se présenter, nous l’avons renvoyé et mon zigue en a
pris son saoul des vacances accordées. Il n’est revenu que vendredi. Pendant ce
temps le kebon le remplaçait tant bien que mal, pour cela je déduis 3 jours de
la paye de djongos pour les donner au kebon. Au djongos j’ai dit que s’il
travaillait excessivement bien, je les lui rembourserais. Vous devriez voir
comme il fait du zèle c’est tordant. Ces mardi mercredi jeudi, je ne suis pas
arrivée à faire grand’chose, vu que je devais m’aider moi-même, et faire les
chambres, du moins prendre la poussière, faire de l’ordre etc, etc. Tout de
même j’ai coupé et fini une combinaison en crêpe de chine art. blanc qui est
très bien réussi. Elle me revient à Fl. 1.75, cela fait environ Frs. 3.50. C’est pas trop cher ? Quand j’ai
acheté la soie, la Ricshaw était avec moi, elle pensait que je voulais me faire
une robe du soir, elle a fait de gros yeux quand je lui ai dit que c’était pour
une simple combinaison. Voilà moi, je n’achète pas beaucoup de bêtises à droite
et à gauche, par contre c’est de la qualité.
Vendredi
après midi, Mme visser nous a offert d’aller à Poerworedjo avec l’auto de la
fabrique. Nous avons fait des achats. J’ai acheté de la viande séchée, le
Bündnerfleisch d’ici, du bon fromage, 1 bouteille de maraschino pour mes cakes,
et une boîte de bon beurre hollandais qui est bien meilleur marché là chez Lee gie Tin qu’ici chez Batie.
Dans un toko japan, chez Takayama j’ai acheté (c’était une petite folie) une
petite chaise de camp en fer, avec le siège en toile verte, très solide,
confortable, légère, pratique pour 48 cents, cela fait environ Frs. 1.- Est-ce
que ce n‘est pas fou ? J’en ai fait de cadeau (soi-disant) à Buby pour
aller peindre en plein air et pour nos pic-nics. Pour rentrer nous n’avions
presque plus de place pour nous asseoir, dans la voiture. Cela me rappelait nos
déménagements dans la Fiat. Bref en rentrant, les messieurs étaient tous
attablés chez les V. au jardin. Le samedi je n’ai rien fichu de spécial, j’ai
écrit à Flock (voir lettre du 26.5.34) et
l’après-midi à 4 ½ heures nous avons joué au tennis. Le soir nous avons
continué notre correspondance. Le dimanche matin, madame Ricshaw est venue me
demander si j’allais avec elle chez le coiffeur. Tous les derniers dimanches de
chaque mois, il vient ici un coiffeur européen, il s’installe dans un cabinet
appartenant à la banque et toutes les dames arrivent. Nous étions les premières
mais nous avons tout de même rencontré quelques femmes de la ville. Elles nous
ont battu froid, mais je m’en balance, aucune ne m’était sympathique. Une
ressemblait à la Hanny Aufranc, une avait une expression de « giftsprütze »
(venimeuse) sur la figure, et l’autre,
une française, me serait assez sympathique, seulement je sais de Mme Visser
qu’elle est très malheureuse avec son mari, qu’il la bat et qu’alors elle se
tient toujours chez les autres gens. Vous comprenez, je tiens à être prudente
sous ce rapport. Je ne veux pas d’histoires ni de femme qui vient 6 fois par
semaine déjà à 7 heures du matin me rendre visite et reste jusqu’à la Saint Jamais, ce qu’elle a fait,
paraît-il, avec une des dames de la Mexolie il y a une année, ceux qui
demeuraient dans notre maison avant nous. Bref, nous sommes rentrées et comme
Oscar était déjà là, nous avons dîné d’un excellent caneton, avec du riz et de
la salade de tomates et des glaces à la vanille sur lesquelles on verse du
café. A propos de café, savez-vous la manière de faire vous-mêmes du café Hag ? Vous achetez du bon café, pas
rôti, donc les grains verts, vous les cuisez 10 minutes avec de l’eau, comme de
la soupe aux pois, mais pas plus longtemps que 10-15 minutes. Ensuite vous
égouttez les graines, les laissez sécher puis vous pouvez les rôtir et ensuite
les moudre. Il paraît que cette cuisson enlève la caféine qui se répand dans
l’eau, un tas de petits points blancs. Ainsi vous avez du bon café et bien
meilleur marché que le Hag tout prêt qui est très cher et fabriqué avec de la
troisième qualité. Je vais le faire aussi avant mon prochain rôtissage. J’ai
cela des Engelhart. Vous savez qu’ici on fait du Kaffee Extract, c’est à dire
on prend une cuiller à café pour une cuiller d’eau. Je n’en fais jamais plus
qu’un verre à liqueur environ, et dans la tasse pour du café au lait on n’en
met qu’une petite goutte, et pour le café noir guère plus. On boit beaucoup de
lait ainsi.
