Batavia,
le 20 février 1941
A la main,
226
Mes chers, Maman et Charlous
Est-ce donc bien vrai ce télégramme ? Par
moments j’ai encore de la peine à le croire. Mon Padrelli, notre cher Papali,
Dieu l’a béni maintenant et pris à lui.
Merci d’avoir rédigé le télégramme ainsi, cela m’a
été d’un grand secours pour accepter la triste nouvelle. Vous savez bien que
j’en souffre profondément tout comme vous, mais ce n’est pas l’idée, le fait
que notre Papali a « rejoint le Seigneur » qui me fait tant souffrir,
c’est de l’avoir perdu, d’avoir perdu son affection, sa présence ici bas, qui
est cruel.
Je me réjouissais tant de le revoir, de l’entourer de
mon affection, et naturellement aussi la perte d’un amour immense qui
m’entourait. Mes frères, c’est une de nos racines que nous avons perdue ;
même que nous sommes en plein dans la vie, que nous voguons avec nos propres
voiles, je suis sûre que vous vous sentez déracinés comme moi en ce moment. Et
combien vous et Maman devez souffrir encore plus du fait qu’il vous a quittés
ainsi subitement. Moi, il y a 7 ans que je n’ai plus joui de sa présence et
maintenant je me sens si pauvre en
souvenirs, c’est amer aussi et pas moins douloureux, croyez-moi, mais la
souffrance est autre.
A mon chagrin vient s’ajouter celui de ne rien
pouvoir faire pour toi, d’être ici impuissante. J’avoue que ce matin en ouvrant
ce télégramme, j’ai hurlé une fois que j’avais bien compris. Oscar était
justement parti pour le service et je ne pouvais pas l’atteindre, j’ai prié.
Maintenant je suis calme. Si notre Papali a été appelé ainsi sans souffrir, sans avoir le temps
d’avoir des regrets de vous quitter, et bien je suis contente pour lui.
Je me sens bien malheureuse à l’idée de ne pas
pouvoir être avec vous, mais je travaille et je prie pour apprendre à accepter
cela aussi
Garçons, je vous le souhaite aussi, c’est à nous
trois à prendre soin de notre maman, vu que j’en suis empêchée pour le moment,
je mets toute ma confiance en vous. Remplacez-moi de toutes vos forces, de tout
votre cœur, de tout votre pouvoir.
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Je pense que vous êtes au courant des affaires et que vous saurez vous en tirer. Une fois
que vous le pourrez, vous m’indiquerez un peu la situation financière de maman, de la maison, quoi, car je ne
voudrais pas que vous manquiez de quelque chose si j’y puis remédier. Oscar
pense tout comme moi.
Je joins quelques photos de Conrad, qu’il apporte un
peu d’espoir avec lui.
Mes chers, je ne peux presque pas vous quitter, pourtant je dois finir,
car la lettre doit partir.
Je vous embrasse et suis avec vous de toutes mes
pensées, de tout mon coeur .
Nelly
My dear
Motherli and dear brothers
How can
I say how terribly we feel the loss and how we long to have been with you, to
be able to share this sorrow all together and be a strength and help for each
other in these difficult times. Alas ! that has not been possible and the
circumstances are even such that the distances, which seemed to have grown
short are once more huge.
We have
been lookingforward so much to present our Conrad to his grandparents as soon
as we could leave here for Switzerland after this cruel war.
How
often have we pictured the Small little chap., walking side by side with his
Grandfather, holding each other’s hands, the one looking up and the other
looking down. I’m sure this last will often happen now, and we will teach our
Conrad to look up to his Grandfather ! And one of these days he will be
able to talk to his Grandmotherli and his uncles about his Grandfather and it
won’t even seem strange.
I do
hope this will be soon and I know you will be looking forward to this moment as
much as we do.
So let’s
keep this picture in mind – our little fellow and his grandfather – and let
this grow to become our strength to overcome all our sorrows and pains.
You two
boys take care of your Motherli for us, and I’ll do the same for Nelly, who is
still as brave a girlie she ever was !
Good bye
my dears. With all my love and thoughts from Oscar
Remarque :
Le papa de Nelly, Louis Marchand, est décédé subitement
d’une attaque le soir du 19 février 1941, alors qu’il allait se coucher. Il
était dans sa soixantième année.
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