jeudi 1 juin 2017




Batavia

1er décembre 1939
205

C’est une Ge… bien satisfaite, contente et jolie qui vous écrit ! Nous avons une maisonnette !!! Oh, bien modeste, bien petite et pourtant j’en suis plus que contente, même qu’elle est affreusement chère. Nous devons payer Fl. 105.- par mois, ce qui revient à environ Frs. 230.- par mois. Nous y avons deux très petites chambres à coucher, un petit salon plus minuscule encore, et une sitting-dining room, je vais essayer de vous en faire un plan, ainsi vous pourrez mieux vous rendre compte de notre nouvelle demeure. Je suis si contente, car maintenant nous serons dans notre home pour Noël, et j’ai une chambre à installer pour notre petit enfant. Oh, je suis si contente ! Mais sachons vous raconter les choses depuis le commencement.
D’abord merci de tout mon cœur pour les épîtres 223 et 224 que j’ai reçues en même temps, un des derniers jours que j’étais encore à Kediri. Merci aussi pour la photo de mobilisation du Padre, elle est jolie aussi, mais naturellement que l’autre, celle de la bonne humeur, prime encore toujours ! J’ai immédiatement reconnu Mr. Breguet, le père à Musy. Il n’a pas changé et j’ai eu du plaisir en voyant dans ta lettre que j’avais reconnu juste, ainsi je me rappelle pourtant encore un peu les gens qui sont à Bienne ! Je ne suis pas tout à fait devenu étrangère.
En arrivant ici j’ai également eu la surprise de recevoir des Sie&Er de Max. Je trouve gentil qu’il prenne la peine de m les envoyer ainsi, car c’est quelque chose que je ‘aurais pas attendu de lui.
Je vous confirme donc ma lettre 204. Le jour après l’avoir écrite, j’ai été à Meritjan loger chez tante Engel, et ma foi, cela m’a fait beaucoup de bien de me retrouver chez eux. Ils ont été charmants tous les deux et m’ont gâtée à qui mieux mieux. Je me suis de nouveau tout à fait retrouvée à la maison. Nous avons cousu, et tante Engel m’a beaucoup aidée, j’y ai fini mes deux dernières robes de circonstances, une en crêpe bleu clair et une plus simple en crêpe marine, mais cette dernière me va extrêmement bien. Je l’ai mise pour le voyage et vraiment j’ai eu bonne façon. Pendant que j’étais chez tante Engel, j’ai reçu la nouvelle que Boili serait licencié dans le courant de la semaine. C’était une bonne nouvelle, car nous nous attendions à quelque chose de pareil seulement pour la fin du mois. En même temps tante Engel recevait de sa belle-sœur, ici à Batavia, une lettre qu’elle avait déniché 3 maisons pour moi et qu’il faudrait que je puisse choisir aussi vite que possible. Pensez si cela étaient des bonnes nouvelles ! Même si ces maisons n’étaient pas pour me plaire, cela me donnait au moins un brin d’espoir. Quand Oscar est revenu de Soerabaya, nous avons décidé de partir pour Batavia aussi vite que possible à cause de ces maisons, et nous avons quitté Kediri dimanche soir, le 26 novembre, après encore avoir mangé une gentille rijsttafel chez les Mogendorff ensemble avec les Fraay et van Tinteren. Nous avons pris le train de nuit et j’y ai bien dormi, ce qui m’a fait du bien. Ils sont vraiment épatants les wagons-lits ici.
Nous sommes arrivés à Batavia le lundi matin à 08 heures. Annie Elout était à la gare avec un beau bouquet d’orchidées, et de plus, elle m’avait encore déniché une maison ! Grâce à elle, Elout s’était enfin donné de la peine à faire les démarches nécessaires auprès du bureau de logements de la Banque, ordonnant à ces gens de nous donner la préférence sur toutes les maisons qu’ils pouvaient avoir de libres, car nous étions aussi de la Banque, et il fallait nous aider. Surtout Anne Elout pensait à mon état, et pour cela je lui suis bien reconnaissante. Ainsi le service que je lui ai rendu, il y a deux ans, en soignant son petit garçon, elle me l’a amplement rendu aujourd’hui.
Nous avions la préférence sur cette maison jusqu’à midi, de sorte qu’il fallait nous dépêcher d’aller la voir. En sortant de la gare, nous avons été à l’hôtel pour déposer nos bagages et immédiatement pris un taxi pour aller voir les maisons, celle d’Annie d’abord, mais je ne voulais pas me décider avant d’avoir vu les autres aussi. Nous avons parcouru la ville toute la matinée, mais les adresses de tante Engel n’étaient rien du tout, c’étaient de vieille bâtisses presque délabrées dans des quartiers impossible à habiter, trop près des chinois, pourtant je les aurais louées si je n’avais pas eu d’autre choix. Enfin, à midi, j’étais à bout de forces d’être entrée et sortie de ces taxis et par une chaleur fantastique. Nous avons téléphoné pour accepter de louer cette première maison d’Annie.
Palmenlaan 54, Batavia

