6 mai 1934
Keboemen
De nouveau
une semaine de plus. Est-ce que le temps passe aussi vite chez vous ? Chez
nous c’est fou, cela fait presque peur.
Voyons
maintenant ma chronique de la semaine. Dimanche passé, nous avons passé la
soirée chez les Visser à écouter le match
Hollande-Belgique. Pas excessivement intéressant, du moins par la radio.
Toute la semaine il a plu beaucoup, régulièrement tous les après-midi. Mercredi
nous avons fait une belle promenade avec Buby, d’abord il m’a menée de force
vers le docteur pour mes petits boutons, mais le docteur ne pouvait pas nous
recevoir, alors nous avons fait une promenade de découvertes le long du kali.
C’était merveilleux, de nouveau un paysage tout à fait imprévu, qui me rappelle
beaucoup nos bords du lac entre Sutz et Nidau.
Jeudi j’ai été chez le docteur
seule parce que Buby ne pouvait pas prendre congé pour cette heure là. J’ai dû
attendre longtemps.
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Mission Hospital Keboemen 1934 |
Pensez qu’en ce moment l’hôpital contient 280 patients,
plus les petits enfants délaissés, avec seulement 2 médecins pour les
opérations et tout. Ces deux ont un turbain fou. J’ai dû attendre longtemps.
Pendant ce temps j’ai fait la connaissance d’une dame de Keboemen, madame
Paschier. C’est aussi une mixed pickles, c’est à dire, elle a du sang javanais.
Nous n’étions pas 5 minutes ensemble que je savais déjà toute son histoire, son
accouchement difficile, etc, et les prochaines 5 minutes je les ai passées à
répondre diplomatiquement aux questions qu’elle me posait avec un sans-gêne
formidable sur les Visser et les Röhwer, ensuite elle s’est attaquée aux Woldringh, mais là elle n’a pu que
poser son regard scrutateur sur un visage blanco. Elle aurait tout aussi bien
pu scruter un formage suisse ou un chindsfüdli (fesses de bébé). C’est sûr nous les intéressons vivement tous ces
gens à cancans, parce que nous restons bien pour nous et ne voulons rien avoir
à faire avec toute cette clique. Pendant que nous étions assises là, est arrivé
un vieux monsieur en auto, un javanais pur, bien habillé. Je me suis dit,
eh ! bien, il doit être riche celui-là. Après un moment le docteur
apparaît et je me lève, parce qu’ayant été la première, je pensais aussi y
passer la première, mais alors le docteur appelle : « Regent ! » et voilà mon vieux zigue qui se met en
mouvement. C’était donc le Prince de
Keboemen, à qui j’ai dû céder l’honneur. En revenant de la consultation il
a dû attendre pour des remèdes et pendant ce temps il est venu s’asseoir vers
nous. Il connaissait madame Paschier, et moi il me regardait avec intérêt. Je
pense qu’il savait du médecin qui j’étais, mais je n’ai pas été présentée par
la vache Paschier et je ne l’ai pas fait moi-même. N’empêche que j’ai eu mon
plaisir à faire cette connaissance avec ce petit vieux, il a 67 ans, et
maintenant nous irons sûrement lui rendre visite, il est tordant. Un petit
vieux bien propre, Tata !.
Lundi soir nous irons rendre visite au Dr. Vonk,
sa femme nous a demandé de venir lorsque nous attendions, Oscar et moi. Ensuite
nous irons chez le docteur Peddemors, le jeune médecin, qui a une femme
charmante paraît-il, de mon âge. Vendredi soir les Visser ont eu la visite des Engelhart de Premboen, une grande
fabrique de sucre à un quart d’heure de Keboemen, là où nous avons une fois été
jouer au tennis au commencement. Je vous l‘avais écrit. Nous avons joué au
tennis ici, ensuite été chez les Visser boire quelque chose. Je connaissais M.
