mercredi 25 novembre 2015




Linette, Oscar, Nelly, Flock
Sutz 8.8.1933
8 juillet 1934

Keboemen

Est-il possible qu’il y ait déjà 11 mois que je sois mariée ? Je ne peux pas le croire encore, Oscar non plus ne peut pas le réaliser, il nous semble qu’il y a à peine quelques semaines que nous ayons quitté l’Europe, et tous nos chers à la maison. Les années passaient toujours vite pour moi, mais celle-ci bat tous les records, c’est incroyable. En tous cas, mes chers, si vous avez consenti à un sacrifice dans votre affection pour moi, en me laissant partir si loin, dites-vous bien que vous ne l’avez pas fait pour rien, car jusqu’ici mon sentiment de bonheur a toujours été augmentant, malgré tout ce que j’ai passé en vous quittant tous, j’ai bien senti la séparation mais ne me suis jamais sentie seule, ni pour mes pensées ni autrement. Toujours nous avons trouvé l’un dans l’autre le compagnon prêt à partager toutes nos joies, toutes nos peines, tous nos états d’esprit, toutes nos sautes d’humeur. J’ai beaucoup appris pendant cette année, mais j’ai le sentiment de ne pas avoir changé, si ce n’est d’être devenue une année plus vieille et peut être un peu plus tranquille, je suis « settled », quoi. On dit toujours que cette première année de mariage c’est souvent la plus difficile entre les deux époux, eh bien, je suis contente de pouvoir regarder en arrière et constater que nous avons su diriger notre barque entre les écueils, elle n’a pas reçu beaucoup d’atout et c’est avec confiance que nous nous embarquons pour la deuxième croisière. C’est fou ce que le temps passe, c’est presque dommage, mais en même temps cela nous rapproche du retour en Europe, n’est-ce pas?
Nous avons eu un dimanche tout à fait tranquille. Oscar a été au bureau toute la journée, et en rentrant il s’est amusé avec les petits chiens. Il est 8 heures moins le quart maintenant et Oscar est déjà au lit, tellement il est fatigué. La fin du mois est de nouveau passée, alors il doit rattraper son sommeil perdu. Ce matin à 9 heures, Nieburg est parti pour Batavia, la fabrique de Rangkasbitoeng, cela fait que Buby est seul maintenant au bureau et doit remplacer m. Visser quand celui-ci est en tournée. C’est un poste assez lourd de responsabilité et Buby doit maintenant s’astreindre à le bien remplir, pour cela il a besoin de tout son temps pour étudier et aussi se concentrer, car il est le premier qui y soit arrivé aussi vite, après 2 mois d’apprentissage alors que les autres jeunes gens ont eu le temps de se mettre au courant pendant plusieurs années souvent. Enfin j’espère que tout ira bien, et je vais tâcher de lui aider autant que possible. Mais vous pouvez bien penser que cela ne nous fait pas des amis, cet avancement rapide ! Oh ! mes chers, je vais arrêter pour ce soir, j’ai trop mangé. On a eu des rondes (pdt en robe des champs) avec du beurre et de la salade aux racines rouges et aux concombres. C’était bon, et notre caneton aussi à midi, et notre riz. Mais je dois avouer une chose, bien que je sois au pays du riz, je ne l’ai pas encore mangé aussi bon que chez nous à la maison, Mamali, pour cela tu as le monopole. (Garçons ! vous n’avez qu’à vous taire, il n’y a jamais eu trop d’oignons !). Ma baboe trouve cela drôle de cuire le riz avec quelque chose, même avec du sel. Ici c’est le riz cuit à l’eau pure et passé 2 fois à la vapeur pour le sécher, mais aussi on ne mange jamais du riz tout seul ici, c’est l’aliment de base pour leurs mille et une spécialités. Mes chers, maintenant bon soir…  et dire que vous venez seulement de digérer votre caneton, car à Sutz il doit être 1 heure, ou plutôt 13 heures et Faaather qui ronfle dans le rocking chair, sa baffle bien exposée au public ! J’aimerais aussi une fois une photo de Faaatherli, c’est pourtant toujours mon vieux Macaroni ! Voilà bonsoir, ta Ge…,!
Lundi matin, il est déjà 10 heures, je ne sais pas comme le temps passe. Avec ces deux petits chiens on perd un temps fou, ils sont si rigolo et veulent toujours jouer, aussi je ne peux pas souvent résister à aller courir avec eux au jardin. Cela serait de nouveau quelque chose pour toi, Faaatherli, : - Ne courre pas, cela a mauvaise façon ! – Hein, mais maintenant je m’en fous, je cours autant que je peux et saisis chaque occasion, qu’est-ce que tu veux quand on a des longues jambes. !