![]() |
Coupe du Monde 1934, équipe suisse |
Hier soir,
dimanche donc, nous avons été chez les Visser à 9 heures. Nous sommes restés
assis au jardin par un clair de lune fantastique, presque irréel. A 11 heures,
commençait le match Hollande-Suisse,
qui a duré jusqu’à 1 ½ h. environ. Je me suis bien tenu les pouces et ce soir
nous avons lu ensemble la critique. Ce
que j’ai dû en entendre depuis cette victoire des Suisses ! (27.5.34,
3-2 pour la Suisse) C’est des prises de becs et des rognes à n’en plus
finir avec Buby, jusqu’à ce que nous attrapions le fou rire. Pendant que nous
étions assis là, nous avons vu une merveilleuse étoile filante, d’une grandeur
inouïe et elle semblait si proche qu’instinctivement on a fait un mouvement
pour s’enlever, on aurait dit qu’elle tombait sur nous. C’est Mme V. qui l’a
vue la première, j’ai naturellement eu le temps de souhaiter Glück !
Aujourd’hui lundi, j’ai écrit toute la matinée après avoir appris à la baboe à
faire le salmi de caneton. Diable c’était bon, n’ayant pas de vin blanc, j’y ai
versé une lampée de sherry, et quelques gouttelettes de citron, cela rehausse
le goût. Ce soir après souper nous avons été faire quelques pas, Oscar en
pyjama et moi dans ma robe de chambre rose. C’est quand même beau la liberté,
nous nous promenions à la rue de la gare de Keboemen, et au boulevard de la
Mexolie, admirant le clair de lune et sans nous gêner le moins du monde de
notre accoutrement. On était les deux en pantoufles. Je crois que les R. ont de
nouveau rogne entre eux, en tout cas, lui est assis seul dans la véranda.
Mes
canetons sont trop jolis, j’en ai fait acheter 2 nouveaux, dont un entok, un
canard blanc et brun, sur pattes courtes qu’on dit être très bon aussi. Oscar
l’appelle le dreadnought, d’abord il ne pouvait pas le voir, mais maintenant on
l’aime bien. Quel plaisir on en a ! J’ai deux poules qui me donnent les
œufs à la coque nécessaires, j’en suis contente. Une d’elles va toujours pondre
sur le tas de charbon
Illisible
… est-ce
que tu as eu beaucoup de plaisir à la fête de chant ?
Quant à
Hedy, c’est sûr je comprends trop bien, elle n’a pas besoin de répondre à ma
lettre, j’ai seulement voulu savoir si elle l’avait reçue. Quant à une moulure,
tant pis j’attendrai, mais n’insiste pas chez Hedy, si je peux me procurer un
buste de Solo, je n’aurai plus besoin des moulures, je pourrai les faire
moi-même. Non, je ne trouve pas comme toi qu’Irma a bien plus de chic que Hedy,
Irma est peut être plus raffinée, mais Hedy a tout de même un petit chic plus
distingué, plus parisien, plus simple quoi, du moins comme je me la rappelle.
Tu m’écris
d’Elsy Amsler qu’on remarque de loin qu’elle est amoureuse, mais de qui, est-ce
qu’elle a des chances ? Raconte-moi.
Sans cela
ici tout va bien, la Ricshaw, je ne me suis pas occupée d’elle cette semaine et
je ne me suis pas non plus donné de peine pour paraître gentille, je lui ai
bien laisser voir qu’elle pouvait aller se promener si elle voulait me traiter
pareillement, et tu devrais voir comme elle se donne de la peine maintenant,
c’est elle qui me fait des politesses. Vois-tu c’est la seule manière de
traiter avec ces sortes de gens.
Faatherli,
merci aussi pour ta petite lettre et tous les renseignements des canetons.
Voilà
maintenant il me reste encore un petit quart d’heure pour écrire, je te dis
c’est fou comme cela prend du temps. Voilà, à la semaine prochaine, ta Ge…
Je pense
que vous êtes en plein déménagement ces prochains jours, (ils passent l’été au chalet de Sutz) et il faudra m’attendre à une
semaine sans lettre je pense. Enfin, je saurai pourquoi.
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