Batavia
1er décembre 1939
205
C’est une
Ge… bien satisfaite, contente et jolie qui vous écrit ! Nous avons une maisonnette !!! Oh,
bien modeste, bien petite et pourtant j’en suis plus que contente, même qu’elle
est affreusement chère. Nous devons payer Fl. 105.- par mois, ce qui revient à
environ Frs. 230.- par mois. Nous y avons deux très petites chambres à coucher,
un petit salon plus minuscule encore, et une sitting-dining room, je vais
essayer de vous en faire un plan, ainsi vous pourrez mieux vous rendre compte
de notre nouvelle demeure. Je suis si contente, car maintenant nous serons dans
notre home pour Noël, et j’ai une chambre à installer pour notre petit enfant.
Oh, je suis si contente ! Mais sachons vous raconter les choses depuis le
commencement.
D’abord
merci de tout mon cœur pour les épîtres
223 et 224 que j’ai reçues en même temps, un des derniers jours que j’étais
encore à Kediri. Merci aussi pour la photo de mobilisation du Padre, elle est
jolie aussi, mais naturellement que l’autre, celle de la bonne humeur, prime
encore toujours ! J’ai immédiatement reconnu Mr. Breguet, le père à Musy.
Il n’a pas changé et j’ai eu du plaisir en voyant dans ta lettre que j’avais
reconnu juste, ainsi je me rappelle pourtant encore un peu les gens qui sont à
Bienne ! Je ne suis pas tout à fait devenu étrangère.
En
arrivant ici j’ai également eu la surprise de recevoir des Sie&Er de Max.
Je trouve gentil qu’il prenne la peine de m les envoyer ainsi, car c’est
quelque chose que je ‘aurais pas attendu de lui.
Je vous
confirme donc ma lettre 204. Le jour après l’avoir écrite, j’ai été à Meritjan
loger chez tante Engel, et ma foi, cela m’a fait beaucoup de bien de me
retrouver chez eux. Ils ont été charmants tous les deux et m’ont gâtée à qui
mieux mieux. Je me suis de nouveau tout à fait retrouvée à la maison. Nous
avons cousu, et tante Engel m’a beaucoup aidée, j’y ai fini mes deux dernières
robes de circonstances, une en crêpe bleu clair et une plus simple en crêpe
marine, mais cette dernière me va extrêmement bien. Je l’ai mise pour le voyage
et vraiment j’ai eu bonne façon. Pendant que j’étais chez tante Engel, j’ai
reçu la nouvelle que Boili serait licencié dans le courant de la semaine.
C’était une bonne nouvelle, car nous nous attendions à quelque chose de pareil
seulement pour la fin du mois. En même temps tante Engel recevait de sa
belle-sœur, ici à Batavia, une lettre qu’elle avait déniché 3 maisons pour moi et qu’il faudrait que je puisse choisir
aussi vite que possible. Pensez si cela étaient des bonnes nouvelles !
Même si ces maisons n’étaient pas pour me plaire, cela me donnait au moins un
brin d’espoir. Quand Oscar est revenu de Soerabaya, nous avons décidé de partir
pour Batavia aussi vite que possible à cause de ces maisons, et nous avons
quitté Kediri dimanche soir, le 26 novembre, après encore avoir mangé une
gentille rijsttafel chez les Mogendorff ensemble avec les Fraay et van
Tinteren. Nous avons pris le train de nuit et j’y ai bien dormi, ce qui m’a
fait du bien. Ils sont vraiment épatants les wagons-lits ici.
Nous
sommes arrivés à Batavia le lundi matin à 08 heures. Annie Elout était à la
gare avec un beau bouquet d’orchidées, et de plus, elle m’avait encore déniché une maison ! Grâce à elle,
Elout s’était enfin donné de la peine à faire les démarches nécessaires auprès
du bureau de logements de la Banque, ordonnant à ces gens de nous donner la
préférence sur toutes les maisons qu’ils pouvaient avoir de libres, car nous
étions aussi de la Banque, et il fallait nous aider. Surtout Anne Elout pensait
à mon état, et pour cela je lui suis bien reconnaissante. Ainsi le service que
je lui ai rendu, il y a deux ans, en soignant son petit garçon, elle me l’a
amplement rendu aujourd’hui.
