mercredi 25 novembre 2015







1er juillet 1934

Keboemen

C’est dimanche, Oscar est au travail depuis 61/2 heures, et hier soir jusqu’à minuit, car c’est la fin du mois. Je lui ai tenu compagnie au bureau en faisant une poche à serviette, encore celle que j’avais achetée en son temps. J’arrive enfin à les finir !

(original minuscule)

Aujourd’hui nous aurons probablement la visite des Engelhart venant nous apporter nos deux petits chiens. Gare, on va en avoir à faire, ils n’ont que quelques mois.
Buby est de nouveau remis complètement, jusqu’à quand ? C’est maintenant la saison sèche, mais aussi celle des vents assez violents. Heureusement qu’ils n’influencent pas mes rhumatismes qui vont très bien, quand je fais attention de ne pas prendre froid. Notre maison ayant 5 fenêtres et deux portes est un formidable trou à courants d’air, c’est pourquoi Buby s’enrhume toujours maintenant qu’il y a tant de vent. Nous avons demandé qu’on nous pose des fenêtres, c’est à dire des vitres, sans quoi on doit avoir les jalousies fermées toute la journée, et encore, ces jalousies ne retiennent pas le vent non plus. Je vous dis c’est comme au Chalet ! Mais on l’aime bien tout de même notre maison, on pourrait peut être prendre une plus grande, celle des deux jeunes gens d’en face. Elle a un grand jardin, mais les inconvénients sont qu’elle est tout au bord du kampong (village indigène) d’un côté et qu’elle voisine avec celle des Röhwer, de sorte qu’ils entendraient tout ce qui se dit chez moi à la cuisine, salle de bain etc. Ce sont deux raisons capitales qui nous font préférer de rester ici, dans notre premier petit nid, malgré le jardin plus avantageux. Le comptable Nieburg part donc pour Rangkas, une autre fabrique près de Batavia, le 8 courant, alors Blockhuis, restant seul, va déménager dans une maison plus petite dans la même rangée que la nôtre. Je suis si contente, notre maison est séparée et bien pour elle, ainsi on n’a pas de voisinage ennuyeux. Maintenant voyons ma chronique.
Lundi, rien de spécial, j’ai écrit toute la journée, je crois, et aussi commencé à travailler pour Nicki. Mardi, travail fou toute la journée jusqu’à 11 heures du soir pour faire et broder deux coussins pour sa voiture. Je les ai fait en bakor, cette fibre tressée en beau tissu de paille, couleur naturelle beige clair. Le coussin pour le dos je l’ai brodé avec de la laine, des ronds de différentes grandeurs et couleurs, l’effet en est très joli. C’est un cadeau qui ne m’a coûté que du travail et quelques cents de kapok (fibre). Le mercredi matin donc, déjà à 7 heures, Nicki a reçu son petit ricshaw (un vrai cette fois !) peint en vert clair, avec son petit cheval brun clair. Quelle fête ! Madame Visser l’a fait faire par un ouvrier de la fabrique sous le contrôle du vieux Röhwer, mais au lieu de devenir bon marché, cela lui est revenu à un prix fabuleux. Elle en avait affreusement les bleus, mais maintenant quand on voit la petite Nicki toute blonde et rose dans sa voiturette verte, on est enchanté. Oscar en fera une fois une photo. J’ai donc fait apporter les coussins et à 10 ½ heures je suis allée moi-même féliciter les parents. Oui, c’est une coutume hollandaise d’aller féliciter les parents et toute la famille à l’occasion de l’anniversaire d’un membre. En arrivant là, la Ricshaw y était déjà, elle m’a à peine saluée et j’étais en train de me demander quelle pouvait bien être la cause de ce nouvel accès de gentillesse, quand j’ai vu mes coussins sur la voiturette qui étaient simplement ravissants. Aha ! je me suis dit, elle est jalouse, et j’ai su de suite que mon cadeau avait fait plus d’effet que le sien. Oh ! je commence à la connaître, ma Ricshaw. Je n’ai rien fait semblant et peu à peu elle s’est remise et m’a même parlé normalement. Nous sommes restées chez madame Visser jusqu’à midi, ensuite les messieurs sont aussi venus féliciter, et nous avons pris des apéritifs, de la bière, et d’immenses assiettes de bami et de sotto que madame V. avait fait préparer. A 1 ½ heures enfin, nous sommes rentrés chez nous, où la baboe attendait patiemment avec son dîner froid. Nous n’avons plus rien mangé qu’une tasse de bouillon, le reste a été avalé le soir. J’avais du rôti hâché, de la salade cuite en laitue, des pommes de