15 juillet 1934
Keboemen
Avant tout
merci pour votre lettre du 3 juillet.
Nous
sommes de nouveau une fois à dimanche matin. Il est 11 heures. Buby a été
travailler ce matin comme d’habitude, pendant ce temps j’ai vite fait un cake
pour notre dessert, ensuite il est rentré déjeuner, est retourné travailler et
maintenant il est assis à son bureau, ayant pris son travail à la maison.
J’aime bien cela, il fait beau être ensemble, même si l’on ne se dit pas un
mot.
Moi, votre
Ge… je suis assise dans un fauteuil, dans une robe neuve, achevée hier au soir,
et j’ai mon Hermes cheibli (petit diable,
machine à écrire) sur les genoux,
très confortable et heimelig. Ma robe aussi me fait plaisir, elle est bien
réussie, quoique cousue comme une cochonne. Je l’ai commencée avec beaucoup de
soin et la ferme résolution de la coudre soigneusement, mais à moitié chemin,
ma patience était à bout et je l’ai cousue comme-ci comme cela, mais nom d’une
pipe, la coupe y est, elle tombe bien, y a rien à dire, alors pour moi c’est le
principal.
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le chic! |
Oscar va en faire une photo tantôt avec les petits chiens, je viens
d’envoyer le kebon acheter un film. Je t’enverrai un échantillon de ma robe,
mamali, elle est bon marché, tu sais, elle coûte Frs. 6.40, soit Fl.3.20. C’est
du tootisha japonais, les dessins sont bien jolis, mais la qualité laisse
beaucoup à désirer. Pour le moment je m’en moque, car ainsi je n’ai pas peur de
manquer la coupe etc. J’y vais avec sang froid, tandis que si c’était une
étoffe chère, j’aurais encore un peu la frousse. A mes moulures je n’ose pas
encore m’attaquer, je veux attendre d’avoir mon buste. Cette semaine je dois me
mettre une fois de plus à mon panier de raccommodage. Je me suis fait un petit
corset en tulle de coton, juste une large ceinture pour retenir mes bas, elle a
bien réussi, et surtout elle ne donnera pas trop chaud, et elle se lave comme
une chemise. Oh ! je suis pratique, y a pas !
Mes chers,
maintenant encore une grande nouvelle. Hier nous avons eu la visite du voyageur
de Fonteyn de Djocja, Fonteyn est un
magasin de bijouterie, alors, alors, le type est d’abord venu de bon matin
et la Röhwertje l’ayant vu en a profité pour aussi venir voir et j’ai fait dire
à Madame Visser également. Ainsi toute ma matinée a été perdue. Le type ayant
oublié une clef d’une de ses valises, est revenu vers 12 ½ heures. Oscar était
à la maison alors nous avons regardé des pendentifs et, et, et la girl en a
reçu un. Vous savez que j’avais encore Frs. 100.-- que papa W.
m’avait fait de cadeau avant de partir, avec le désir que je m’achète un
bijou en souvenir de lui. Ce voyageur était déjà venu quelques fois avec sa
collection, mais je n’y avais jamais rien trouvé de mon goût dans le prix. Hier
donc, Buby étant là, nous avons trouvé un joli pendentif (Buby m’a promis d’en
faire un dessin quand il aura le temps, je vous l’enverrai) en or blanc, très
simple. Une aigue marine (tu te rappelle, mamali, la pierre qui nous plaisait
tant à Zurich !) mon pendentif est donc de la même pierre, un bleu-vert
magnifique, comme le fond du lac. C’est une pierre ovale au bout d’une baguette
sertie de petites roses, avec un petit brillant au bout du haut, et une
chainette très fine.
…..J’en
étais là avec ma lettre quand le courrier est arrivé, le sea-mail, qui m’a fait
un immense plaisir. Tatali, merci, merci pour les journaux de fin mars et du
mois d’avril, ainsi que les Jardins des
Modes, le Näbu (Nebelspalter, journal
satirique) et le journal hollandais. Nous n’avons dîné qu’à une heure parce
qu’avant il fallait les lire d’un bout à l’autre, les journaux. C’est fou ce
qu’on les aime. J’ai aussi reçu le livret de « l’île de la paix »,
envoyé par Mottet, les Journaux du Jura
et une longue et très belle et bonne lettre de Kitty avec les photos de son
mariage. Oscar a simplement trouvé qu’ils avaient l’air plus bœufs que nous ne
l’avons eu ! Mais revenons à nos moutons. Donc, mon pendentif est très
joli, me plaît énormément, seulement il était plus cher que mes Fl. 50.-- alors Buby a ajouté le reste de sa
poche comme cadeau d’anniversaire de mariage. Je vais me faire une robe bleu
ciel avec cette pierre aigue-marine, l’effet sera très chic. Je vais aussi me faire
une des toilettes dans Sie und Er, Tatali, je suis si contente d’avoir ces
journaux, ici à l’étranger on les apprécie bien plus!