Elle est située en plein quartier européen, à la Palmenlaan 54, il n’y a presque pas de jardin, à moins de compter pour jardin deux mètres carrés couverts de pauvre herbe devant la maison, mais le quartier est tranquille et agréable et nous y avons déjà trouvé beaucoup de connaissances. Nous en ferons des photos sitôt que nous serons installés. Tu m’en as toujours demandé de la maison à Kediri, et nous ne sommes jamais arrivés à en faire. Mais aussi cette maison, je n’y ai pas eu trop de plaisir, car je ne considérais jamais comme tout à fait mienne, avec toutes ces choses des Sayers qui s’y trouvaient.
entrée

Notre maisonnette est libre depuis aujourd’hui, et nos meubles sont déjà expédiés depuis Kediri, nous les attendons ici dans deux jours environ, et je pourrai commencer à m’installer. Quel bonheur ! Car la vie ici à l’hôtel ne me plaît pas, c’est surtout le manger qui me dégoûte. Ce n’est pas mauvais, mais toujours de la viande, de la viande partout, et des choses si compliquées, trois plats à midi et 5 le soir. C’est fou ! Notre djongos Kaidi va arriver un de ces jours aussi avec notre chien Abdy.
En arrivant ici, j’ai demandé au concierge du Flat Gebouw à la Koningsplein, situé tout à côté de notre hôtel, s’il se rappelait encore de ma petite baboe que j’avais à mon service il y a deux ans. Il a dit qu’il s’informerait, et voilà bien que le même soir, il arrive avec la petite baboe, qui ne demandait pas mieux que de revenir travailler chez moi. Ainsi j’ai une petite connaissance autour de moi, et c’est heimelig.
véranda

Hier soir, nous avons été au docteur pour moi, donc chez ce docteur Hiltermann qui m’avait été recommandée par le dr. de Geus. Il nous a été très sympathique et il a tout de suite su me mettre à l’aise, car je n’y allais pas de bon cœur ! Il a trouvé tout en ordre, urine et tout et il faut que j’y retourne vers Noël. Il m’a bien recommandé de ne pas me fatiguer avec l‘emménagement de notre maison, c’est aussi la première chose qu’il a demandée : saurez-vous au moins trouver une maison ? Il a été très content pour moi. En effet, nous avons beaucoup de chance d’avoir pu trouver un toit aussi vite. C’est très cher, mais tant pis, cela vaut toujours mieux que rien, car je ne me vois pas ici à l’hôtel avec mon baby.
Les frais de l’accouchement se monteront à Fl. 200.- plus encore les frais de la clinique. C’est pas bon marché, hein, mais tant pis, j’ai au moins l’assurance d’être à la meilleure adresse pour avoir les meilleures chances d’un bon accouchement. A la clinique j’irai en deuxième classe, un grand hôpital protestant heureusement !
Le jour après notre arrivée ici, Oscar a immédiatement été au travail. Il trouve que c’est tout à fait comme il y a deux ans, Elout passe son temps à blaguer ici et là et c’est à Boili de faire tout le travail. Seulement cette fois-ci, il est mieux versé dans les affaires et je lui ai déjà dit de jouer du coude !!! Il paraît aussi qu’il y a des changements qui vont se faire, et que peut être nous ne resterons pas à la Akoi, mais serons placés dans une autre firme. Seulement ce sont encore des projets et qui vivra verra.
En attendant Boili

Voilà, maintenant vous êtes au courant de nouveau de notre nouvelle vie, et il n’y a donc pas à vous faire de soucis à mon sujet. Ma dernière lettre  était peut être un peu découragée, mais vous voyez que cela n’a pas été de longue durée. Une fois de plus nous avons eu beaucoup de chance, et je suis sûre que vous vous réjouissez avec nous mes chers. D’un instant à l’autre j’attends Boili qui rentre pour dîner, il n’a que ¾ d’heures, alors il faut être prête.
Tous mes bons vœux à chacun, mes bien chers, et un bon baiser aussi de votre
Ge… et son Boili



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