jeudi 26 novembre 2015






9 juillet 1934

Keboemen


Mynes Mamms
Merci tellement pour ta chère lettre.
Je vois que tu as de nouveau beaucoup de visites, ma pauvre, mais pour l’amour ne te fatigue pas trop de nouveau, pense à toi et à moi. Je suis sûre que tu ne trouves même plus le temps d’aller te reposer entre midi et une heure. Stpl. Ne te fends pas en quatre pour Brero, il n’en vaut pas la peine. La Fridy est bien gentille et je suis contente qu’elle soit près de toi, mais je serai aussi contente quand ils iront demeurer à part, car comme je te connais, c’est toi qui feras encore le gros travail, c’est toujours sur toi que tout retombe. Bien sûr, tu n’as plus besoin d’inviter Flock. Je l’aime bien, Flock, mais tout de même, toi, tu passes avant tout. Donc, ne prends plus aucune considération, fais tout à fait comme tu veux. Ce que tu me dis des garçons me fait assez de peine, mais c’était à prévoir. Je vais écrire à Charlot de nouveau, il a besoin qu’on le supporte, mais sois tranquille, je ne laisserai jamais rien deviner de ce que tu m’écris à ce sujet.
Est-ce que la Hanny va se marier maintenant une fois ? Quant à Mottet, je venais de dire à Oscar que j’avais l’impression qu’il n’était pas heureux, il ne me dit rien de cela dans sa lettre, mais je le devinais entre les lignes, alors ta lettre est arrivée qui m’a confirmé mon impression. C’est dommage, cela valait la peine d’être fiancé pendant plus de dix ans ! En tout cas ce n’est plus par amour qu’il l’a mariée, sa femme Je le regrette pour lui, mais il n’y a rien à y faire, pas ?
Je pense aussi souvent à la Mineli Widmer, bah ! c’est sûr, elle est arrivée là (Congo belge) chez son type et a trouvé la maison et tout déjà installé de sorte qu’elle n’a rien à faire. Une fois que c’est organisé et que les domestiques savent ce qu’ils ont à faire et comment on veut qu’ils le fassent, ils travaillent comme des chronomètres, tu n’as presque plus besoin de t’en occuper, tous les jours à la même heure ils font la même chose. Ainsi la Mineli n’a rien à faire, je la comprends bien. Pourvu que son type n’ait pas eu une maîtresse noire avant son mariage. Bah, elle est encore jeune, si cela ne va pas elle reviendra, il ne faut jamais s’en faire dans la vie, es chunt doch alles wie nes muess (tout vient comme cela doit).
Cette semaine qui vient de passer, je me suis faite une combinaison en crêpe de chine artificielle blanche. Elle n’a pas trop bien réussi, mais tant pis, quand j’aurai un buste cela ira bien. Demain je vais commencer une autre petite robe bon marché, toujours pour m’exercer. Les moulures je ne vais pas les défaire avant que j’aie un buste, alors je pourrai travailler avec précision et faire de jolies choses. Je vais donc les garder encore quelques temps. A la prochaine occasion que nous aurons d’aller à Djocja ou à Solo, je vais m’en occuper. Je pense que je pourrai m’en procurer un pour environ Frs. 15.--  , tu comprends cela me vient meilleur marché que de le faire venir. Quant à mon chic, ne t’en fais pas, bien que je ne sois pas toujours à la dernière mode, je ne me laisse pas aller, je suis toujours bien habillée, avec goût. Tu comprends, ici on ne peut pas suivre la mode de si près, elle change beaucoup en hiver à Paris, et ici nous n’avons pas d’hiver, alors je continuerai à faire mes robes d’après les Jardins des Modes de l’été. Aussi longtemps que je les aurai, tu n‘as pas besoin d’avoir peur. Quand j’aurai un buste, je prendrai aussi une couturière pour un à deux jours par mois. Il faut les payer Frs. 2.--  par jour, alors moi je m’occuperai de couper d’ajuster et c’est elle qui pourra coudre à la machine, car ces couturières ici, n’ont pas la moindre idée de chic, cela sait tout juste coudre à la machine. C’est juste ce qu’il me faut, ainsi j’avancerai vite, car de faire les ourlets, et les finissages prennent du temps.
