Kediri
25 août 1939
Mes bien
chers tous,
Je vous
écris à la main parce que Boili emploie la machine, et je ne veux pas
attendre plus longtemps avant de vous donner de nos nouvelles. J’ai déjà
attendu trop longtemps et j’en ai des remords maintenant avec toutes ces affreuses nouvelles de la situation en
Europe. Dans quel état vous devez vivre, mes chers, je peux me le
représenter par l’état dans lequel nous vivons nous-mêmes ici. Jusqu’à présent
Oscar a toujours caché toutes les nouvelles alarmantes pour moi, mais
maintenant il n’y a plus moyen et il faut bien que je me rende compte de la
situation. Naturellement que mon cœur et mes pensées s’en vont vers vous mes
chers tous. Je trouve terrible de ne pas pouvoir vous aider, vous protéger,
vous venir en aide en quoi que ce soit, et je m’en veux de ne pas vous avoir
écrit plus souvent car s’il arrive quelque chose la correspondance en souffrira.
Mes chers, je prie pour vous, c’est tout ce que je peux. Je veux avoir
confiance et veux tâcher de me conduire aussi « courageusement » que
vous le ferez, en vrais Suisses.
Tout
d’abord, je voudrais vous ôter un souci parmi tous ceux que forcément vous vous
faites : c’est de ne pas vous en faire pour nous ici. Quoi qu’il arrive,
nous ne manquerons jamais du nécessaire, le pays est si riche et le sol si
fertile qu’il y a toujours à manger.
Donc matériellement nous ne manquerons
de rien. Même si mes lettres ne devaient pas vous parvenir régulièrement,
vous n’avez aucun souci à vous faire pour moi. Ma santé aussi est bonne, il me
semble qu’elle s’améliore de jour en jour et si ce n’était que j’ai toujours
faim, je me croirais tout à fait normale. Je vais baigner et prendre un court
bain de soleil tous les jours, ce qui me fait un bien énorme. J’ai meilleure
mine que durant toutes ces années et j’engraisse. J’ai déjà beaucoup de robes
que je ne peux presque plus porter. Il n’y a donc pas à vous en faire que de
vous réjouir. J’ai commencé hier à faire la première petite chemise et Boili me
regardait travailler.
En ce
moment il est à la maison, au lit pour quelques jours. Le docteur a constaté un
peu de malaria et son estomac ne semble pas en ordre, mais je crois que le
docteur le met surtout sur le compte des nerfs et de la fatigue. Elout est
encore toujours ici. Il me tarde qu’il parte et que nous puissions reprendre
une vie tant soit peu régulière.
Merci de
ta chère épître 215, Rötteli mia, et
de toutes les autres lettres qu’elle contenait et qui m’ont fait tant plaisir.
Remercie chacun mille fois. Je veux toujours écrire, mais avec tout ce monde
dans et par la maison, je n’y arrive pas. Heureusement que j’ai un très bon
djongos, mais justement aujourd’hui il est malade, alors c’est moi qui dois y
en mettre un peu plus, mais cela ne me gêne pas.
Je vous
envoie encore frs.s. 100.- par avion
aujourd’hui, car vous en aurez sûrement besoin, soit pour l’une ou l’autre
chose à acheter, etc, ou à installer dans le Chalet. Acceptez-les de bon cœur,
comme c’est donné de la part d’Oscar et de moi. Je peux faire si peu pour vous
et je vous aime tant, mes chers tous. Ma Rötteli et mon Padre, je vous ai
devant moi en écrivant et je pense naturellement beaucoup aux garçons, mes
petits frères.
Les hommes
sont ici dans la chambre vers Boili et discutent de nouveau, je veux pourtant
essayer de me concentrer pour continuer ma lettre qui a été interrompue par des
visites diverses pour la plus grande partie de la matinée.
Je viens
de recevoir vos 3 photos de votre beau tour par la Suisse. Merci, merci mille
fois. Vous ne savez pas le plaisir que cela m’a fait de voir vos bonnes
binettes gaies et heureuses. Sitôt que Boili sera mieux je veux aussi que
quelqu’un fasse une photo de nous deux, pour que vous aussi vous ayez du
plaisir à nous voir et que vous puissiez vous réjouir de ma bonne mine. C’est
fantastique, tout le monde me le dit. Je suis si contente que vous ayez eu du
plaisir et je vous trouve bien, chacun : ma Rötteli avec son hübsche Hüteli et mon Ma-ca-ca est plus
Macaroni que jamais. Je suis contente que tu aies aussi bonne mine, mon
Padreli. Est-ce que tu dois toujours marcher
avec une canne ? A cause de tes rhumatismes ? Qu’est-ce que tu
portes dans la boutonnière ? une montre ? Je trouve l’habit pas mal,
il te va ! Quant à la binette, je n’ai pas de critique sauf une immense
envie de l’embrasser, mon Macaroni à moi. Puisque nous en sommes là, je veux
déjà maintenant te dire tous nos voeux pour le 23 septembre (anniversaire du Padre), comme je serai
en pensées avec toi, avec vous tous ce jour-là spécialement. Padre, il y a
longtemps que nous avons ici un petit cadeau pour toi, seulement je n’ose pas
bien l’envoyer. Je n’ai pas voulu le donner à Boy Engelhart pour éviter une
excuse de visite, ni à Mily, qui doit être en Suisse en ce moment. C’est une
petite boîte à cigarettes, ou cigares
ou n’importe quoi, en argent, avec les dates de l’ELEM, 1889 – 1939. La poste ici n’a pas voulu l’accepter en petit
paquet parce que j’ai indiqué une valeur, et si je ne trouve pas d’autre
solution, je l’enverrai par coli postal, si la situation s’améliore. Je te
l’écris ici, faute de mieux comme cadeau de fête ! Le meilleur que je
puisse souhaiter à part la santé de vous tous, c’est que vous puissiez fêter ce
jour « en paix ».
A chaque
instant nous sommes pendus à la radio,
mais aujourd’hui les nouvelles ont été très vagues, sauf des mobilisations
partout. Garçons, je pense que vous êtes aussi sous les armes et je pense tant
à vous. Vous me comprenez sûrement, hein ?
Les Sayers
reviennent d’Europe le 4 octobre, mais nous ne savons pas encore s’ils
reviendront à Kediri.
Nelly août 1939 |
Merci
d’avance pour le thé, Mamms, je le boirai comme tu me le conseilles, mais grâce
à ce Nestrovit, je me porte à merveille, il y a énormément de gens qui le
prennent ici et je le conseillerais aussi aux garçons c’est en forme de petits
chocolats.
Tous mes
bons vœux aussi à Minna, pour sa fête. Je penserai aussi à elle spécialement ce
jour-là. Je pense toujours souvent à chacun, seulement j’ai souvent tant de monde
ici que je ne puis pas écrire. Tantôt aussi, j’avais 4 hommes autour du lit de
Boili, alors il faut leur offrir à boire et écouter ce qu’ils ont à raconter et
répondre à leurs taquineries aussi. Ach, c’est gentil, toutes ces amitiés sans
façon, seulement ça fait perdre du temps !
Je prie
pour vous et vous embrasse chacun de tout mon coeur qui bat tellement pour
vous. Et si c’est nécessaire courage ! je l’aurai aussi, je vous le
promets.
Votre Ge….
et son Boili
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