jeudi 10 mars 2016



19350303


Keboemen

3 mars 1935


Ce n’est presque pas possible que nous soyons déjà au mois de mars. Non, c’est fou comme le temps passe, c’est une vraie course, cette vie. Plus je travaille plus j’en ai. Je n’ai encore jamais pu m’asseoir en disant : eh bien, je n’ai rien à faire, je ne sais pas quoi faire, je suis toujours chassée!  Buby se tord les côtes, très irrespectueux envers sa femme ! Cette semaine a si vite passée que je ne suis pas encore arrivée à ranger les lettres et les doubles du courrier de la semaine passée ! Et maintenant je re-suis à ma machine pour en écrire une nouvelle. Je vous dis, c’est impossible comme le temps passe.
Cette fin de mois-ci Buby l’a faite en un record de temps, n’ayant travaillé que pendant deux soirs, et tout est prêt. Je n’ai pas été lui tenir compagnie, parce qu’il y avait le jeune Liang, (chinois), qui était aussi au bureau. J’ai profité de ces 2 soirées pour terminer enfin ma robe de tennis, coupée depuis si longtemps. Il ne me reste plus que les finitions, à la main. Elle va très bien, bien que je me rende compte de plusieurs défauts techniques de coupe, des choses qui ne s’apprennent qu’avec la pratique. Je ne les vois pas, ces fautes, je les sens seulement, peut être qu’avec le temps je pourrai aussi améliorer cela. Je brûle maintenant de me faire celle que j’ai achetée à Tjilatjap.
Demain lundi, je pars avec monsieur et madame Visser à Semarang. Lui y va en tournée, sa femme en profite pour faire quelques emplettes, et moi je vais me faire faire une permanente. Nous arriverons à Semarang entre 11-12 heures, à midi je dois être chez Margherita (coiffeur) et à 3 heures je serai prête. Alors je prends le train de 3 ½ heures pour Solo, où je passerai la nuit, vu qu’il ne m’est pas possible de revenir à Keboemen le même jour. Je partirai de Solo le mardi matin à 11 heures et serai ici, à la maison à 2 ½ heures. Il ne me reste donc qu’aujourd’hui dimanche pour finir mon courrier. Mais ce que je serai contente quand j’aurai mes cheveux en ordre, que je pourrai porter mes chapeaux de nouveau.  Ces derniers temps je ne le pouvais plus, je ressemblais à la vieille Jeanmaire quand j’avais un chapeau sur la tête avec ces longs cheveux en bas le cou. Brrr. Cette permanente va me coûter Fl. 20.-, soit Frs. 40.-, soit Frs. 10.-, de plus que chez Marcel. Tant pis, il faut y passer, d’ailleurs j’ai économisé de l’argent depuis janvier, et ce mois-ci encore, j’ai réussi à mettre de côté Fl. 15.-, à part la réserve fixe de Fl. 25.-. Ce premier mars, nous avons reçu outre les Fl. 200.-, seulement Fl. 40.-, de coprah-geld. Février a été très mauvais, et c’est à prévoir que mars et avril seront tout aussi mauvais. On escompte une amélioration pour mai. Malgré cela je peux tourner sans que notre train de vie ait subi un changement, je veux dire, la nourriture etc.
C’est maintenant la saison des oranges ici, pas les belles oranges d’Espagne que vous avez en Europe, mais une orange sauvage, moins fine, mais douce qui se mange en salade ou en compote, rarement à la main. Ces oranges sont surtout connues et employées pour leur jus. Il faut environ 5 oranges pour un verre de jus, un grand verre à sirop. Nous en buvons deux par jour chacun. J’achète des oranges par 100 pièces que je paie 60 cents. C’est bon, je vous dis, et sain aussi.
J’ai reçu hier l’avis de la pommade et des bigoudis. Il me faut payer 37 ½ cents de douane, c’est peu de chose, je pense que vous n’avez pas arraché les étiquettes à la boîte de pommade, vous l’avez laissée neuve. Je ne peux pas retirer le paquet aujourd’hui vu que c’est dimanche. Buby le fera faire demain. Hier le type est venu essayer la robe de chambre à Buby, elle lui va bien et elle sera très jolie pour Fl. 4.50, qu’elle coûte ! Le col châle et les manchettes sont en tissus uni bleu marine.

