dimanche 23 août 2015




30 décembre 1933

Keboemen

D’abord excusez le papier, je l’ai mal déchiré, mais comme il ne m’en reste pas beaucoup, je l’utilise quand même.
Encore une fois merci mille fois pour toutes vos belles et bonnes choses de la dame de Noël. Comme vous nous avez gâtés. Et nous qui ne pouvons rien vous envoyer.
Le premier paquet que Buby prend dans les mains contenait tes cigarettes, vous auriez dû voir sa figure. Es schmunzle u es grinse (un sourire avec sous-entendu), j’ai bien ri. Le premier jour j’ai reçu 2 avis à la fois, c’était pour la caisse à fromage et pour les disques. Je vous ai déjà écrit que les fromages, ou plutôt ce que je crois avoir été du vacherin, est arrivé dans un état effroyable, un jus gris-jaune qui a empesté toute la caisse. Dans la boîte ronde du fromage il ne restait plus qu’une boule de papier d’étain qui trempait aussi dans le jus. Avec cela un puage ! Non, on a dû aller se fortifier après. Le café en grains, les tablettes au malz (du moins je crois que c’était cela parce qu’on ne pouvait plus bien distinguer, ce n’était qu’une masse brune) ont aussi suivi le chemin du fromage, tandis que les Tilsit, Gerberli, les cigarettes, sont intacts. J’ai aussi essayé de sauver les deux plaques de chocolat Kaiser, pensez, c’était trop bon, le chocolat est bien conservé, mais il a adopté le goût du fromage pourri et de ce papier d’étain. C’est un goût qu’on ne sent pas trop par la bouche. Je veux tout de même essayer de pouvoir le sauver encore, je l’ai toujours à l’air depuis et alternativement dans la glacière, mais rien ne semble y faire. Les Gerberli sont bons, c’est déjà quelque chose. Oh ! vous savez, il ne faut pas vous en faire, nous en avons tout de même eu un plaisir fou à notre caisse de la dame de Noël, tout comme aux disques. Ce sont les tiens donc que j’ai reçus en premier, Mon Dieu quel plaisir ils me font, mais je n’ai pas pu me retenir de pis…. de l’œil, tu sais, tout en riant de plaisir, ma foi. J’en ai un plaisir immense, Fatherli, mais tu sais, il ne faut plus m’en envoyer, je les aime trop et cela pourrait devenir dangereux. N’ayez pas peur déjà que j’aie le mal du pays et que je suis inconsolable. Maintenant je peux les écouter  avec plaisir et à sec.
Le lendemain j’ai reçu la troisième caisse, avec les sapins et surtout les branches qui sont encore belles vertes et qui sentent !!! Mais c’est merveilleux, c’est toute la forêt qui nous vient dans le nez. J’ai tout de suite remplacé le Wellington par ces branches, sur la table. Les petits sapins sont dans des pots à l’ombre et à la pluie qui tombe sans discontinuer depuis midi. Ils ne sont pas très beaux, le bout des branches est tout brun et sec, mais j’espère qu’ils reprendront, en tout cas je fais tout pour les soigner aux fines herbes.
Nous sommes terriblement à court ce mois-ci, je ne sais pas ce que j’ai fait, ou plutôt si, il y a eu l’événement chez les Visser qui nous est revenu cher, et puis j’ai acheté quelques petites histoires pour l’arbre de Noël et nous sommes allés quelques fois à Gombong où se trouve un magasin chinois un peu mieux assorti qu’ici et on se laisse aller à acheter quelques petites bonnes choses. La vie ici est bon marché à condition qu’on ait des goûts simples concernant la nourriture. Je peux faire comme je veux, j’ai tous les mois pour Fl. 50.00 d’épiceries. Dans cette somme sont compris le beurre, l’huile de palme, la bière, l’eau minérale etc. Je pense que je vais vous faire un extrait de mes comptes ce mois, et je vous l’enverrai par courrier ordinaire, de même qu’à Laren.

