19350303
Keboemen
3 mars
1935
Ce n’est
presque pas possible que nous soyons déjà au mois de mars. Non, c’est fou comme
le temps passe, c’est une vraie course, cette vie. Plus je travaille plus j’en
ai. Je n’ai encore jamais pu m’asseoir en disant : eh bien, je n’ai rien à
faire, je ne sais pas quoi faire, je suis toujours chassée! Buby se tord les côtes, très
irrespectueux envers sa femme ! Cette semaine a si vite passée que je ne
suis pas encore arrivée à ranger les lettres et les doubles du courrier de la
semaine passée ! Et maintenant je re-suis à ma machine pour en écrire une
nouvelle. Je vous dis, c’est impossible comme le temps passe.
Cette fin
de mois-ci Buby l’a faite en un record de temps, n’ayant travaillé que pendant deux
soirs, et tout est prêt. Je n’ai pas été lui tenir compagnie, parce qu’il y
avait le jeune Liang, (chinois), qui
était aussi au bureau. J’ai profité de ces 2 soirées pour terminer enfin ma
robe de tennis, coupée depuis si longtemps. Il ne me reste plus que les
finitions, à la main. Elle va très bien, bien que je me rende compte de
plusieurs défauts techniques de coupe, des choses qui ne s’apprennent qu’avec
la pratique. Je ne les vois pas, ces fautes, je les sens seulement, peut être
qu’avec le temps je pourrai aussi améliorer cela. Je brûle maintenant de me
faire celle que j’ai achetée à Tjilatjap.
Demain
lundi, je pars avec monsieur et madame Visser à Semarang. Lui y va en tournée,
sa femme en profite pour faire quelques emplettes, et moi je vais me faire
faire une permanente. Nous
arriverons à Semarang entre 11-12 heures, à midi je dois être chez Margherita (coiffeur) et à 3 heures je
serai prête. Alors je prends le train de 3 ½ heures pour Solo, où je passerai
la nuit, vu qu’il ne m’est pas possible de revenir à Keboemen le même jour. Je
partirai de Solo le mardi matin à 11 heures et serai ici, à la maison à 2 ½
heures. Il ne me reste donc qu’aujourd’hui dimanche pour finir mon courrier.
Mais ce que je serai contente quand j’aurai mes cheveux en ordre, que je
pourrai porter mes chapeaux de nouveau.
Ces derniers temps je ne le pouvais plus, je ressemblais à la vieille
Jeanmaire quand j’avais un chapeau sur la tête avec ces longs cheveux en bas le
cou. Brrr. Cette permanente va me coûter Fl. 20.-, soit Frs. 40.-, soit Frs.
10.-, de plus que chez Marcel. Tant pis, il faut y passer, d’ailleurs j’ai
économisé de l’argent depuis janvier, et ce mois-ci encore, j’ai réussi à
mettre de côté Fl. 15.-, à part la réserve fixe de Fl. 25.-. Ce premier mars,
nous avons reçu outre les Fl. 200.-, seulement Fl. 40.-, de coprah-geld. Février a été très mauvais, et c’est à
prévoir que mars et avril seront tout aussi mauvais. On escompte une
amélioration pour mai. Malgré cela je peux tourner sans que notre train de vie
ait subi un changement, je veux dire, la nourriture etc.
C’est
maintenant la saison des oranges ici, pas les belles oranges d’Espagne que vous
avez en Europe, mais une orange sauvage, moins fine, mais douce qui se mange en
salade ou en compote, rarement à la main. Ces oranges sont surtout connues et
employées pour leur jus. Il faut environ 5 oranges pour un verre de jus, un
grand verre à sirop. Nous en buvons deux par jour chacun. J’achète des oranges
par 100 pièces que je paie 60 cents. C’est bon, je vous dis, et sain aussi.
J’ai reçu
hier l’avis de la pommade et des bigoudis. Il me faut payer 37 ½ cents de douane, c’est peu de
chose, je pense que vous n’avez pas arraché les étiquettes à la boîte de
pommade, vous l’avez laissée neuve. Je ne peux pas retirer le paquet
aujourd’hui vu que c’est dimanche. Buby le fera faire demain. Hier le type est
venu essayer la robe de chambre à Buby, elle lui va bien et elle sera très
jolie pour Fl. 4.50, qu’elle coûte ! Le col châle et les manchettes sont
en tissus uni bleu marine.