Engelhart, mais pas Mme. Elle est laide comme tout, néanmoins très très
sympathique. Le courant sympathique a tout de suite été établi entre nous. Mr.
E m’a dit que sa famille était originaire de Berne, mais établie ici aux Indes,
à Sumatra depuis 5 générations, et par conséquent devenue hollandaise. Il nous
est très sympathique aussi, et pas de
mixed pickles (sang mixte). Ce
sont de grands amis de la nature, et Mme doit avoir un jardin merveilleux à en
juger des fleurs qu’elle donne toujours à Mme Visser et Röhwer. Enfin nous
avons passé une charmante soirée à raconter des blagues, mais tout très comme
il faut.
Nous avons
un caneton, du riz et un petit hors d’œuvre pour diner, ensuite des glaces à la
crème brûlée, vive la pétarade !
J’ai
découvert cette fin de mois que j’employais 14 kg de sucre par mois.
Je fais environ deux fois par mois du sirop, cela fait 10 livres de sucre, où
vont les autres 12 livres ? Je ne peux pas croire que nous soyons les
seuls consommateurs, c’est pourquoi j’ai fermé mon armoire à clé et je contrôle
de très près pendant ce mois-ci, après quand j’aurai une base je pourrai de
nouveau laisser l’armoire ouverte, ils n’oseront plus me voler. Quant à leur
faire des reproches, cela ne sert à rien, je risque seulement de me trouver à
court de paroles, je ne fais plus de progrès en malais, je n’ai jamais le temps
d’étudier !
Je viens
de recevoir le courrier du 24 avril, lettre no 32. Merci beaucoup de tout ce
que vous me racontez, mais je n’ai toujours pas de nouvelles de mon buste. Est-ce que Hedy ne sait pas
encore ce que cela coûte ? J’aimerais tant en avoir un, car il m’est
impossible de m’habiller convenablement, je ne peux pas essayer mes robes, cela
ne me sert à rien de bien les couper, elles ont toujours l’air de sacs et cela
m’ôte tout courage, pourtant il faut
que je les couse moi-même. Au lieu de me répondre aux questions qui
m’intéressent, tu me donne la recette et du vin et de l’œuf battu, Mamali,
alors que je vous ai écrit il y a longtemps que je donnais cela à Oscar. Bien
sûr que j’en prends aussi en même temps. Du Bündnerfleisch, viande séchée, je
peux aussi en avoir ici, pas exactement cela, mais du deng-deng, de la viande séchée avec des herbettes, excellent,
javanais.
Fatherli,
stpl. n’oublie pas de me donner toutes les indications nécessaires pour
fourrager mes canetons. Celui que nous venons de manger était excellent,
seulement il n’avait pas assez de chair, nous avons juste eu les cuisses et
c’est tout. Avec les os je ferai encore un salmis demain, tandis que j’aurais
bien voulu qu’il en reste encore un peu pour ce soir, c’est si bon du caneton
froid. Celui-ci n’avait vraiment que les os et la peau et pourtant il y a plus
d’un mois que je le fourrage et je l’ai acheté à 9 semaines environ, il ne va
pas dans l’eau non plus et vraiment ne marche pas énormément non plus.
Eh !
mes chers, oui, la vie suit toujours son cours. J’espère que vous vous portez
tous bien et que tu ne te sentiras pas trop seule Mamali, maintenant que tes
fils seront loin les deux. Ce n’est pas pour si longtemps. Si j’étais toi je
reviendrais tout simplement à Bienne (au
lieu d’être à Sutz) pendant la Fête cantonale bernoise de chant, (26.4.34, sur la place Wildermeth, vis à vis
de la fabrique des Marchand) cela ne te donnera plus tant à faire
maintenant.
Until next
week
à la main
Il faut de
nouveau ménager les ports ! je vous ai donc envoyé le fameux paquet. Je
viens de recevoir les graines des zinias et salade et oignons ainsi que les
journaux de Tatali, envoyés le 10 avril. Mille fois merci, je vais écrire
directement mais par bateau
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