1er juillet 1934
Keboemen
C’est
dimanche, Oscar est au travail depuis 61/2 heures, et hier soir jusqu’à minuit,
car c’est la fin du mois. Je lui ai tenu compagnie au bureau en faisant une
poche à serviette, encore celle que j’avais achetée en son temps. J’arrive
enfin à les finir !
(original minuscule) |
Aujourd’hui
nous aurons probablement la visite des Engelhart
venant nous apporter nos deux petits
chiens. Gare, on va en avoir à faire, ils n’ont que quelques mois.
Buby est
de nouveau remis complètement, jusqu’à quand ? C’est maintenant la saison
sèche, mais aussi celle des vents assez violents. Heureusement qu’ils
n’influencent pas mes rhumatismes qui vont très bien, quand je fais attention
de ne pas prendre froid. Notre maison ayant 5 fenêtres et deux portes est un
formidable trou à courants d’air, c’est pourquoi Buby s’enrhume toujours
maintenant qu’il y a tant de vent. Nous avons demandé qu’on nous pose des
fenêtres, c’est à dire des vitres, sans quoi on doit avoir les jalousies
fermées toute la journée, et encore, ces jalousies ne retiennent pas le vent
non plus. Je vous dis c’est comme au Chalet ! Mais on l’aime bien tout de
même notre maison, on pourrait peut être prendre une plus grande, celle des
deux jeunes gens d’en face. Elle a un grand jardin, mais les inconvénients sont
qu’elle est tout au bord du kampong
(village indigène) d’un côté et qu’elle voisine avec celle des Röhwer, de sorte
qu’ils entendraient tout ce qui se dit chez moi à la cuisine, salle de bain etc.
Ce sont deux raisons capitales qui nous font préférer de rester ici, dans notre
premier petit nid, malgré le jardin plus avantageux. Le comptable Nieburg part
donc pour Rangkas, une autre fabrique près de Batavia, le 8 courant, alors
Blockhuis, restant seul, va déménager dans une maison plus petite dans la même
rangée que la nôtre. Je suis si contente, notre maison est séparée et bien pour
elle, ainsi on n’a pas de voisinage ennuyeux. Maintenant voyons ma chronique.
Lundi,
rien de spécial, j’ai écrit toute la journée, je crois, et aussi commencé à
travailler pour Nicki. Mardi, travail fou toute la journée jusqu’à 11 heures du
soir pour faire et broder deux coussins pour sa voiture. Je les ai fait en bakor, cette fibre tressée en beau
tissu de paille, couleur naturelle beige clair. Le coussin pour le dos je l’ai
brodé avec de la laine, des ronds de différentes grandeurs et couleurs, l’effet
en est très joli. C’est un cadeau qui ne m’a coûté que du travail et quelques
cents de kapok (fibre). Le mercredi
matin donc, déjà à 7 heures, Nicki a reçu son petit ricshaw (un vrai cette
fois !) peint en vert clair, avec son petit cheval brun clair. Quelle
fête ! Madame Visser l’a fait faire par un ouvrier de la fabrique sous le
contrôle du vieux Röhwer, mais au lieu de devenir bon marché, cela lui est
revenu à un prix fabuleux. Elle en avait affreusement les bleus, mais
maintenant quand on voit la petite Nicki toute blonde et rose dans sa
voiturette verte, on est enchanté. Oscar en fera une fois une photo. J’ai donc fait
apporter les coussins et à 10 ½ heures je suis allée moi-même féliciter les
parents. Oui, c’est une coutume hollandaise d’aller féliciter les parents et
toute la famille à l’occasion de l’anniversaire d’un membre. En arrivant là, la
Ricshaw y était déjà, elle m’a à peine saluée et j’étais en train de me
demander quelle pouvait bien être la cause de ce nouvel accès de gentillesse,
quand j’ai vu mes coussins sur la voiturette qui étaient simplement ravissants.
Aha ! je me suis dit, elle est jalouse, et j’ai su de suite que mon cadeau
avait fait plus d’effet que le sien. Oh ! je commence à la connaître, ma
Ricshaw. Je n’ai rien fait semblant et peu à peu elle s’est remise et m’a même
parlé normalement. Nous sommes restées chez madame Visser jusqu’à midi, ensuite
les messieurs sont aussi venus féliciter, et nous avons pris des apéritifs, de
la bière, et d’immenses assiettes de bami
et de sotto que madame V. avait fait
préparer. A 1 ½ heures enfin, nous sommes rentrés chez nous, où la baboe
attendait patiemment avec son dîner froid. Nous n’avons plus rien mangé qu’une
tasse de bouillon, le reste a été avalé le soir. J’avais du rôti hâché, de la
salade cuite en laitue, des pommes de terre à l’eau et un pudding aux fruits.
