jeudi 17 août 2017




Batavia,
Djocjaweg 24,

4 mars 1941

226
Mes chers chéris
J’ai reçu votre télégramme de fête ce matin et je vous en remercie de tout mon coeur. Vous êtes tellement bon pour moi, mes chers, et j’espère bien pouvoir vous le rendre un jour.
Je n’ai pas le temps de vous écrire beaucoup, car à la dernière minute de nouveau je viens d’apprendre qu’un avion part demain prenant avec lui de la poste pour la Suisse. Je serai donc brève, car j’ai beaucoup à vous dire et le temps me manque un peu. Je ne toucherai donc pas au sujet qui me tient le plus à cœur ; notre cher Papali. Oh, monté, non, je ne peux pas m’empêcher de parler de lui, car il est toujours dans mes pensées. Cela fait si mal de ne plus le revoir, mais lu, il est bien où il est et je suis même heureuse pour lui, mais je comptais tant pouvoir l’embrasser et lui offrir son « Griot » (Conrad)! Non, je m’arrête sans quoi je ne peux pas vous écrire tout ce que j’ai à vous dire. Notre Papali, nous le faisons vivre dans nos cœurs, n’est-ce pas ?
J’ai reçu il y a 3 jours ta lettre 251, contenant une copie de lettre de Boy Engelhart et de papa W. Merci de tout cœur de te donner tant de peine pour nous et nos amis. Je viens d’avoir une lettre de tante Engel, qui a été assez malade des reins. Elle m’écrit depuis la clinique, elle va mieux et se remet chaque jour d’avantage. Elle vous envoie mille remerciements de toute ta bonté, cela lui a fait tant de bien de recevoir des nouvelles de Boy. Au mois de juin, Mr. Engelhart sera pensionné et ils viendront habiter Bandoeng où ils vont se construire une maison. Tu pourrais écrire cela à Boy, si ce n’est pas trop demander de toi en ce moment.
Si tu écris de nouveau à papa W. n’oublie pas de lui dire que nous attendons sa lettre avant de lui écrire, car nous ne savons pas si, vu la situation, une lettre de nous serait la bienvenue.
Dans ta lettre 251, tu me dis que vous n’avez plus eu de nos nouvelles depuis le mois d’octobre. J’en suis navrée, car je vous écris régulièrement au moins une fois par mois et ces derniers temps je le fais toujours quand j’apprends qu’il y a un avion poste qui part. Je ne comprends pas pourquoi vous ne recevez pas mes lettres alors que moi je reçois les vôtres assez régulièrement. Tu dois te faire du souci pour nous et je le regrette beaucoup.
Tes prières nous entourent comme une forteresse. Nous nous portons bien tous les trois. Oscar travaille beaucoup, car il doit se partager entre le bureau et son service, ce qui n’est pas facile. Enfin, les garçons doivent bien le savoir aussi, sauf qu’eux ont l’avantage du bon climat. Moi j’ai de temps en temps un accès de dysenterie, alors je vais chez le docteur pour me faire donner quelques injections et cela re-va ! J’ai bien aussi le climat qui m’embête un peu de temps en temps quand il fait spécialement chaud. Je commence à le sentir plus que les premières années, mais à part cela je me porte très bien. Je vieillis beaucoup, mais tant pis, un séjour en Suisse fera l’affaire.
Quant au Griot (Conrad), mes chers, il marche, il grimpe, il tire toutes les nappes par terre, il fourre ses doigts dans tout ce qui est creux, même dans la gueule du chien s’il en a l’occasion, il rit, il chante, il sait gronder quand quelque chose ne lui plaît pas. Il est maintenant dans une période où je ne peux pas le laisser sans surveillance pendant une seule minute. Il a été terriblement gâté hier, il a reçu 12 cadeaux, sans compter les nôtres que nous n’avons pas encore acheté. Inclus des photos qui vous diront mieux que moi comment il se porte.
Je suis si contente que l’affaire de Charlot se soit réalisée. De tout cœur beaucoup de succès, Charlot. Travaille fort et tient ton intelligence éveillée et tu réussiras.
Vous m’écrivez que la situation de Milex est bonne (entreprise horlogère familiale). Je ne demande pas mieux que de vous croire, mes chers, et comme je ne puis rien faire pour vous en ce moment à cause de la situation mondiale, je me force à avoir confiance.
Comme je vous l’ai écrit dans une lettre précédente, nous avons déménagé au Djocjaweg 24, Batavia C. Mais n’ayez pas peur, j’ai fait le nécessaire pour que vos lettres nous parviennent sans faute.
Notre maisonnette ici est un peu plus petite qu’à la Palmenlaan, mais tellement plus gentille, et aussi le jardin est plus grand et offre plus de possibilités. Last but not least, le loyer est plus bas. J’étais contente de devoir déménager le premier mars, cela m’a donné à faire et a occupé mes pensées. Nous demeurons maintenant à 5 minutes des van Mastwyck et le jour du déménagement, elle m’a envoyé à dîner. Ils sont toujours très très gentils et bon pour nous.
J’espère pourtant que vous recevrez encore mes lettres, surtout celles où j’ai envoyé tant de photos de Griot. Il est si joli, si vif et gai. Il a seulement 4 dents et quand il sourit c’est si joli, mais comme je vous dis, il ne me laisse pas un instant de répit, il est toujours après l’une ou l’autre espièglerie. Le jour de sa fête, quand nos connaissances lui ont apporté tant de ces beaux cadeaux, Monsieur s’est amusé toute la journée avec une vieille cuillère de bois à taper sur ses cadeaux neufs. Je la lui avais donnée en souvenir de Charlot quand il saluait le drapeau avec, près de la fontaine ! Et dire qu’il y a presque 25 ans de cela !
Mes frères, c’est bientôt votre fête (4.4.1913). Tous trois nous vous souhaitons une bonne santé d’abord et beaucoup de succès dans vos entreprises et du bonheur dans votre vie privée and many many happy returns of the day, mes chers, chers frangins. Ayez bien soin de mamali. 
Inutile de vous dire que j’attends votre lettre avec une grande impatience, et dites moi tout, mes chers, aussi comment vous vivez car je ne peux pas m’empêcher de me faire un peu de souci. D’un autre côté, j’ai une grande confiance dans vos capacités, garçons. Vous êtes des hommes maintenant à savoir vous tirer d’affaire et vous saurez bien le faire.
La lettre 251 où Papali a écrit si longuement m’est parvenue juste une semaine après votre télégramme. J’ai bien eu mal au cœur mais d’un autre côté, c’était comme si Papali m’écrivait du ciel.
Cette semaine je vais à une réunion Oxford chez Go.
Mes chers, je dois vous quitter. Mille bons vœux et baisers de nous trois…..
……Votre Ge… Oscar et Griot




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