dimanche 9 août 2015




26 novembre 1933

Keboemen, dimanche

Mes biens chers
Merci pour ta lettre no 6, Mamali, et pour les photos.
Nous commençons à écrire les lettres de Noël, ça donne à faire. Partant en même temps, mais par bateau, vous recevrez une première série de photos. C’est le seul cadeau de Noël que nous puissions vous donner. A nous non plus il ne faut rien envoyer, si ce n’est un agenda. J’ai bien déjà mon livre de caisse qui est en ordre mais je me réjouis de continuer la tradition des agendas. Ma caisse joue bien, mais ce mois nous ne pouvons encore rien mettre de côté. Nous n’avons pas de dettes, je peux juste tourner, j’ai encore acheté plein de choses pour la maison et nous avons fait légaliser nos papiers ici, ce qui a coûté une bonne petite somme. Et ces photos, il faudra en avoir soin parce que cela forme un vrai petit capital en fin de compte. Mais il faut aussi avoir quelque chose, pas ?
C’était drôle de lire dans ta lettre que les montagnes sont couvertes de neige chez vous. Ici c’est la saison la plus chaude. Au fond j’aime mieux ne pas le savoir, ce n’est pas que j’aie déjà l’ennui oh non pas du tout.

Nelly sort de la cuisine

Quand tu me parles de lessive, mamali, je dois presque rire, ma baboe qui la fait tous les matins à 9 heures, ensuite elle pend son linge, à midi tout est sec et à 4 h de l’après midi, ou à 5 h. cela dépend de la quantité, elle m’apporte le tout joliment repassé et bien plié. Le lendemain ça recommence et continue, même le dimanche. Je m’en tire bien avec le ménage et la maison, tout marche comme sur des roulettes. Je ne suis plus toujours à la cuisine non plus, la baboe a très vite compris comment je voulais avoir la nourriture et maintenant je ne vais surveiller et donner un coup de main que lorsque je le juge nécessaire. Mais je suis toujours occupée, car je surveille sans cesse, je fourre toujours mon nez partout. Mes matelas vont au soleil 1-2 fois par semaine, les draps sont aussi changés 2 fois. Le mercredi et samedi grand nettoyage, plafond parois, plancher, toute la maison. Les autres jours c’est le tour des buffets, des habits, des livres, de l’argenterie etc. Il faut nettoyer beaucoup ici, c’est le seul remède contre les insectes, les fourmis etc. Tu sembles avoir peur pour notre nourriture, mais tranquilise-toi, nous avons tous les jours des légumes frais. 
La baboe va au marché le dimanche et le mercredi, voilà la liste de ce qu’elle a acheté aujourd’hui :
2 kg de pdt des montagnes, excellentes                  FL. -.30
1 livre de farine blanche                                                  -.08
2 livres de riz pour les poules                                          -.06
1 noix de coco                                                                 -.01
du sel, poivre rouge                                                         -.03
pistaches                                                                         -.03
celeri, poireau pour soupe                                               -.02
sucre brun spécial                                                           -.01
20 bananes                                                                      -.04
papaya, très grand                                                           -.02
1 ananas                                                                          -.01
1 petit chou blanc                                                             -.01
épinards pour dîner                                                          -.02
10 radis blancs, long                                                        -.03
katjang (cacahuètes pas écossées)                                 -.03
6 épis de maïs jeunes                                                      -.01
10 œufs                                                                            -.24
2 ½ kg oignons grands                                                     -.20
(Remarque de l’éditeur : soit total Fl. 1.15 / SFr. 2.05)
Tu vois que la vie ici est moins chère qu’en Europe, seulement il faut se donner la peine de bien composer ses menus.
marché indonésien

 Tous les deux jours j’ai de la viande et un os à moelle pour mes soupes. La viande est très bonne ici, fraiche, mais je la retiens un peu et tâche de m’arranger à faire autre chose. Une fois par semaine à peu près on a du poisson, et une à deux fois de mes poulets. J’oublie de mentionner les racines rouges, les concombres, les cornichons etc.

La semaine passée nous étions invités à souper chez les Visser et avons reçu un tas de bonnes choses, c.à.d des choses de boîtes, mais chères, telles que des sandwiches au caviar, du beurre d’anchois etc, ensuite une salade russe avec du saumon, du bouillon et un grand choix de liqueurs. Oui, mais ils sont directeurs et les Woldringh pas encore, par conséquent ils doivent vivre selon leur budget. Vendredi soir ils sont venus chez nous pour jouer au bridge. J’ai fait des sandwiches avec notre combine aux œufs et à la moutarde ayant pu acheter de la Worcester sauce à Djocja. Je les ai garni de câpres, j’ai ouvert une boîte de saumon et j’ai fait de petits sandwiches sur du toast garni d’une rondelle de cornichons. Pour les sandwiches aux œufs, j’ai fait rôtir le pain dans du beurre, c’était excellent, j’avais 2 plats bien garnis, et il n’en est resté que 2. L’après midi j’avais fait les biscuits de Mm. Schnyder, mais ils n’ont pas très bien réussi. J’ai aussi fait 2 tourtes glychschwer (4 quarts) comme toi, un sans raisins secs, dans une forme de cake. Comme je n’ai pas encore de poudre à lever, elle est restée plate, mais je l’ai coupée en morceaux bien arrangés sur un plat et j’ai versé dessus de l’eau sucrée avec un peu de cognac, encore de celui que tu m’as donné ! Enfin, tout a bien réussi !
Avec Mme Visser cela continue à bien aller. Avec la petite Röhwer c’est autre chose, elle voudrait bien se mêler de tout ce qui ne la regarde pas, et de la façon la plus bête du monde, elle a essayé de me faire parler de notre vie intime. Elle m’a tout raconté de ses histoires à elle, pensant que moi je lui ferais naturellement aussi mes confidences, mais elle s’est fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude, non jusqu’à l’épaule ! Elle est un peu comme la vieille Aufranc, quand elle le peut elle entre par la porte de service pour avoir le nez à la cuisine et partout. Mais la Ge… ne s’appelle pas Nääggli pour rien, elle sait parer les coups et tourner le bäsestil (manche à balai) d’une façon très diplomatique. Pourtant je suis contente d’aller me promener avec elle par les chemins que je ne connais pas encore, mais pendant la promenade, flûte pour la conversation qui se borne au sujet toilettes, épicerie, jardinage etc. Je suis contente d’avoir de la souplesse. Oscar, lui, n’en a pas, il déteste Mme Röhwer et ne se gêne pas de lui faire froide figure, de sorte qu’elle a un peu peur de lui. Oscar s’entend bien avec les hommes pourtant il y en a qui ne sont pas très « fair » avec lui mais il sait bien se défendre et il est assez intelligent pour prendre le dessus. Nous savons que nous sommes ici pour batailler et faire quelque chose de notre vie.
La suite pour demain !


2 commentaires:

  1. Mais tout semble bien aller. Le marché de la Migros est pas loin, les tâches ménagères se font à une cadence infernale, les balades avec la boussole ( ou la copine qui parle tout le temps, de quoi perdre le nord ) et les mais pour le bridge.
    On ne doit pas avoir le temps de s'ennuyer. Comme en plus il fait beau et chaud....

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  2. Mais tout semble bien aller. Le marché de la Migros est pas loin, les tâches ménagères se font à une cadence infernale, les balades avec la boussole ( ou la copine qui parle tout le temps, de quoi perdre le nord ) et les mais pour le bridge.
    On ne doit pas avoir le temps de s'ennuyer. Comme en plus il fait beau et chaud....

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