Batavia,
Djocjaweg 24,
4 mars 1941
226
Mes chers
chéris
J’ai reçu
votre télégramme de fête ce matin et je vous en remercie de tout mon coeur.
Vous êtes tellement bon pour moi, mes chers, et j’espère bien pouvoir vous le
rendre un jour.
Je n’ai
pas le temps de vous écrire beaucoup, car à la dernière minute de nouveau je
viens d’apprendre qu’un avion part
demain prenant avec lui de la poste pour la Suisse. Je serai donc brève,
car j’ai beaucoup à vous dire et le temps me manque un peu. Je ne toucherai
donc pas au sujet qui me tient le plus à cœur ; notre cher Papali. Oh,
monté, non, je ne peux pas m’empêcher de parler de lui, car il est toujours
dans mes pensées. Cela fait si mal de ne plus le revoir, mais lu, il est bien
où il est et je suis même heureuse pour lui, mais je comptais tant pouvoir
l’embrasser et lui offrir son « Griot » (Conrad)! Non, je m’arrête sans quoi je ne peux pas vous écrire
tout ce que j’ai à vous dire. Notre Papali, nous le faisons vivre dans nos
cœurs, n’est-ce pas ?
J’ai reçu
il y a 3 jours ta lettre 251, contenant une copie de lettre de Boy Engelhart et
de papa W. Merci de tout cœur de te donner tant de peine pour nous et nos amis.
Je viens d’avoir une lettre de tante Engel, qui a été assez malade des reins.
Elle m’écrit depuis la clinique, elle va mieux et se remet chaque jour
d’avantage. Elle vous envoie mille remerciements de toute ta bonté, cela lui a
fait tant de bien de recevoir des nouvelles de Boy. Au mois de juin, Mr.
Engelhart sera pensionné et ils viendront habiter Bandoeng où ils vont se
construire une maison. Tu pourrais écrire cela à Boy, si ce n’est pas trop
demander de toi en ce moment.
Si tu
écris de nouveau à papa W. n’oublie pas de lui dire que nous attendons sa
lettre avant de lui écrire, car nous ne savons pas si, vu la situation, une
lettre de nous serait la bienvenue.
Dans ta
lettre 251, tu me dis que vous n’avez plus
eu de nos nouvelles depuis le mois d’octobre. J’en suis navrée, car je vous
écris régulièrement au moins une fois par mois et ces derniers temps je le fais
toujours quand j’apprends qu’il y a un
avion poste qui part. Je ne comprends pas pourquoi vous ne recevez pas mes lettres alors que moi je reçois les vôtres assez
régulièrement. Tu dois te faire du souci pour nous et je le regrette beaucoup.
Tes
prières nous entourent comme une forteresse. Nous nous portons bien tous les
trois. Oscar travaille beaucoup, car il doit se partager entre le bureau et son
service, ce qui n’est pas facile. Enfin, les garçons doivent bien le savoir
aussi, sauf qu’eux ont l’avantage du bon climat. Moi j’ai de temps en temps un
accès de dysenterie, alors je vais chez le docteur pour me faire donner
quelques injections et cela re-va ! J’ai bien aussi le climat qui m’embête
un peu de temps en temps quand il fait spécialement chaud. Je commence à le
sentir plus que les premières années, mais à part cela je me porte très bien. Je vieillis beaucoup, mais tant pis, un
séjour en Suisse fera l’affaire.
Quant au
Griot (Conrad), mes chers, il marche,
il grimpe, il tire toutes les nappes par terre, il fourre ses doigts dans tout
ce qui est creux, même dans la gueule du chien s’il en a l’occasion, il rit, il
chante, il sait gronder quand quelque chose ne lui plaît pas. Il est maintenant
dans une période où je ne peux pas le laisser sans surveillance pendant une
seule minute. Il a été terriblement gâté hier, il a reçu 12 cadeaux, sans
compter les nôtres que nous n’avons pas encore acheté. Inclus des photos qui
vous diront mieux que moi comment il se porte.
Je suis si
contente que l’affaire de Charlot se
soit réalisée. De tout cœur beaucoup de succès, Charlot. Travaille fort et
tient ton intelligence éveillée et tu réussiras.
Vous
m’écrivez que la situation de Milex est
bonne (entreprise horlogère
familiale). Je ne demande pas mieux que de vous croire, mes chers, et comme
je ne puis rien faire pour vous en ce moment à cause de la situation mondiale,
je me force à avoir confiance.
Comme je
vous l’ai écrit dans une lettre précédente, nous avons déménagé au Djocjaweg 24, Batavia C. Mais n’ayez pas
peur, j’ai fait le nécessaire pour que vos lettres nous parviennent sans faute.
Notre
maisonnette ici est un peu plus petite qu’à la Palmenlaan, mais tellement plus gentille, et aussi le jardin est
plus grand et offre plus de possibilités. Last but not least, le loyer est plus
bas. J’étais contente de devoir déménager le
premier mars, cela m’a donné à faire et a occupé mes pensées. Nous
demeurons maintenant à 5 minutes des van Mastwyck et le jour du déménagement,
elle m’a envoyé à dîner. Ils sont toujours très très gentils et bon pour nous.
J’espère
pourtant que vous recevrez encore mes lettres, surtout celles où j’ai envoyé
tant de photos de Griot. Il est si joli, si vif et gai. Il a seulement 4 dents
et quand il sourit c’est si joli, mais comme je vous dis, il ne me laisse pas
un instant de répit, il est toujours après l’une ou l’autre espièglerie. Le
jour de sa fête, quand nos connaissances lui ont apporté tant de ces beaux
cadeaux, Monsieur s’est amusé toute la journée avec une vieille cuillère de
bois à taper sur ses cadeaux neufs. Je la lui avais donnée en souvenir de
Charlot quand il saluait le drapeau avec, près de la fontaine ! Et dire
qu’il y a presque 25 ans de cela !
Mes frères, c’est bientôt votre fête (4.4.1913). Tous trois nous vous
souhaitons une bonne santé d’abord et beaucoup de succès dans vos entreprises
et du bonheur dans votre vie privée and many many happy returns of the day, mes
chers, chers frangins. Ayez bien soin de mamali.
Inutile de
vous dire que j’attends votre lettre avec une grande impatience, et dites moi
tout, mes chers, aussi comment vous vivez car je ne peux pas m’empêcher de me
faire un peu de souci. D’un autre côté, j’ai une grande confiance dans vos
capacités, garçons. Vous êtes des hommes maintenant à savoir vous tirer
d’affaire et vous saurez bien le faire.
La lettre
251 où Papali a écrit si longuement m’est parvenue juste une semaine après
votre télégramme. J’ai bien eu mal au cœur mais d’un autre côté, c’était comme
si Papali m’écrivait du ciel.
Cette
semaine je vais à une réunion Oxford chez Go.
Mes chers,
je dois vous quitter. Mille bons vœux et baisers de nous trois…..
……Votre
Ge… Oscar et Griot
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