Nous
avions la préférence sur cette maison jusqu’à midi, de sorte qu’il fallait nous
dépêcher d’aller la voir. En sortant de la gare, nous avons été à l’hôtel pour
déposer nos bagages et immédiatement pris un taxi pour aller voir les maisons,
celle d’Annie d’abord, mais je ne voulais pas me décider avant d’avoir vu les
autres aussi. Nous avons parcouru la ville toute la matinée, mais les adresses
de tante Engel n’étaient rien du tout, c’étaient de vieille bâtisses presque
délabrées dans des quartiers impossible à habiter, trop près des chinois,
pourtant je les aurais louées si je n’avais pas eu d’autre choix. Enfin, à
midi, j’étais à bout de forces d’être entrée et sortie de ces taxis et par une
chaleur fantastique. Nous avons téléphoné pour accepter de louer cette première
maison d’Annie.
Elle est
située en plein quartier européen, à la Palmenlaan
54, il n’y a presque pas de jardin, à moins de compter pour jardin deux
mètres carrés couverts de pauvre herbe devant la maison, mais le quartier est
tranquille et agréable et nous y avons déjà trouvé beaucoup de connaissances.
Nous en ferons des photos sitôt que nous serons installés. Tu m’en as toujours
demandé de la maison à Kediri, et nous ne sommes jamais arrivés à en faire.
Mais aussi cette maison, je n’y ai pas eu trop de plaisir, car je ne
considérais jamais comme tout à fait mienne, avec toutes ces choses des Sayers
qui s’y trouvaient.
entrée |
Notre
maisonnette est libre depuis aujourd’hui, et nos meubles sont déjà expédiés depuis
Kediri, nous les attendons ici dans deux jours environ, et je pourrai commencer
à m’installer. Quel bonheur ! Car la vie ici à l’hôtel ne me plaît pas,
c’est surtout le manger qui me dégoûte. Ce n’est pas mauvais, mais toujours de
la viande, de la viande partout, et des choses si compliquées, trois plats à
midi et 5 le soir. C’est fou ! Notre djongos Kaidi va arriver un de ces
jours aussi avec notre chien Abdy.
En
arrivant ici, j’ai demandé au concierge du Flat Gebouw à la Koningsplein, situé
tout à côté de notre hôtel, s’il se rappelait encore de ma petite baboe que
j’avais à mon service il y a deux ans. Il a dit qu’il s’informerait, et voilà
bien que le même soir, il arrive avec la petite baboe, qui ne demandait pas
mieux que de revenir travailler chez moi. Ainsi j’ai une petite connaissance
autour de moi, et c’est heimelig.
véranda |
Hier soir,
nous avons été au docteur pour moi, donc chez ce docteur Hiltermann qui m’avait
été recommandée par le dr. de Geus. Il nous a été très sympathique et il a tout
de suite su me mettre à l’aise, car je n’y allais pas de bon cœur ! Il a
trouvé tout en ordre, urine et tout et il faut que j’y retourne vers Noël. Il
m’a bien recommandé de ne pas me fatiguer avec l‘emménagement de notre maison,
c’est aussi la première chose qu’il a demandée : saurez-vous au moins
trouver une maison ? Il a été très content pour moi. En effet, nous avons
beaucoup de chance d’avoir pu trouver un toit aussi vite. C’est très cher, mais
tant pis, cela vaut toujours mieux que rien, car je ne me vois pas ici à
l’hôtel avec mon baby.
Les frais
de l’accouchement se monteront à Fl. 200.- plus encore les frais de la
clinique. C’est pas bon marché, hein, mais tant pis, j’ai au moins l’assurance
d’être à la meilleure adresse pour avoir les meilleures chances d’un bon
accouchement. A la clinique j’irai en deuxième classe, un grand hôpital
protestant heureusement !
Le jour
après notre arrivée ici, Oscar a immédiatement été au travail. Il trouve que
c’est tout à fait comme il y a deux ans, Elout passe son temps à blaguer ici et
là et c’est à Boili de faire tout le travail. Seulement cette fois-ci, il est
mieux versé dans les affaires et je lui ai déjà dit de jouer du coude !!!
Il paraît aussi qu’il y a des changements qui vont se faire, et que peut être
nous ne resterons pas à la Akoi, mais serons placés dans une autre firme.
Seulement ce sont encore des projets et qui vivra verra.
En attendant Boili |
Voilà,
maintenant vous êtes au courant de nouveau de notre nouvelle vie, et il n’y a
donc pas à vous faire de soucis à mon sujet. Ma dernière lettre était peut être un peu découragée, mais
vous voyez que cela n’a pas été de longue durée. Une fois de plus nous avons eu
beaucoup de chance, et je suis sûre que vous vous réjouissez avec nous mes chers.
D’un instant à l’autre j’attends Boili qui rentre pour dîner, il n’a que ¾
d’heures, alors il faut être prête.
Tous mes
bons vœux à chacun, mes bien chers, et un bon baiser aussi de votre
Ge… et son
Boili
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