Nous ne pouvons pas encore le croire à propos de Linette. Nous ne savons rien, ni même au juste quand elle s’est endormie. Elle est heureuse maintenant. Les lettres pour la fête de Buby avaient été retenues par l’accident du Postjager en Italie, nous les avons seulement reçues samedi soir et avons appris que Linette avait le typhus. Papa Woldringh et Eddy (frère de Oscar) pensaient que c’était un cas bénin, et nous ne nous sommes pas fait de soucis. M. Dunlop a été un ami admirable pour nous, faire 8 heures de train, et quel train, de Batavia ici pour nous annoncer la nouvelle lui-même !
Il a arrangé que Oscar puisse téléphoner mardi à Laren (Hollande). M. Röhwer n’a pas voulu que Oscar travaille à Noël (car ici on travaille même les jours de fêtes si le stock de noix est là pour être pressé). Le mardi nous avons été avec M. Visser au bureau des téléphones pour notre conversation avec Laren. Elle n’a pas bien réussi, il y a eu un dégât au studio à Bandoeng et nous avons dû attendre que cela soit réparé, ensuite quand nous avons pu reprendre notre conversation, Father W était tellement émotionné que nous n’avons pas compris ce qu’il disait et lui non plus. Eddy est venu au téléphone, mais personne ne comprenait personne, il devait à nouveau y avoir des dégâts.  En fin de compte nous avons raccroché. A Bandoeng ils ont été très chics et ne nous ont pas compté de surtaxe. Un appel avec la Suisse coûte Frs. 125.00 avec préavis naturellement. Tout ce que nous avons pu apprendre, c’est que Linette a été enterrée le jour de Noël et que Father W. s’est comporté avec beaucoup de courage.

31.12.1933

Puncak, nov 2013, gamelang
Il fait un temps merveilleux et partout on entend de la musique, des radios, du gamelang (musique javanaise) etc. Ma baboe fait une rijsttafel, donc je ne mets plus les pieds à la cuisine, c’est à dire que je vais voir de temps en temps pour apprendre. Elles ont une adresse étonnante ces femmes javanaises. Il y a quelques instants j’ai essayé de l’imiter comme elle triait les petits plans de riz que nous mangeons comme légume. Elle fait cela en secouant le grand panier d’une manière toute spéciale, en le faisant j’ai naturellement tout semé par terre, vous auriez dû voir comme elle riait.
Buby travaille ce matin, car on va arrêter les machines et fermer la fabrique pour deux jours parce que c’est Nouvel An. Ce soir la fabrique offre un grand slamatan aux ouvriers, c’est un souper composé de riz, la vraie rijsttafel, quoi. Nous allons aussi voir, parce qu’il y aura de la musique et des danses indigènes. Le 17 janvier c’est le nouvel an des indigènes, ils seront en liesse pour plusieurs jours. En ce moment ils jeunent tout le jour et il ne leur est permis de manger qu’après le coucher du soleil jusqu’au lever du jour (Ramadan). Naturellement ils ne vont pas dormir, mais restent à festoyer toute la nuit et à danser, ce qui fait que le lendemain ils sont à moitiés fichus et presque incapables de travailler. C’est aussi une raison pourquoi la fabrique ferme, elle ne perd pas beaucoup. Moi je ne pense pas du tout au Nouvel An de chez nous, mais je me prépare à le fêter vraiment à l’indienne et vous raconterai mes impressions dans ma prochaine lettre.
Sans cela tout va bien, la santé continue à être bonne,  j’engraisse à vue d’œil malgré toute la gymnastique et mes promenades. Buby aussi a bonne mine.
Hier et aujourd’hui étaient jours de mail et je n’ai rien reçu de vous, qu’est-ce que cela veut dire ?


                                                             Bonne et Heureuse Année !


Kraton, Djocjakarta, nov 2013

1 commentaire:

  1. Bonne et heureuse année .
    Pour le fromage il reste les pinces à linge.... ou la course au dehors...

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