samedi 5 août 2017



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Batavia


5 janvier 1941
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Il y a un avion spécial qui part demain dans la journée et je me dépêche de vous donner de nos nouvelles. Je ne peux pas joindre de photos dans cette lettre, car le port est très cher. Des photos partiront par un prochain courrier.
Depuis le 31 décembre, Oscar est au lit avec la « fièvre de 5 jours », c’est une sorte de malaria donnée par un moustique aussi, mais pas la vraie malaria. On a généralement de la fièvre pendant 5 jours, et puis on a des taches rouges par tout le corps, comme pendant la rougeole. Ce n’est pas dangereux, mais il faut être très prudent et surtout ne pas se lever trop vite. Il ne faut donc pas vous faire du souci, et puis je le soigne bien, quoique je ne le gâte plus comme dans le temps, car maintenant Conradli prend beaucoup de mon temps.
Mes chers, j’espère que vous aussi vous avez passé un bon Noël et bien commencé la nouvelle année.
Quant à nous, nous avons passé un très gentil et heureux Noël, tellement heureux que j’en ai presque du remord quand je pense à tous les malheureux en Europe. Et pourtant nous n’avons rien fait de spécial. La veille de Noël, après souper, nous avons commencé de garnir l’arbre Oscar et moi, car cette année-ci l’arbre devait être spécialement joli pour Conrad. Le matin de Noël nous nous sommes souhaité un heureux et joyeux Noël au lit les trois, puis nous avons donné son cadeau à Conradli : une boîte de blocs de bois bien colorés. Le plaisir qu’il a eu dans son box ! Son mot ce jour-là a été : happy, happy, happy, alors depuis lors nous aimons l’appeler ainsi. Après déjeuner à une table au décor de Noël, nous avons continué de décorer l’arbre et la chambre. Nous étions justement prêts quand les Fraay sont venus nous souhaiter un joyeux Noël et nous dire adieu, car ils partaient pour Bandoeng en vacances. A midi nous avons eu un petit lunch de différents légumes en salade, puis l’après midi nous avons été faire un petit tour en auto et souhaité le bon Noël à différentes connaissances. En rentrant, j’ai vite donné la bouteille à Conradli et pendant que je l’habillais pour la nuit, Oscar allumait l’arbre. 
Noël 1940

Une fois qu’il était prêt, je suis arrivée avec Conradli et nous étions tellement curieux de voir l’impression que cela lui ferait. Mais non, il n’a rien dit et pas montré spécialement du plaisir, il regardait seulement et essayait d’empoigner les bougies, mais tout son intérêt et une immense tendresse se sont concentrés sur un petit pingouin qu’Oscar et moi avions été acheter la veille. Oscar a joué des chants de Noël puis il a donné la bouteille à son fils et nous l’avons mis au lit.
Nous nous sommes mis à table les deux à la lumière des bougies. J’avais un menu très simple : une oie farcie de marrons, de la compote et un peu de pommes de terre , puis des fraises, avec de la crème fouettée pour Oscar et sans crème pour moi, car cela aurait été trop gras après l’oie. Nous avons bu à votre santé avec un petit vin d’Australie, et voilà. Etant assis sous l’arbre, j’ai lu l’histoire de Noël dans l’évangile de St Mathieu puis quelques psaumes puis Oscar a joué pour moi. Nous nous sentions intensément heureux par l’immense harmonie qui était en nous et autour de nous dans notre home. Vers 10 heures, nous avons encore été faire un tour en auto pour jouir de la nuit de Noël, et aussi en souvenir de notre première nuit de Noël passée ici aux Indes, quand nous venions d’apprendre la mort de Linette et que nous nous sommes promenés comme deux poussins perdus sur la grande route de Keboemen.
Le second jour de Noël nous avons passé la soirée chez Frank et Go van der Stok ensemble avec d’autres jeunes gens, là aussi il a fait beau.
Le jour de Sylvestre Oscar n’a donc pas été au bureau et vers le soir j’ai eu un téléphone de mr. van Mastwyck disant qu’il viendrait vite 5 minutes avant d’aller passer la soirée chez des amis. Vers 8 heures il arrive et nous annonce que nous avions une augmentation de Fl. 25.- , je lui ai presque sauté au cou, c’était une si bonne nouvelle. Une fois qu’il était loin, nous avons décidé de boire un bon schluck pour fêter la nouvelle, et j’ai vite téléphoné à notre épicerie de nous envoyer du champagne. Des trois bouteilles au choix, dont une Veuve Cliquot, nous avons choisi la meilleur marché ( !). Nous avons cérémonieusement mis la bouteille au frigidaire. En attendant minuit, nous avons joué aux cartes, écouté la radio puis vers 11 ½ heures, les gens ont commencé de lâcher les feux d’artifice et Conradli s’est réveillé. Alors nous n’avons pas pu résister au plaisir de le prendre vers nous et tous les trois installés dans le grand lit nous avons salué la nouvelle année, pensé à vous et bu à votre santé. Le jour de Nouvel An a passé tranquillement, dans l’après midi j’ai été promener avec Conradli. Il est tordant, toujours à genoux dans sa poussette tourné en avant il regarde tout ce qui arrive et nous croise et des fois il parle aux gens qui passent Il a aussi beaucoup de plaisir aux arbres, alors il lève ses petits bras et fait : hééééhéééhééé ! Il s’occupe de tout ce qui se passe autour de lui, il est déjà tellement développé c’est fou.
J’ai déjà dit à Boili, si grand-papa et grand-maman se chamaillent déjà maintenant pour avoir Conradli, il ne nous restera rien d’autre à faire que de lui donner un petit frère ou une petite sœur, afin que vous en ayez chacun un et que l’église reste au milieu du village !!! Ne t’en fais pas, il n’y a encore rien en vue, mais je suis bien décidée de ne pas attendre trop longtemps pour un no.2, si les évènements ne nous permettent encore longtemps pas de venir en Europe.
Et voilà mes bien chers, je dois vous quitter pour cette fois. Que cette première lettre dans la nouvelle année vous apporte à tous tous les sentiments affectueux dont mon cœur est rempli…
J’ai reçu une longue lettre de Koo Koningsberger qui a reçu la tienne, Mamms, avec celle de sa mère. Ils en sont si heureux, merci, merci.
Au revoir mes bien chers. Votre Ge…




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