terre à l’eau et un pudding aux fruits. Je ne sais pas, mamali, mais tu sembles croire que nous mangeons comme des rois, too rich food. Je t’assure que ce n’est pas vrai, nous avons tous les jours de la soupe, des légumes, des patates et un petit dessert, la plupart du temps des fruits. J’achète un os à moëlle 2 fois par semaine et cela me donne de bonnes soupes pour 4 jours. Les autres jours je fais faire des soupes aux légumes, aux flocons d’avoine, au pain, etc. Aujourd’hui dimanche, nous avons de nouveau du riz, un caneton, et des légumes javanais, la seule chose à laquelle je fais attention est de toujours avoir des menus équilibrés, c’est à dire comprenant un peu de tout le nécessaire en vitamines etc. Mais je vais suivre ton conseil quant aux œufs. En effet Buby est maintenant assez bien portant, une nourriture simple lui suffit malgré son travail mais je t’assure que c’était un peu nécessaire au commencement, car j’avais peur qu’il ne puisse pas supporter l’effort qu’il devait faire les premiers temps, à la fabrique et avec le nouveau climat. Nous avons toujours au moins une fois par semaine un jour sans viande. Je deviens paresseuse quant à la cuisine, je ne cuis plus jamais rien, je ne fais plus de vol au vent, plus rien du tout, sauf tous les samedis matins un cake qui dure généralement jusqu’au vendredi. Oh ! mais je m’éloigne de mon sujet, revenons à nos moutons. Jeudi soir, nous avons été au cinéma, Buby et moi, voir Lilian Harvey dans « My lips betray », un film charmant sinon d’une grande valeur de contenu. Nous étions avec toute la bande de Premboen, et les Röhwer, assis devant nous tous. Ce qu’on les a embêtés, fantastique, quelque fois on hurlait de rire, surtout madame Engelhart, qui peut rire comme toi, mamali ! Vendredi – j’ai écrit toute la journée, et pas fait grand chose autrement. Hier samedi, madame V. est venu m’apporter du riz qu’ils avaient reçu d’un chinois, alors un peu avant midi, on a décidé d’aller faire un tour en ville en auto, une petite demi-heure. Le soir, je me préparais justement à rejoindre Buby au bureau quand la Ricshaw arrive, pas trop sûre d’elle même en devinant ma surprise de cette visite, je pense. Enfin, avec un mauvais œil elle me demande si nous irions manger la rijsttafel demain, chez eux.  J’ai eu la chance de pouvoir refuser, vu qu’Oscar doit travailler toute la journée. Mais cette semaine je vais être gentille de nouveau avec elle pour pas qu’elle se fâche de ce refus, qui n’est pas le premier. Oh ! je vous dis, c’est des chats, les femmes. Hier soir, jour de paye pour mes zigues ici, le kebon m’a demandé une avance de tout un mois, parce qu’il devait se bâtir une nouvelle maison. C’est donc une avance de Fl. 8.-- qui lui permettra d’acheter les bambous nécessaires pour sa maison, et de vivre chichement pendant tout un mois. Ils ne mettent jamais rien de côté, ces gens, ça se contente de peu, ça vit au jour le jour sans soucis du lendemain.
A l’instant il revient du marché d’où il me rapporte 2 canetons de près de 10 semaines pour 21 cents, et deux petits entok de quelques 4 semaines pour 13 cents. J’en ai maintenant 9 pièces en tout. Mes poules ont de nouveau toutes crevé de maladie, je n’en veux plus. Un de mes petits entok, tu sais papa, ceux qui ressemblent aux canards de barbarie pour la forme mais qui ont des plumes brunes et blanches, eh bien, un des petits a eu une maladie. Il ne pouvait plus se poser sur une patte, elle était tout à fait sans vie, et les palmes se sont tout à fait rétrécies, de sorte qu’il n’a que des griffes à une patte. Pendant quelques jours, les deux pattes ne pouvaient pas le supporter, il se traînait sur le ventre, maintenant une patte va mieux, mais celle des griffes est faible encore. Oscar le masse tous les jours. Je me demande ce que cela a été, peux-tu me le dire ? Est-ce une maladie contagieuse ? Il avait toujours bon appétit, tu sais. Faut-il ne pas le manger ? Pour cela toutefois, il est encore trop petit, il n’a que 6 semaines environ. Et maintenant, mes chers, je vous quitte, je dois encore écrire à papa W. Ne m’en voulez pas que ma lettre soit aussi courte cette fois ! Portez-vous bien, and all the best to you all, Ge…..

original très petit




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