mardi 15 décembre 2015





Keboemen
Lundi après midi (le 6 août 1934)
Sans date


Ouf, j’ai bien travaillé aujourd’hui. Ce matin j’ai fait des « zoutbolletjes », des petits biscuits au sel qui fondent radicalement dans la bouche et qu’on présente avec l’apéritif. J’ai aussi lavé ma robe d’organdi, je vais la mettre demain soir, le 7 août, et le 8 je mettrai ma toute belle blanche (1 an de mariage et anniversaire de 27 ans). Tout au commencement que nous étions ici, la Ricshaw, par une indiscrétion est arrivée à savoir la date de mon anniversaire, et maintenant Visser fait toujours allusion à un petit dîner que je donnerai. Il croit par là m’intimider et m’obliger à les inviter mais la Näggeli ne l’entend pas de cette oreille, ni Buby non plus. Je les aurais déjà bien eus s’ils n’étaient pas aussi difficiles, c’est terrible, ils ne bouffent rien que des boîtes, du thon, des bons poissons, du pâté de foie gras, des bonnes saucisses importées de Hollande et qu’on peut avoir ici à Djocja à un prix fou. Nous ne pouvons pas nous permettre un luxe pareil, même pas pour un petit dîner hors série et Oscar ni moi, pour rien au monde nous allons vivre au-dessus de nos moyens. Naturellement les Visser croient fermement, malgré toutes nos protestations, que nous recevons beaucoup d’argent de nos parents, surtout Oscar, et devant nous ils plaignent toujours les Cletton, les gens qui habitaient notre maison avant nous, qui avaient le même salaire mais qui n’arrivaient jamais, qui devaient faire des dettes, etc. Ils ne veulent pas croire que nous vivons de notre salaire uniquement, c’est dommage que nous n’osons pas leur répondre malhonnêtement quelques fois et une fois bien les remettre en place. Je fais tellement attention avec toutes mes manipulations d’argent, telles que mes économies, mes payements etc. jamais je ne vais mettre de l’argent à la poste quand une des dames est avec moi, je ne veux pas qu’ils sachent quoi que ce soit, et mon agenda aussi je le surveille quand ils sont ici. Nos finances ne regardent personne. Pour notre petite fête, j’ai acheté une bouteille de Graves à Fl. 1.60, mais Oscar s’est moqué de moi parce que le vin est absolument rougeâtre, alors qu’il devrait être blanc. Il dit que ce sera du sirop d’orange avec un peu d’esprit de vin. On verra, en tous cas ce sera toujours quelque chose de plus digne que de l’eau pour boire à la santé de vous tous, car c’est spécialement pour cela que je l’ai acheté.
Madame V. n’allant plus jamais à Poerworedjo, ou si elle y va, elle ne nous demande plus d’aller avec elle car son mari est avec, moi je me suis trouvée bien court de provisions, telles que des sardines, etc. Il y a 15 jours elle avait accompagné son mari à Djocja, elle m’a demandé si elle pouvait faire quelque chose pour moi. Je lui ai donné l’habit de Buby qui devait être nettoyé chimiquement. Elle l’a apporté et m’a remis le bon, comment vouliez-vous que j’aille retirer l’habit, aller à Djocja exprès ? Cela me revenait trop cher, et j’ai décidé d’y envoyer ma baboe qui, avant de travailler chez moi, a été 12 ans dans la même place à Djocja, donc elle connaissait les magasins. De plus elle voyage troisième, ce qui est très bon marché ici, mais moi je ne peux pas y aller. Enfin, elle est partie samedi après midi à trois heures, arrivait à Djocja à 5 heures, faisait mes commissions et s’en allait chez ses amis au kampong, pour repartir le lendemain matin à 5 h. et être ici pour faire le dîner à 9  ½ h. La combine est bonne, seulement elle n’a pas trouvé à acheter la moitié de ce que je lui avais dit, ce n’était pas directement de sa faute, car elle ne manque pas d’initiative et ce qu’elle a acheté, elle l’a bien fait. Enfin, rien que pour cette moitié de choses diverses nécessaires, le voyage y compris, elle a dépensé Frs. 32.50, vous voyez cela, comme c’est cher ? Elle a en même temps porté mon manteau blanc à laver chimiquement, je n’osais pas m’aventurer à le laver à l’eau encore, j’avais peur de le gâter et Oscar l’aime beaucoup, alors je veux en avoir soin. Comme je me réjouis d’avoir mon cape, mamali, tu ne te fais aucune idée, c’est juste ce qu’il me faut ici, maintenant que je sais un peu comment il faut s’habiller pour aller de pair avec le climat. Oh ! je me réjouis, mon manteau je le garderai pour sortir de Keboemen, il est toujours à la mode ainsi que mon costume gris.


