dimanche 25 septembre 2016




Batavia

21 mai 1937

Je ne vais pas écrire une trop longue sauce ce soir, car c’est déjà vendredi et demain la lettre doit partir de bonne heure.
Merci pour ta lettre 161 qui a comme toujours été reçue et lue sans aucun plaisir !
Mamms, j’ai reçu ton rapport de voyage. Merci, merci, je le trouve très bien et l’ai lu avec plaisir.
Comment avez-vous passé Pentecôte ? J’espère bien. Quand allez-vous à Sutz ? Est-ce que Padre ne te fait pas déjà la meule ? Merci de tout cœur, mon cher vieux Macaroni, pour tes belles petites fleurs de printemps, elles sont si jolies dans leur pochette de cellophane, on dirait un petit médaillon. Mon Padre ! Je t’aime au moins pas !
Rötteli comment as-tu fait pour tomber ainsi ? Tu m’as fait un beau trac, comment va ton genou maintenant ? Raconte-moi tout.
Aujourd’hui la Consulate est tombée en bas mes escaliers. Elle s’est terriblement égratignée aussi, mais sans cela il n’y a pas de mal. Pourvu que ce soit le cas pour toi aussi, que tu n’aies pas encore des histoires avec ton genou. Ecris-moi.
Mon pied va beaucoup mieux. Après 3 compresses avec ces herbes de la doekoen l’enflure avait disparu, et ses massages aussi m’ont fait un bien énorme. Je peux marcher comme si de rien n’était, naturellement je fais encore attention où je pose mon pied et quand je marche trop j’ai bien un peu mal, cela provient de la fatigue. Mais depuis deux jours je sors de nouveau. Quel bonheur, car je n’y tenais presque plus.
A Pentecôte, c’est à dire le lundi de Pentecôte, nous étions invités à une rijstaffel d’adieu de la part des Oppel. Buby ronchonnait et ne voulait pas y aller. Nous aurions bien voulu partir pour Bandoeng et n’importe où, mais nous n’avions pas le sou et ne pouvions pas aller loger chez les van der Lee (Ir et Bernard), puisqu’ elle est à l’hôpital. Alors Buby a donné mon pied comme excuse jusqu’au dernier moment, il ne pouvait pas se décider, mais enfin le lundi matin il a quand même téléphoné qu’il acceptait mais il m’a bien recommandé de boîter. Vous auriez dû voir comme j’ai bien fait cela, et j’avais mon pied bandé et des fois je m’oubliais et je marchais normalement, alors j’entendais derrière moi la voix « suave » de Buby qui me disait : sois prudente Dear, sois prudente ! Alors je recommençais de plus belle ! Quelle comédie ! Le plus beau c’est que deux jours après on va au cinéma, moi dans des souliers sans bas et sans bandages et on rencontre toute une clique des gens qui étaient aussi avec nous. Je n’ai pas même expliqué la chose, ils penseront ce qu’ils voudront. Mais revenons à cette rijstaffel. C’était passablement ennuyeux.