Ta lettre, (envoyée de Sutz) je l’ai donc reçue comme d’habitude, mais quand tu pourras, il vaut mieux l’envoyer depuis Bienne directement. Merci pour tes conseils pour semer, je vais les suivre.
Jo mynes Mamali, je connais ton cœur de maman, et tu sais que je te dis tout. Quant à la Ricshaw, je l’ai amenée où je l’ai voulu, nous sommes maintenant gentilles l’une avec l’autre quand l’occasion nous fait nous rencontrer, mais nous ne cherchons pas notre compagnie, elle reste bien gentiment chez elle et moi chez moi. C’est bien mieux ainsi. Au commencement, je me disais qu’il me fallait avoir quelqu’un, c’est pourquoi je la laissais venir chez moi et j’allais chez elle, mais comme ces entrevues ne m’apportaient chaque fois que des colères, il vaut mieux qu’elles aient cessé. Maintenant tout va bien, elle ne peut plus me lancer des fions, et moi je n’ai plus à jouer l’hypocrite, bien que je le sois encore toujours quand nous nous voyons, oh ! c’est sûr, je suis toujours très gentille, aussi gentille que sa conduite me le permet, mais tu penses bien que si elle tourne le dos et fait semblant de ne pas me voir, etc, je ne vais pas lui lécher le cul. J’ai aussi du caractère ! Comme je te l’ai déjà écrit, je n’ai vraiment pas besoin de compagnie, mon Buby me suffit. Nous lisons les mêmes livres et ensuite nous en parlons, il est aussi toujours prêt à m’écouter, à m’expliquer ce que je ne comprends pas, etc. Oh ! non, pour rien au monde je voudrais changer, je suis si heureuse.  Pour le reste tout va bien, la santé continue à être bonne, j’ai bonne mine aussi et Oscar se porte bien. Il ressemble tous les jours plus à son papa. Il est devenu tellement homme, on ne pourrait plus le prendre pour un Buebli maintenant. Ne te fais pas de soucis, je fais attention de ne pas manger trop richement, mais simple et sain.
Pourvu que toi tu ne te fatigues pas trop, stpl, prends ton repos après dîner. Et tes jambes, je pense qu’elles ont recommencé à te faire mal. Tu sais, de temps en temps j’ai aussi froid aux reins, froid, je ne peux pas me réchauffer, et cela seulement à une place, c’est très drôle. Moi je pense que tes maux provenaient plutôt de la sciatique que des varices. De temps en temps la jambe me fait mal, surtout si je suis restée debout longtemps, une fois ou l’autre à papoter avec madame V. Alors le lendemain je suis sûre de sentir mes jambes, tout comme toi, c’est pourquoi je crois que ton mal est aussi de la sciatique, qu’est-ce que tu en penses ?
Et maintenant ma mamali chérie, assez pour aujourd’hui et cette semaine, je vais commencer ma robe et vous en enverrai une photo. Sais-tu déjà l’adresse des Haury, (Tata et Max, St Gall), la nouvelle ? Je vais leur écrire pour souhaiter la bienvenue dans le nouveau logement. Si tu veux un bon conseil, ne les prends pas en vacances, ils sont trop difficiles, et je t’assure que même s’ils payaient beaucoup, tu n’en ferais pas de profit mais tu aurais encore des dépenses inutiles, sans compter les colères, non, sois intelligente et lâche ce projet, subito. Voyons, après toutes les expériences que nous avons déjà faites, je ne comprends pas que tu reviennes encore sur ce plan. So et maintenant terminé. Je suis contente que tu n’aies pas l’ennui, je n’en ai pas non plus, ma vie ici me remplit tellement. La Ricshaw vient de passer ici. Lui, nous a fait faire une porte pour que les deux petits chiens ne puissent pas s’échapper. Alors on les a invités pour un apéritif. C’était gentil, tout a bien été. De cette manière c’est plus facile, quand on ne se voit pas trop, mais de temps en temps cela ne gêne pas.
God bless you with all my love, ma chérie



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