mariage javanais

Dans ma dernière lettre, je vous avais promis de vous raconter la noce chez Paar –To (Baarto ?le menuisier, voir lettre du 28.7.34). Nous y sommes allés à 8 heures avec le vieux Röhwer, la vieille ne s’est pas montrée. En arrivant il n’y avait pas encore beaucoup de monde, la maison était très bien décorée, avec beaucoup de goût. Dans la grande pièce de devant, des tables et des chaises étaient gentiment arrangées, nous y avons pris place et avons regardé autour de nous. Au fond, dans une seconde pièce, réunie à la première en enlevant la paroi de bambou, se trouvaient les femmes accroupies sur le sol, tandis que les hommes et les femmes de la haute société, il y en avait deux, pouvaient s’asseoir dans la première salle. Tout au fond se trouvait le lit de noce sur lequel étaient étalés les cadeaux. Des coussins, c’est à dire des oreillers, dans de belles taies blanches, des bananes, du riz, du café, des tasses, un kris (le couteau de défense des javanais), 
kris

des étoffes etc. Le tout gardé par une petite lampe à huile qui n’osait pas s’éteindre. Nous n’avons pas vu les mariés. Le père de la jeune fille, donc notre hôte, est venu nous saluer, et ensuite il a envoyé un jeune javanais pour nous servir. Il nous a poliment demandé ce que nous désirions boire, énumérant les différentes boissons qu’il pouvait nous offrir. Les messieurs ont pris de la bière, c’en était de la meilleure qualité, et moi j’ai pris de l’eau gazeuse. Le tout a été correctement servi avec de la glace dans les verres. Aux messieurs on est venu présenter des cigarettes, des plus chères que celles qu’Oscar fume, et des cigares que le vieux Röhwer a trouvé excellents.  A moi on est venu m’offrir une boîte de petits biscuits hollandais. Les objets, les verres étaient bon marché, mais rien ne manquait pour former un service impeccable. Nous n’en revenions pas Buby et moi, pour dire que ce Paar To est un simple menuisier. Peu à peu les amis sont venus, mais ils n’osaient pas trop bien s’aventurer parce que nous étions là. La grande passion ici, comme aussi le seul passe-temps presque, c’est le jeu, mais ils n’osaient pas bien commencer parce que nous étions là. J’ai toujours pressé pour partir, mais le vieux Röhwer disait que nous devions d’abord manger. En effet, on est venu nous demander ce que nous désirions, les hommes ont demandé du saté gambing, c’est de la viande de mouton rôtie à la broche, avec du riz et une sauce de catchup très forte. De nouveau ce jeune est venu nous prier de nous asseoir à une table plus grande, nous nous déplaçons donc, et voilà qu’il vient avec des assiettes des services en fer blanc c’est vrai, mais qu’importe, le tout était très propre. Il a d’abord placé devant nous une assiette plate, sur laquelle il a mis une jolie serviette en papier et l’assiette à soupe habituelle pour le riz, deux fourchettes, 2 cuillers à soupe, 1 couteau, deux verres joliment avec les dessous, à chacun un trempe-doigt (je ne sais pas le nom en français) qui était une petite écuelle en émail, mais qu’est-ce que cela fait, l’idée et l’intention étaient bonnes, et à chacun aussi une serviette bien blanche. D’abord il nous a présenté une soupe, un bouillon avec des pommes de terre dedans, des légumes, des macaroni, enfin une soupe qui aurait fait la joie de mon Faather. Après que nous nous fûmes servis, avant de s’éloigner, le jeune s’est excusé de ne pas pouvoir nous présenter du meki
sauce maggi

Nous ne savions pas ce qu’il entendait par là, mais à la fin, nous avons compris qu’il s’agissait de…. Maggi, qu’il n’avait pas de Maggi pour notre soupe. Je vous demande un peu, et cela chez des gens qui mangent tout avec les doigts. Après la soupe, le tour du riz, excellent, la viande excellente aussi. Oscar et moi avions soupé avant d’y aller, mais Buby a simplement  g’hooveret là, il a mangé deux immenses assiettées de riz, le tout fortement assaisonné, il en a eu les larmes aux yeux. Moi j’ai aussi mangé et je vous assure que cela ne me dégoûtait nullement, mais je n’ai mangé que du riz et de la viande, sans ce catchup. Pour le dessert on nous a présenté de belles bananes. Moi je n’en ai pas pris, car il paraît que la femme javanaise ne mange pas de bananes parce que ce n’est pas bon pour les organes, etc. enfin cela a peut être une petite influence et John m’a aussi avertie de ne pas manger certaines sortes de bananes, ni trop d’ananas etc. Donc je fais attention, mais il y a deux sortes de bananes que l’on peut manger sans danger, je l’ai demandé au médecin, et les ananas je les fait toujours cuire Quand nous avons eu fini, nous sommes partis, parce que j’avais le sentiment que les gens se gênaient un peu de nous, ils avaient les mets devant eux, mais ne mangeaient pas, enfin, il se peut qu’ils obéissaient à un rite, je ne sais pas. D’ailleurs ne sachant pas la langue, il y a beaucoup de choses que je n’ai pas comprises et je ne pouvais pas demander. Toutefois j’ai promis à Paar To que je viendrais faire une photo de sa maison, j’irai un de ces jours, il me tarde de faire plus ample connaissance avec ces javanais, il a encore 5 autres petits enfants, peut être que cela va donner mes lapins !!! Ersatz pour ceux de Sutz, mais ceux-ci ne le céderont en rien pour la beauté en tout cas. C’est toi mamali, qui les aimerait ces niggers
A la main
Mes chers chéris, un bon et heureux muntschi à chacun. Ge….


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