dimanche 6 mars 2016






Keboemen

6 février 1935

Mynes Mamms chérie,
Voilà bien longtemps que nous n’avons plus gschnäderet (blagué) ensemble, et je vais me rattraper autant que possible. C’est fou le plaisir que j’ai de nouveau à cette deuxième série de photos, mais naturellement je ne veux pas en parler devant les garçons, mais je les boufferais. Oui oui tu peux être fière avec raison. Comment est-ce allé avec Tata ? Ne vous êtes vous pas chicanées ? Ma dernière lettre que je t’écrivais alors que Buby était à Tjilatjap, je me suis rappelée que tu la recevrais pendant que Tata serait à Bienne, c’est pourquoi j’ai si vite terminé, pour ne pas te faire de difficultés ! J’espère que tu auras compris.
Je vois que vous avez au moins profité de faire des promenades, toi et Tata.
Je suis contente pour Claire Rossel qu’elle puisse se marier, tu la salueras bien si jamais tu la rencontres. Et aussi le père Giuglio, je pense souvent à lui quand j’ai des trous à mes souliers, tu lui diras qu’ici on ne sait pas les réparer comme lui, mais par contre que c’est aussi meilleur marché. J’ai toujours fait des parties de blagues avec lui, vas en faire autant. Tu vois, je te présente encore une nouvelle occasion !
L’échantillon de ton nouveau costume est joli, il me plait bien, et si une fois vous avez un film de trop, eh bien, j’en aimerais bien une photo. C’est honteux, mais nous n’avons pas encore fait les nôtres, j’attends toujours que Boili les fasse, mais une fois il n’y a pas de soleil, et quand il y a du soleil, il n’y a pas de Boili. Toutefois je ne l’oublie pas.
Nous n’avons déjà longtemps plus rien entendu de Solo, mais ils vont venir nous surprendre un jour ou l’autre, il faut toujours s’attendre à tout avec eux.  Oui, ma Jans, je l’aime bien, et elle aussi maintenant qu’elle me connaît mieux.
Merci beaucoup pour la recette du pudding au caramel. Je l’ai déjà essayé souvent, mais encore jamais réussi. Je vais de nouveau en faire un et exactement suivre tes instructions.
Pour faire des sandwiches, j’ai trouvé une autre combine. Tu mets 2 jaunes d’œufs dans une petite casserole, une cuillère à soupe de vinaigre, ou moitié vinaigre, moitié citron, un peu de sel, et tu mets le tout sur le feux, en tournant vivement avec le balai ou une spatule en bois,  ce qui te va le mieux. Au bout de 2-3 minutes, les œufs deviennent durs, ou plutôt épais. Tu tournes toujours et laisse venir bien épais. C’est à ce moment là que tu les prends du feu et tu fiches un morceau de beurre dedans avec la quantité de Worcester sauce que tu juges bonne, et du poivre. Moi, je mets cela entre deux tranches de pain, sans beurre. Cela fait des sandwiches avec un peu de pep, que tu peux offrir avec du vin ou de la bière. Monsieur Voskuil les a très appréciés hier soir. Il te faut toujours compter une cuillère à soupe de vinaigre pour 2 jaunes d’oeuf. C’est d’ailleurs aussi la manière dont je fais ma mayonnaise, dont je t’ai déjà envoyé la recette.
Dimanche matin. Il fait un jour très gris, froid, il pleut finement. Un bon dimanche pour traîner à la maison. Nous nous sommes levés tard, Buby a dormi jusqu’à 8 ½ heures, tandis que moi j’ai lu, parce que je sus tellement habituée à me réveiller toujours à la même heure, pour ouvrir au djongos. Ensuite nous sommes allé nous laver, nous avons déjeuné et maintenant Buby est au bureau jusqu’à midi. Moi, je vais en profiter pour terminer mes lettres afin de pouvoir écrire à papa Woldringh cet après-midi, car il y a plus de 6 semaines qu’il n’a plus eu une vraie lettre de ma part.
Merci aussi pour ta lettre 73 qui comme toujours m’a fait un énorme plaisir.
Merci de tout cœur pour le béret que tu me crochette. Tu es un chou, mais stpl. ne te fatigue au moins pas trop. Vois-tu, à la rigueur je pourrais aussi en crocheter une, mais c’est vraiment le temps qui me manque, car les moments que je n’emploie pas à la couture, je les passe à vous écrire. Je fais des petits tapis pour mes plateaux, pour le panier à pain, car tu te rappelles aussi que je n’ai presque rien pris avec de ces choses-là. J’ai toujours un à deux de ces ouvrages en cours, je ne suis plus jamais sans rien faire !   
Oui, je vais être encore plus prudente à l’avenir. Je commence à me connaître, à savoir ce qui n’est pas bon pour moi, ainsi je saurai toujours mieux éviter ces coups de froid.
J’ai eu tant de plaisir à madame Voskuil, à la voir ici avec ses cheveux blancs, coupés, c’était un peu comme si toi tu étais assise dans une de mes chaises ! Je suis bien contente d’avoir pu lui dire un tas de choses et surtout d’avoir été si bien comprise. C’était bon de pouvoir parler à cœur ouvert une fois de nouveau, et elle n’ira pas le dire plus loin, car c’est elle qui m’a encore prévenue de faire bien attention à tout ce que je dis ici, car elle aussi connaît très bien les conditions. Elle va toujours faire ses promenades, et elle n’a pas assez pu me conseiller d’en faire autant. Elle aussi va toujours toute seule parce qu’elle n’a personne pour l’accompagner.
Je suis si contente que le costume de Hedy t’aille bien et que tu en sois enchantée. Je vais écrire à Hedy, cela lui fera plaisir, et en même temps du bien pour ta prochaine robe ! Oui, je comprends que la Mmattamm DDDanzz ne soit jamais si bien habillée que toi, d’ailleurs ces femmes ont aussi un goût impossible.
Quant à cette robe grise en soie artificielle de Hedy, non je n’en veux pas de nouvelle pour le moment. Maintenant je suis bien équipée pour un temps et je tiens aussi à en faire moi-même, des robes. Vois-tu  j’ai tellement plus de chic que les femmes d’ici atour de Keboemen, que la chose la plus simple que je porte est encore plus jolie que toutes leurs robes les plus compliquées. Je tiens aussi à ne pas trop me laisser gâter, il faut que je sache travailler à ma toilette moi-même.
Quant à Flock, je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser. Tu sais, ces sales Raball l’ont traitée salement souvent. Je savais bien qu’elle avait un sale caractère, vis-à-vis de moi elle le cachait toujours soigneusement, et maintenant c’est aussi fini entre nous. Je vais de moins en moins lui écrire. Même dans ses lettres elle flirte, cette vache, non mais même quand je reviendrai je ne veux plus rien savoir d’elle, il y a assez d’autres choses dans la vie sans qu’on courre après ces personnes.

Voilà, Buby rentre du bureau, bon, zut, il vient de perdre 10 cents parce qu’il a oublié d’enlever sa cigarette. Malheureusement, je m’enrichis bien de cette manière et je voudrais que cela le punisse, mais ce Boili me regarde toujours en riant quand je cours mettre 10 cents dans mon porte monnaie.
Jusqu’à la prochaine fois.
Ta Girly.



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