Mon
caneton était excellent de nouveau, et mon cake bien réussi aussi. Cet après
midi nous avons dormi et puis joué au tennis avec les Visser, c’était assez
gai.
Il ne faut
pas vous étonner si vous ne recevez pas de nouvelles de papa Woldringh. Il a
été en Angleterre pour chercher une boarding school pour Bobby. Il est
actuellement très très occupé et ne nous écrit presque rien non plus. Seulement
quelques mots pour que nous ne nous fassions pas de soucis. De Coen (frère cadet d’Oscar) nous n’avons pas
de nouvelles non plus.
Mamali, tu
devrais rire si tu voyais un de mes petits tapis pour mes plateaux. Avant de
partir, pour bourrer mes caisses, j’avais pris quelques chiffons, des pattes à
poussière etc, dans l’armoire à linge. Parmi ceux-ci se trouvait un bout d’un
vieux tablier de cuisine de toi, maintenant, ce bout est bien brodé, très gai
avec du coton rouge et bleu et forme un joli napperon sur mon plateau noir que
j’ai acheté à Amsterdam, tu te rappelles ? J’en ai déjà fait quelques un
de ces petits napperons, toujours entre midi et une heure, en attendant
qu’Oscar aille travailler, car je ne vais pas dormir avant qu’il soit parti.
Ainsi à mes moments perdus je complète mon ménage.
Ce mois je
tire le diable par la queue une fois de plus et pour changer. J’ai acheté 12
jolis motifs au fuseau à un chinois, 15 x 15 cm. Cela garni très joliment la
table. Je les ai eu pour Fl. 1.50, ensuite la baboe m’a fait la meule pour des
marmites, et j’ai fait recouvrir mes tables de cuisine de plaques de tôle, etc,
etc. pour le reste, je ne sais pas, mais l’argent a filé et fondu.
Cette
fois, je ne vous chroniquerai pas ma semaine, vu qu’il n’y a rien à dire. Je
n’ai fait que coudre, coudre, m’amuser avec les petits chiens, qui déchirent
tout ce qu’ils trouvent. Un après-midi j’ai laissé ma robe sur la chaise longue
dans ma chambre de travail, pendant que je dormais, ils n’ont pas trouvé mieux
que d’aller pisser dessus. J’ai dû la faire sécher avant de pouvoir continuer.
Le lendemain, Topsy assis sous ma chaise pendant que je travaillais, attrape un
bout de robe entre ses dents et le mâchait avec grand appétit. Ce soir en
voulant enfiler mon pyjama, je ne trouve plus de manche, elle pendillait encore
à un fil, en loques. Ils me tiennent sur le qui-vive toute la journée, ces
chiens, mais ils sont drôles tout de même. Ainsi la semaine a passé je ne sais
comment.
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la croix du sud (cliquez pour aggrandir) |
Hier soir
après souper, nous avons été faire quelques pas sur le tennis pour tâcher
d’étudier les étoiles un peu. C’est
fou le beau ciel qu’on a ici, la nuit. Est-ce que je vous ai déjà raconté qu’au
sud nous voyons la croix du sud, et
du côté nord de la maison je vois la grande
ourse, mais elle se tient sur la tête avec la queue pointant vers le
zénith. Vous savez que cela a toujours été mon étoile, la grande ourse. A Sutz
je la voyais toujours depuis mon lit au-dessus de la montagne.
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la grande ourse |
C’est le
temps des serpents maintenant. Chez
Röhwer, ils en ont tué un dans le boudoir de madame, et Buby au bureau en a
déjà eu deux, dont un derrière le bureau de M. Visser. Il fait maintenant
souvent un vent* (*souffle, pardon !) très fort souvent et très froid, il
faut faire attention. C’est comme en automne et on aime à se trouver chez soi,
dans sa maison, bien confortable. Où il fait encore le plus beau c’est au lit,
sous tes couvertures, charrette, ce qu’on les apprécie. Pour la saison
prochaine, tu pourras me refaire un figaröttli (liseuse), si tu as le temps et si cela te fait plaisir, tu sais un
blanc, très souple et mince pour mettre au lit. Tu pourras y penser cet hiver,
pas ?
Merci bien pour l’inventaire (voir lettre
26.11.33). C’est trop tard maintenant, mais on le conserve tout de même
comme pièce à l’appui, cela aura toujours une certaine valeur, toutefois,
j’aime mieux ne pas avoir besoin d’en faire usage.
Je voulais
me remettre à ma correspondance cette semaine, quand le raccommodage serait
terminé, mais maintenant il me faudra refaire un pyjama.
Donne-moi
la nouvelle adresse des St Gallois, Tata est certainement en train de faire de
l’ordre, déménager et re-enménager. Vous ferez des photos, j’aimerais bien voir
ce nouvel appartement.
Et
maintenant fini terminé.
Votre Ge…