Nelly, 3ème de droite dexième rang
 Nous étions 45 personnes. D’abord nous avons pris l’apéritif dans le lobby de l’hôtel des Indes. Il y avait concert et beaucoup de monde. J’ai inauguré la robe de Max, la rouge et j’ai eu beaucoup de succès, mais du chagrin aussi, car le soir je me suis aperçue qu’elle était usée au derrière. Ce n’est presque pas croyable, mais pourtant la vérité. J’étais pourtant assise dans un fauteuil en cuir et ensuite sur une chaise rembourrée, mais cette étoffe se détend terriblement. Les plis que j’ai bien fait repasser ne veulent pas tenir non plus. Il faut peut être traiter l’étoffe d’une façon spéciale, j’irai demander, car ce matin j’ai vu qu’ils exposaient le même genre d’organza, seulement pas mon dessin de fleurs. Les magasins en sont pleins, mais c’est très cher, une chose que je ne pourrais jamais me payer.  Je suis si contente de ton cadeau, Maxilein ! La jaune, je l’ai laissée longue et la prends comme robe à danser. Elle me va à ravir, elle est chou simplement. Vous auriez dû voir comme les femmes me lorgnaient ! Pour aller à table nous devions choisir des billets de loterie. Ayant plus de messieurs que de dames, il y en a eu qui ronchonnaient parce que sur leur billet il n’y avait pas de no féminin, nous en avons bien ri. Ce qui m’a fait plaisir c’est que Buby a été placé à côté, non, entre les deux plus vieilles femmes de la banque, et en face de lui il avait Witkoop. Vous pensez comme il s’est amusé ? De temps en temps je le regardais qui trônait entre ces deux bonnes femmes, et j’entendais ses méninges craquer à chercher des sujets de conversation ! Moi, j’ai eu un peu plus de chance, étant de nouveau à côté de ce s’Jacob, le même qu’au dîner Jöbsis dont vous avez la photo. De l’autre côté j’avais Mr. Rietdyck et vis à vis Mr. van Mastwyk. Madame Oppel avait à sa droite le plus jeune employé de la Banque, il n’a que 15 jours qu’il est aux Indes, il est encore tout jeune, 20-22 ans. Alors quand les plus vieux avaient prononcé leurs discours, quelqu’un a donné la parole au plus jeune !!! Pauvre gosse, il ne devait pas se sentir bien à l’aise, mais nom d’une pipe, il ne s’est pas fait prier. Il a dit quelques phrases, remercié les Oppel, leur a souhaité bon voyage, après il a dit and now the best is to leave it at that ! en hollandais naturellement, mais il a eu beaucoup de succès pour la manière détachée dont il a dit cela.
La table était merveilleusement décorée de fruits des Indes. Et le coup d’œil était superbe, aussi celui des 30 djongos l’un derrière l’autre portant les plats sur leurs épaules, avec leurs beaux turbans. C’était une vue unique, d’ailleurs l’hôtel est réputé dans tout l’Orient pour cela. Et tout ce qu’il y avait à manger !!!! C’était fou. Pour le dessert il y avait des cafés glacés et une bonne tourte feuilletée, mille feuille. Le plus drôle, c’est que le chef de cuisine est un Suisse ! je le sais de la Consulate.
Pour rentrer, Maître s’Jacob m’a offert son auto juste au moment où Schreuder venait aussi m’offrir la sienne, alors j’ai proposé qu’on aille tous ensemble chez nous. A la fin on était deux autos remplies et on est allé chez Schreuder où on devait boire trois d’un même verre ! Après chez Schreuder on a continué chez les Boese (dont la jeune femme est française) là on a pris le thé et l’apéritif et vers 8 heures je les ai tous invités à venir souper d’une schnitteli chez moi. Avec Schreuder et de Beaufort j’ai vite été acheter du pain, et de la charcuterie, entre autre aussi du Schabziger ! Une fois arrivés à la maison nous étions 7, ils m’ont aidé à mettre la table etc. Nous étions 7 dans mon petit flat ! Buby faisait le Ober et à la place de Whisky soda il a versé de l’huile dans un verre. Je venais d’acheter un bidon d’huile que j’avais fait transvaser dans des bouteilles. La baboe a bien lavé les bouteilles, mais pas enlevé les étiquettes, ainsi il y avait une bouteille de whisky qui contenait de l’huile. On a bien ri. Celui qui m’a aidé le plus était Schreuder. Il était en train de couper du pain à la cuisine, et moi j’avais mis le lait sur le feu pour du café quand on m’a appelée. Je lui ai dit : garde un œil sur le lait et cela l’a fait rire. Il a protesté à grands cris qu’il était surmené, etc. En voulant faire marcher le ventilateur Buby a fait sauter une sûreté, ainsi pendant un long moment on était sans lumières !!! Ils sont partis vers minuit et en faisant le compte de la journée on a été bien content d’y avoir été à cette rijstaffel.
Avant hier on a été au cinéma voir un film très gai : Theodora goes wild, avec Irene Dunne. Un film américain. Nous avons ri comme des fous. En entrant on a rencontré les van Mastwyk et aussi Schreuder, nous avons tous été nous asseoir ensemble, on est sorti avec le fou rire et Buby a dit à Schreuder de venir boire quelque chose et il est resté pour souper. Je suis contente qu’en apprenant à le mieux connaître Buby le comprenne mieux. Et voilà .
Ce matin j’ai eu la visite de mes deux Perruches, Jacqueline (la Neuchâteloise) et la Consulate. On a de nouveau tenu un défilé de mode, et pour cela j’aime bien rester en relation avec Jacqueline, parce qu’elle me donne toujours de très bons conseils pratiques, et enfin elle est bien au courant de la mode elle ne pense qu’à cela toute la sainte journée. Mais elle est jolie à croquer. La Consulate est fausse, une vraie catholique. On est encore toujours grandes amies, mais je me tiens sur le qui-vive. Cela entre nous, hein ?
Mes chers, je suis au bout…….




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