Je ne sais pas, mamali, mais tu sembles croire que nous mangeons comme des
rois, too rich food. Je t’assure que ce n’est pas vrai, nous avons tous les
jours de la soupe, des légumes, des patates et un petit dessert, la plupart du
temps des fruits. J’achète un os à moëlle 2 fois par semaine et cela me donne
de bonnes soupes pour 4 jours. Les autres jours je fais faire des soupes aux
légumes, aux flocons d’avoine, au pain, etc. Aujourd’hui dimanche, nous avons
de nouveau du riz, un caneton, et des légumes javanais, la seule chose à
laquelle je fais attention est de toujours avoir des menus équilibrés, c’est à
dire comprenant un peu de tout le nécessaire en vitamines etc. Mais je vais
suivre ton conseil quant aux œufs. En effet Buby est maintenant assez bien
portant, une nourriture simple lui suffit malgré son travail mais je t’assure
que c’était un peu nécessaire au commencement, car j’avais peur qu’il ne puisse
pas supporter l’effort qu’il devait faire les premiers temps, à la fabrique et
avec le nouveau climat. Nous avons toujours au moins une fois par semaine un
jour sans viande. Je deviens paresseuse quant à la cuisine, je ne cuis plus
jamais rien, je ne fais plus de vol au vent, plus rien du tout, sauf tous les
samedis matins un cake qui dure généralement jusqu’au vendredi. Oh ! mais
je m’éloigne de mon sujet, revenons à nos moutons. Jeudi soir, nous avons été
au cinéma, Buby et moi, voir Lilian Harvey dans « My lips betray »,
un film charmant sinon d’une grande valeur de contenu. Nous étions avec toute
la bande de Premboen, et les Röhwer, assis devant nous tous. Ce qu’on les a
embêtés, fantastique, quelque fois on hurlait de rire, surtout madame
Engelhart, qui peut rire comme toi, mamali ! Vendredi – j’ai écrit toute
la journée, et pas fait grand chose autrement. Hier samedi, madame V. est venu
m’apporter du riz qu’ils avaient reçu d’un chinois, alors un peu avant midi, on
a décidé d’aller faire un tour en ville en auto, une petite demi-heure. Le
soir, je me préparais justement à rejoindre Buby au bureau quand la Ricshaw
arrive, pas trop sûre d’elle même en devinant ma surprise de cette visite, je
pense. Enfin, avec un mauvais œil elle me demande si nous irions manger la
rijsttafel demain, chez eux. J’ai
eu la chance de pouvoir refuser, vu qu’Oscar doit travailler toute la journée.
Mais cette semaine je vais être gentille de nouveau avec elle pour pas qu’elle
se fâche de ce refus, qui n’est pas le premier. Oh ! je vous dis, c’est
des chats, les femmes. Hier soir, jour de paye pour mes zigues ici, le kebon
m’a demandé une avance de tout un mois, parce qu’il devait se bâtir une
nouvelle maison. C’est donc une avance de Fl. 8.-- qui lui permettra d’acheter
les bambous nécessaires pour sa maison, et de vivre chichement pendant tout un
mois. Ils ne mettent jamais rien de côté, ces gens, ça se contente de peu, ça
vit au jour le jour sans soucis du lendemain.
A
l’instant il revient du marché d’où il me rapporte 2 canetons de près de 10 semaines pour 21 cents, et deux petits entok de quelques 4 semaines pour 13
cents. J’en ai maintenant 9 pièces en tout. Mes poules ont de nouveau toutes
crevé de maladie, je n’en veux plus. Un de mes petits entok, tu sais papa, ceux
qui ressemblent aux canards de barbarie pour la forme mais qui ont des plumes
brunes et blanches, eh bien, un des petits a eu une maladie. Il ne pouvait plus
se poser sur une patte, elle était tout à fait sans vie, et les palmes se sont
tout à fait rétrécies, de sorte qu’il n’a que des griffes à une patte. Pendant
quelques jours, les deux pattes ne pouvaient pas le supporter, il se traînait
sur le ventre, maintenant une patte va mieux, mais celle des griffes est faible
encore. Oscar le masse tous les jours. Je me demande ce que cela a été, peux-tu
me le dire ? Est-ce une maladie contagieuse ? Il avait toujours bon
appétit, tu sais. Faut-il ne pas le manger ? Pour cela toutefois, il est
encore trop petit, il n’a que 6 semaines environ. Et maintenant, mes chers, je
vous quitte, je dois encore écrire à papa W. Ne m’en voulez pas que ma lettre
soit aussi courte cette fois ! Portez-vous bien, and all the best to you
all, Ge…..
original très petit |
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