1er janvier 1934
Keboemen
Je viens
de recevoir ce matin votre lettre du 18 décembre et celle de Papali de St
Nicolas. Merci beaucoup de toutes vos nouvelles, je vais tâcher d’y répondre
pour ce courrier mais j’ai encore des lettres pour Laren (Hollande) à écrire, je ne peux pas tout faire. Je me réjouis
d’avoir mon agenda, nous venons de faire notre caisse, il nous reste juste de
quoi payer nos impôts et pas un sou de plus mais enfin c’est toujours cela,
pour dire que décembre était un mois de fête.
Nous
n’avons rien entendu de John et Jans, je pense qu’ils étaient déjà loin quelque
part par les Indes (néerlandaises)
quand notre lettre est arrivée à Solo. Enfin, nous aurons leur visite une autre
fois.
Papali,
merci beaucoup pour ta lettre et tous les renseignements des canards. Je vais
m’y mettre doucement. Je veux encore m’informer ici de gauche à droite
concernant différentes choses, quant à des œufs, j’en recevrai facilement de
Madame Visser. Tu as raison ces canards ici ne doivent pas être des khakis,
quoiqu’ils leur ressemblent comme deux gouttes d’eau. Je viens de m’apercevoir
que les œufs de ces canes sont bleu-vert et mouchetés. Ici je peux aussi avoir
du maïs en grande quantité et moins cher qu’en Suisse, puisqu’on le cultive
ici, du riz et un tas d’autres choses. Si je veux en élever, ce n ‘est
absolument que pour avoir des canetons comme toi, pour la table, car les poules
ici ne sont pas des poulets de Bresse, même un peu moins bon que les
« mischt chratzerlis » (coquelets).
La volaille a souvent des maladies ici, alors on la soigne avec du poivre rouge
et un certain déchet de riz. Hein ! c’est drôle !
La lettre
de Flock par avion, je l’ai reçue ce matin avec la tienne, no 14 donc. Elle me
raconte qu’elle passera à Bienne te voir, Mamali. Moi je ne lui ai écrit qu’une
seule lettre pour lui souhaiter un bon Noël, deux pages, et pas à la machine.
Tu vois que les nouvelles entre nous ne sont pas fantastiques J’ai l’impression
que Flock doit passer par une crise en ce moment, j’entends une crise morale,
qui a été provoquée par mon départ et mon mariage. Il ne faut pas la juger trop
sévèrement, plutôt lui aider, elle est plus à plaindre qu’à blâmer. Ecris-moi
un peu ce qui t’inquiète tellement au sujet de Flock, et pourquoi tu dois
savoir ce qu’elle m’a écrit. Tu me fais toujours des allusions qui sont plus
pénibles que la vérité, même cruelle. Tu peux être sûre que je ne dirai rien à
Flock.
Nom d’une pipe !
cela me
fait chanter tout ce monde qui réclame des nouvelles. Savez-vous que je passe
la plupart de mon temps à écrire à vous d’abord, à Laren ensuite, et ces
lettres ne sont pas courtes. A part cela j’ai la maison à surveiller, je dois
cuire souvent et j’ai une grande valise pleine de chaussettes et de linge de
corps à raccommoder, Oscar en est à ses trois dernières paires et moi je n’ai
plus de caleçons, tout cela parce que je ne fais qu’écrire. Il m’a fallu
m’installer, et il a fallu apprendre à parler comme un gosse, je ne peux pas
encore m’exprimer facilement ce qui me cause beaucoup de difficultés, j’ai
beaucoup de choses nouvelles à apprendre, ce n’est pas comme si je vivais à
Berne. Bien que j’aie 3 serviteurs, je n’ai pas tant de temps libre, il faut
endurer la chaleur. Et on se lève à 5 ½ heures le matin….
De plus je
me figure bien que Mamali n’est pas avare de colportage, (nid taub sy, Mamms/ ne te
vexe pas) ainsi les gens en savent autant que si je leur avais écrit !
Merci pour
le sirop au citron, j’en ai fait, mais la baboe a coupé les pelures un peu trop
épaisses, ce qui a donné un petit goût amer, pourtant il est très bon et Buby
l’aime beaucoup et en boit toujours. Cela me fait une économie de prix de la
valeur de 5 bouteilles de Lemon squash du magasin. Vous pensez ce que je suis
contente.
Et Papali,
peux-tu me dire comment on fait la choucroute ? il y a beaucoup de choux
ici et j’aimerais essayer.
Mes petits
frères ne soyez pas fâchés que je n’aie pas encore écrit, mais comprenez-moi
comme toujours, pas ?
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