![]() |
Kopeng, altitude 1500 m |
Les Visser
partiront donc en vacances à Kopeng,
un hôtel de montagne très bien, Monsieur a reçu la permission d’accompagner sa
femme, il dirigera la fabrique par téléphone quand Buby aura besoin de ses
conseils, et de temps en temps il viendra voir. Nous ne pourrons donc plus aller
à Tjilatjap pendant ce temps. Peut être que Buby devra aussi faire les
tournées, ou alors que Visser les fasse depuis Kopeng, je n’en sais rien. Nous
aurons aussi la visite de M. Voskuil, avec M.
Bigot, le nouveau Vertegenwordiger (représentant), le remplaçant de
Meyeringh. Je ne crois pas que nous changerons de fabrique ces prochains temps
encore, vu que Buby est nécessaire ici, mais qui sait ?
Oh, c’est
dégoûtant, justement Buby rentre du bureau avec la nouvelle que Blokhuis a laissé aller au diable le
livre de fabrication, qui est tenu par le laboratoire, tout est faux et
maintenant Buby au lieu d’avoir un dimanche de libre pour lequel il s’est
tellement dépêché avec sa fin de mois, doit aller remettre la chose en état
pendant toute l’après midi. Depuis qu’il a sa dédite, ce bœuf de B. ne met plus
les pieds à la fabrique, cela ne sert donc rien à lui dire son affaire. Bah, il
faut toujours qu’il y ait quelque chose, jamais, jamais Oscar réussit à avoir
un dimanche après midi de libre.
Merci pour
la lettre 75 qu’il a fait bon lire hier au soir en revenant du tennis.
Quelle
surprise, la visite de M. Bloch. Je regrette infiniment de l’avoir manqué à Soerabaya.
Zut, j’ai
les bleus. Je vous avais écrit que
j’avais trouvé de la belle étoffe, pas chère heureusement, pour une robe de
chambre pour Buby. Je l’ai faite faire par mon zigue qui a
déjà fait les deux paires de pyjamas, bien réussis, et maintenant cette robe de
chambre est absolument ratée, les
manches, c’est affreux, quand il avance un bras, une des poches lui monte au
bümeli et l’autre reste sous le buchnäbu. Cela fait mal aux yeux, et l’étoffe
lui irait si bien, cela serait une robe de chambre fameuse, si…si…si… !
Pourrais-tu
m’acheter chez Tanner (magasin de lingerie, existe encore) 2-3
paires de bas, de ceux que j’achetais ordinairement, à 1.95, 2.95 etc, des couleurs
claires, du gris clair surtout, et une paire de beige clair. Je ne porte pas de
bas à Keboemen, mais quand je sors il faut tout de même que je sois équipée, et
les bas sont chers ici, mais stpl. ne m’en achète pas plus de 2-3 paires pour
commencer. Il te faudra les passer à l’eau, pas repasser, bien les chiffonner et
faire un paquet avec deux bas différents, ou trois, on verra si, ainsi je dois
payer de la douane. Ma grandeur est 91/2, pas 10. Je ne veux pas des bas
en soie naturelle, mais des Bemberg etc, comme ceux que nous achetions toujours
chez Tanner, tu te rappelles ? Tu chercheras des mailles fines.
Buby est
déjà au lit, et moi je vais tantôt, car demain à 5 1/2 heures, c’est la diane. Buby
ajoutera encore un ou deux mots, demain Bien des choses à tout le monde. Toi,
Mamms, vadrouille seulement, tu as raison. Mais stpl. ne parle pas trop de moi
sans quoi les gens commenceront à dire : cela devient ennuyeux, toujours
elle parle de sa fille, cette totche…
Mes chers
tous, votre Geeee….. qui s’en va « au bal » sans son mari, c’est pour
le coup qu’elle n’est pas une femme sérieuse ! A la semaine prochaine.
N’oublie pas le mot à Flock, stpl.
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