Kopeng, altitude 1500 m

Les Visser partiront donc en vacances à Kopeng, un hôtel de montagne très bien, Monsieur a reçu la permission d’accompagner sa femme, il dirigera la fabrique par téléphone quand Buby aura besoin de ses conseils, et de temps en temps il viendra voir. Nous ne pourrons donc plus aller à Tjilatjap pendant ce temps. Peut être que Buby devra aussi faire les tournées, ou alors que Visser les fasse depuis Kopeng, je n’en sais rien. Nous aurons aussi la visite de M. Voskuil, avec M. Bigot, le nouveau Vertegenwordiger (représentant), le remplaçant de Meyeringh. Je ne crois pas que nous changerons de fabrique ces prochains temps encore, vu que Buby est nécessaire ici, mais qui sait ?
Oh, c’est dégoûtant, justement Buby rentre du bureau avec la nouvelle que Blokhuis a laissé aller au diable le livre de fabrication, qui est tenu par le laboratoire, tout est faux et maintenant Buby au lieu d’avoir un dimanche de libre pour lequel il s’est tellement dépêché avec sa fin de mois, doit aller remettre la chose en état pendant toute l’après midi. Depuis qu’il a sa dédite, ce bœuf de B. ne met plus les pieds à la fabrique, cela ne sert donc rien à lui dire son affaire. Bah, il faut toujours qu’il y ait quelque chose, jamais, jamais Oscar réussit à avoir un dimanche après midi de libre.
Merci pour la lettre 75 qu’il a fait bon lire hier au soir en revenant du tennis.
Quelle surprise, la visite de M. Bloch. Je regrette infiniment de l’avoir manqué à Soerabaya.
Zut, j’ai les bleus.  Je vous avais écrit que j’avais trouvé de la belle étoffe, pas chère heureusement, pour une robe de chambre  pour Buby.  Je l’ai faite faire par mon zigue qui a déjà fait les deux paires de pyjamas, bien réussis, et maintenant cette robe de chambre est absolument ratée, les manches, c’est affreux, quand il avance un bras, une des poches lui monte au bümeli et l’autre reste sous le buchnäbu. Cela fait mal aux yeux, et l’étoffe lui irait si bien, cela serait une robe de chambre fameuse, si…si…si… !
Pourrais-tu m’acheter chez Tanner  (magasin de lingerie, existe encore) 2-3 paires de bas, de ceux que j’achetais ordinairement, à 1.95, 2.95 etc, des couleurs claires, du gris clair surtout, et une paire de beige clair. Je ne porte pas de bas à Keboemen, mais quand je sors il faut tout de même que je sois équipée, et les bas sont chers ici, mais stpl. ne m’en achète pas plus de 2-3 paires pour commencer. Il te faudra les passer à l’eau, pas repasser, bien les chiffonner et faire un paquet avec deux bas différents, ou trois, on verra si, ainsi je dois payer de la douane. Ma grandeur est 91/2, pas 10. Je ne veux pas des bas en soie naturelle, mais des Bemberg etc, comme ceux que nous achetions toujours chez Tanner, tu te rappelles ? Tu chercheras des mailles fines.
Buby est déjà au lit, et moi je vais tantôt, car demain à 5 1/2 heures, c’est la diane. Buby ajoutera encore un ou deux mots, demain Bien des choses à tout le monde. Toi, Mamms, vadrouille seulement, tu as raison. Mais stpl. ne parle pas trop de moi sans quoi les gens commenceront à dire : cela devient ennuyeux, toujours elle parle de sa fille, cette totche…
Mes chers tous, votre Geeee….. qui s’en va « au bal » sans son mari, c’est pour le coup qu’elle n’est pas une femme sérieuse ! A la semaine prochaine. N’oublie pas le mot à Flock, stpl.









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