Je vous ai décrit mon dimanche, je vais vous faire ma chronique à rebours cette fois-ci. Samedi : j’ai été en ville avec madame Visser, acheter des bananes. Elle doit toujours en avoir de spécialement jolies pour la petite Hanny, alors en ayant vu vers un petit magasin, nous nous sommes arrêtées et avons appelé l’homme qui était au fond de la boutique.
sarong et topi
 Il n’avait mis que son sarong enroulé autour des hanches, le torse tout nu, alors ayant vu qu’il avait à faire à de la clientèle si chic, il a voulu être très poli, et avant de venir parler avec nous, il a vite couru mettre son topi (c’est leur sorte de turban fait en toile batik comme le sarong), pour un musulman c’est signe de politesse d’avoir la tête couverte. Moi j’ai attrapé le fou rire de voir ce gros homme déjà d’un certain âge vite se coiffer de son turban, se trouvant ainsi très bien habillé pour recevoir sa clientèle, et ne se gênant pas le moins du monde de son torse nu. Je ne peux pas bien vous décrire la scène, mais peut être que vous saisirez tout de même le comique que moi j’y ai vu.
Buby m’a réveillée en rentrant du travail. Après une tasse de thé il est retourné au bureau tandis que moi j’ai été faire un petit tour avec madame Visser et Nicki, à 7 heures nous avons repris les messieurs au bureau et en rentrant nous avons trouvé un chinois qui nous attendait. Il voulait nous vendre des …. chinoiseries. Nous l’avons laissé déballer son butin, des vases merveilleux et des assiettes comme papa Woldringh en a à Laren. Nous nous sommes laissés tenter et avons acquis une immense assiette peinte à la main, déjà vieille, que nous nous payons à l’occasion de notre anniversaire de mariage. Nous ne pouvons comme que comme pas aller nulle part, alors il faut bien que nous ayons quelque chose. Nous allons la pendre dans notre salon et nous en réjouir les yeux. Jeudi : j’ai vite été en ville le matin, acheter les timbres pour tout le mois, (j’en ai eu pour Frs. 17.50 !) payer mes impôts et mettre nos économies à la poste. C’est quelque chose que j’aime toujours bien faire. Nous les portons ainsi par petites sommes à la poste et quand nous aurons Fl. 100.--  dont nous pouvons disposer, nous les mettrons à la Mexolie où ils rapporteront du 41/2 % au lieu du 2 1/2% à la poste. Mercredi : cela a été le jour des visites. Le matin à 9 heures nous avons eu le Pater van Voorst tot Voorst, notre connaissance du bateau, qui se rendait à Batavia et voulait nous saluer entre deux trains. Cela nous a fait plaisir et beaucoup de bien. Il a déjeuné avec nous et à 11 heures il est reparti. La visite état très courte mais tout de même très agréable.
Au dîner, par hasard, j’ai parlé de M. Meyeringh, alors Oscar s’est subitement rappelé que ce dernier lui avait dit qu’il viendrait prendre une tasse de thé à 5 heures. J’ai vite fait faire des sandwichs au foie gras. J’ai maintenant dressé ma baboe pour les faire et les arranger joliment sur le plat, de sorte que je n’ai plus à m’en occuper, et peux tranquillement recevoir mes visites. Il est resté jusqu’à 7 heures. Mardi : passé le matin à blaguer chez madame V. et à m’occuper des petits chiens. Lundi : visite des Engelhart, ce que je vous ai déjà raconté dans ma précédente, je crois. A présent mes deux chiens sont assis ou plutôt couchés sous ma table à écrire, ils sont drôles, ils me suivent à chaque pas et veulent toujours être près de moi ou près de Buby quand il est à la maison. Nous les avons baptisés … Tip-Top, Tipsy c’est la petite femme, et Topsy le mâle. Vous en aurez des photos. La femelle nous embête un peu, mais on ne pouvait pas refuser de la prendre, tant pis.
Mes chers, ma salade croît bien, je l’ai fait transplanter hier soir, j’espère qu’elle donnera de belles têtes. J’ai reçu une longue lettre de M. Mottet (comptable de la fabrique familiale) cette semaine. Aussi une lettre de l’amie de madame Ziegler-Ryser, qui m’a écrit et invitée. Elle se trouve maintenant à Bandoeng où son mari a ouvert un sanatorium, Solsana, elle m’a en même temps envoyé un prospectus !!! Je vais naturellement lui répondre, mais à en juger la lettre je ne crois pas que nos relations seront très suivies. Mes chers, je vous quitte, addio, un muntschi à chacun.




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