Batavia
9 octobre 1941
236, à la
main
Mes
bien, bien chers et mynes Rötteli
Je viens
d’apprendre qu’un avion part demain et m’empresse de vous écrie quelques mots.
D’abord merci de ta lettre No 260,
et aussi du billet de Loulou qui a été plus que bien venu. Tu écris tellement
comme papa, Loulou, tu sais dire beaucoup en peu de mots. J’espère tant que ta
combine pour succéder à Flotron réussira ! Mamali, est-ce que tu te
rappelles encore ce souper au Coq d’Or avec Stern et Flotron avec sa ribambelle
de femmes et belles-sœurs !?
J’ai
aussi bien reçu ta lettre par bateau
avec les 2 photos de Padreli en vacances avec M. Racine, c’était donc ta lettre 238. Comme le temps passe !
pour un peu on ne s’aperçoit pas qu’elle est âgée de plus d’une année, cette
lettre.
J’espère
que notre télégramme annonçant la mort
de Coen (frère cadet de Oscar) ne
vous aura pas trop effrayés, surtout toi, mynes Mamms. Je vous confirme aussi
notre télégramme précédent pour l’anniversaire de Papali (23.9.).
Nous
avons reçu aujourd’hui enfin une lettre de l’ami de Coen à Adyar (Inde) avec des détails. (électrocution sur une scène de théâtre,
voir plus bas. ) Oscar est en train de la copier à la machine c’est
pourquoi je vous écris à la main Si cela vous est possible nous aimerions que
vous transmettiez cette copie à papa W. Nous ne voulons pas envoyer l’original
pour ne pas risquer de le perdre. Tu pourras écrire à papa W. que nous confions
à Ger ce qui est à Bombay, toutes les affaires de Coen,
qui seront déposées dans un casier à la Banque (à Bombay) que nous louerons à cet effet par son entremise. Ger est un cousin d’Oscar, il vaut
mieux ne pas mentionner son nom de famille, vous comprenez. Toutes ces choses
appartenant à Coen resteront donc à la Banque à Bombay jusqu’à ce qu’il y ait
une possibilité de les faire venir ici, à moins que nous les prenions avec à
notre retour en Europe. Il y a quelques mois nous avons envoyé de l’argent à
Coen pour remplacer les subventions qu’il recevait de papa W. Comme c’est très
difficile en ces temps-ci d’envoyer de l’argent à l’étranger, nous attendions
toujours une lettre de Coen, nous disant s’il l’avait reçu. Jeudi le 25
septembre nous recevions donc enfin sa lettre tant attendue. Il était heureux
et content et nous racontait qu’il allait faire une tournée de quelques mois
avec Dr. Arundale et sa femme Rukimini en qualité de manager. (théâtre et conférences de la Société
Theosophique) Nous étions très heureux d’avoir enfin reçu cette lettre, car
Oscar, surtout ces derniers mois, se faisait du souci pour Coen, sans bien
savoir pourquoi. Exactement 20 heures après le reçu de cette lettre, Oscar a
reçu le télégramme nous annonçant la mort de Coen. La lettre incluse vous dira
comment ça c’est). Oscar la transcrit
telle quelle, si pour une raison ou une autre il ne vous est pas possible de
l’envoyer ainsi à papa W., il faudra qu’un des garçons la traduise aussi bien
que possible. Vous me comprenez, hein ?
Dans sa
lettre Coen avait envoyé une petite
photo de lui, alors nous en avons fait faire 2 beaux agrandissements, mais
je ne pense pas que je pourrai vous en envoyer un, il faut encore que je prenne
des informations à ce sujet. Les amis de Coen lui ont rendu tous les honneurs
possibles, seulement Oscar ne peut pas transmettre tous les détails à cause de
la censure là où vous enverrez la lettre. Nous devons être très prudents depuis
ici.
Tu auras
bientôt une photo de moi, car j’ai fait
arranger mes dents et j’en suis très très contente. Je peux de nouveau rire
sans restreinte, sans me gêner un peu de laisser voir mes vilaines dents
jaunes. Ces nouvelles dents sont un peu moins en avant, mais pour le reste,
exactement semblables aux miennes. D’ailleurs la photo te le montrera.
La
semaine prochaine nous allons à la
montagne pour un mois de bonnes vacances et Oscar pour 2 semaines. Nous
allons dans un très bon hôtel et je prends Kaidi avec pour avoir quelqu’un de
confiance auprès de Conradli, si je fais une excursion avec Oscar. Après 15
jours, Kaidi rentrera avec Boili pour prendre soin de lui pendant que je
resterai encore seule à l’hôtel avec Schnucksi. Cette année, Oscar n’a pas
voulu que je loue un bungalow où j’aurais toute de même le ménage à diriger.
Ainsi à l’hôtel je serai tout à fait libre et je vais bien en profiter. Pour le
moment, j’ai encore terriblement à faire pour compléter nos garde robes. La
robe en laine couleur tilleul avec cette belle ceinture en brocard a été
transformée en toilette high life de nouveau. Conradli aussi sera joli dans de
longs pantalons bleu marine avec une redingote blanche faite de vieux pantalons
de flanelle blanche qu’Oscar avait une fois reçu de papa W. à qui ils étaient
devenus trop petits ! Tu parles si je sais tirer bon parti de vieilles
choses, hein ? Conradli se porte bien maintenant qu’il a toutes ses dents.
L’autre jour, j’ai été avec lui chez le docteur pour la visite de contrôle. Il
m’a demandé ce que je faisais avec cet enfant, qu’il avait déjà la taille et le
poids d’un enfant de 2 ans. Quand je lui ai répondu que le grand-papa avait 2 m
de long, il n’a plus rien dit (car le dr. lui-même ne m’arrive pas à
l’épaule !). Conradli n’est pas maigre mais pas gros non plus et malgré l’avis du docteur, je ne lui donne
pas d’œufs ni de viande ( ? elle
n’était pourtant pas végétarienne), mais seulement beaucoup de légumes, du
jus d’oranges et de tomates, du pain noir et du porridge. De temps en temps il
reçoit une bouchée de fromage car il
en raffole. En voilà un qui viendra avec nous quand nous irons faire la tournée
des laiteries !
Ce que
tu me racontes du Padreli et de l’influence
qu’avait son impatience à la maison, je le comprends très bien. Vois-tu, je
te comprends si bien en toutes ces choses, tu n’as jamais besoin d’avoir peur.
Je ne peux naturellement pas juger de l’affaire de Charlot et ne puis
qu’espérer qu’il réussisse complètement. Serait-il possible de m’envoyer une
photo de ce M. Schlumpf ? J’aimerais avoir une idée du genre de type que
c’est. Si Charlot a une fois un moment pour m’écrire qu’il le fasse en style
télégramme, cela lui prendra moins de temps et m’en dira tout aussi long que de
belles phrases. On se connaît assez pour se comprendre. La prochaine fois je te
répondrai plus longuement, cette fois-ci je n’ai plus le temps, la lettre doit
partir. Il se peut que je n’écrive pas pendant mon mois de vacances, tu ne te
feras donc pas de soucis !
Boili
souffre beaucoup de la mort de Coen, car Coen était pour lui ce que mes
« petits frères » étaient pour moi, et ce qu’ils sont encore. Je suis
contente qu’il puisse aller en vacances avec moi.
Je pense
que vous déménagez de nouveau à Bienne, (pour
l’hiver après l’été à Sutz) comme le temps passe ! Je pense beaucoup à
vous mais je ne me fais plus de soucis, car je remets tout au Seigneur.
Sans
cela tout va bien, je suis toujours très occupée et maintenant que j’ai de
nouveau de belles dents, nous sortons souvent et avons du plaisir.
Voilà,
mes chers, le temps presse. Mille bons baisers à chacun de vous…
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