dimanche 20 décembre 2015





il y a une année: 8.8.33
en bas: Loulou, Roy, Charlot
Flock, Oscar, Nelly, Linette
derrière Flock: Papa Woldringh
derrière Nelly et Linette: Rose et Louis Marchand



12 août 1934

Keboemen


Nous ne voyons presque plus jour, nous venons de dîner, du riz et un poulet qui était une vieille poule, mais bonne quand même quand on a de bonnes dents, et…. de la salade. Oh ! c’était exquis, mais comme je vous dis, nous n’en pouvons plus. Oscar est couché sur notre nouveau couch, lisant, moi, je vous taperai encore quelques lignes et j’irai me coucher, car vraiment avec un estomac aussi rempli, je n’ai plus d’idées ou plutôt, je n’arrive pas à les formuler, car vous imaginez bien que j’ai des tas de choses à vous dire.
Voilà, je ne suis pas arrivée plus loin, à midi, maintenant j’ai bien dormi et les idées claires, tandis que Oscar a aussi dormi, mais se réveille toujours de mauvaise humeur ou plutôt il ne se sent pas bien quand il dort après le dîner. Maintenant il est assis à son bureau et…. travaille un peu, pour changer !!!
Voilà, ils sont passés les jours de fêtes. Ils étaient bien, tout à notre goût et bien réussis en somme, sauf que Buby est de nouveau enrhumé, mais cela va déjà mieux maintenant. Le mardi à midi, nous n’avons donc rien eu d’extraordinaire. L’après midi, j’ai bien décoré notre salon et la table pour le souper, de toutes les fleurs que je pouvais trouver au jardin. Tout mon massif de zinia y a passé, mais l’effet était vraiment ravissant, je les ai arrangés par bouquet dans de petits vases (mes rince-doigts en verre, tu sais mamali) sur ma nappe jaune. C’était joli, et le djongos a voilé les lampes avec du papier crêpe orange, l’atmosphère était tout à fait celle d’un restaurant intime et chic. Nous avions une frousse bleue d’être surpris par les Visser, et en effet, Oscar voulait justement enfiler ses pantalons de smoking quand Mr. V. est arrivé pour un renseignement. Moi j’avais déjà préparé les verres d’apéritif, ainsi que mes petits paniers d’argent avec les biscuits secs au sel, le tout joliment arangé sous notre lampe, et des fleurs partout. Je n’aurais pas voulu que V. voie cela, et j’ai eu assez de maîtrise pour le recevoir à la véranda, autrement il vient toujours au salon. Alors pendant qu’Oscar parlait avec lui, j’ai vite caché bouteille et verres, et en moi-même j’ai ri et pensé à des occasions pareilles à Sutz, quand chacun de nous courait dans une autre direction quand Minna ou l’un de nous sonnait l’alarme de l’arrivée des Rackers, etc. Enfin, après une demi-heure, V. est parti et nous avons continué notre toilette. C’était gai de s’habiller comme il y a une année. Buby était très bien dans sa « dinner jacket », qui lui est trop petite !!! et moi je lui ai bien plu de nouveau dans ma belle robe. Nous avons donc bu à la santé de tous nos chers, de nos patries, enfin de tout, de tout, et nous nous sentions profondément heureux, les deux, et reconnaissants surtout. Ensuite nous avons été à table. Le menu : Fruit cocktail, des morceaux de melon arrosés de jus d’ananas cuit avec du sucre, et une petite cuiller de sherry. Ensuite  caneton, exquis, petits pois, galette de pommes de terre, compote d’abricot (en boîte) glaces et café. La bouteille de Graves que j’avais achetée était du vinaigre ! Heureusement que j’avais encore une petite goutte de Medoc, et nous avons pu boire à la santé avec deux fonds de verre. Ce n’était donc pas fantastique mais acceptable !
Nous avons passé la soirée à rappeler nos souvenirs, fait jouer le gramo et… et… dansé le Kaiserwalzer. Ensuite extinction des feux. C’était une soirée si jolie, ah ! oui, j’oublie. Nous avons encore été au jardin un moment, voir les étoiles, et Buby en a vu une filante, moi j’en avais vu une merveilleuse le soir avant. C’était si beau, cette nuit calme, douce et fraiche avec ces grandes étoiles, et la Croix du Sud, juste devant nous dans le ciel, et nous deux, jeunes et heureux, et le gramo jouant de la musique tzigane, tout doucement. Nous avons aussi fait aller tous nos autres disques, la petite Rose, et le clou : Feldgrau. Je vous dis, ces jours ont passé dans une harmonie complète de tendresse, de bonheur, d’espoir et un peu de regrets, naturellement.
Le lendemain aussi était vraiment notre grand jour. Depuis de bon matin déjà, au lit encore, nous en avons parlé, parlé, et pendant tout le jour, Buby m’a appelée sa bruidje (petite mariée) et a été spécialement attentif. C’était un grand et bon jour. J’ai été faire ma promenade matinale, et en ai beaucoup joui. A midi, nous avons eu des asperges, d’abord oxtailsoup au madère. (J’ai trouvé du bon madère, spécialement pour la cuisine, gare mes sauces) Ensuite des asperges avec mayonnaise et œufs au beurre, à la hollandaise, un rôti au madère ( !) pommes allumettes (vous vous rappelez, garçons, le souper au café de l’Opera à Paris ?) et salade de mon jardin. Dessert : compotes variées (il fallait bien que je finisse la boîte ouverte) L’après midi j’ai été dormir, ensuite nous avons joué au tennis les deux, le soir un bouillon en tasse, un hors d’œuvres, et pour finir, une omelette au rhum. Nous avons repassé la soirée à rappeler de vieux souvenirs et surtout ceux de l’année dernière.
Le 9, j’ai passé mon temps à faire une tourte savarin, mon gâteau d’anniversaire, et des petits vols au vent et mille et une choses, qu’il fallait préparer pour le 10 en cas de visites.
Le 10.8. Le matin à 7 ½ heures, Oscar parti, je me suis encore un peu attardée avec les chiens et j’ai ensuite été aux W.C.  Le djongos vient m’appeler, me disant qu’il y avait des visites. J’étais en robe de chambre et pyjamas. C’était mon amour de Ricshaw qui m’attendait dans la véranda avec un beau bouquet de chrysanthèmes blancs, des asters, (qu’elle a au jardin) une jolie tourte faite elle-même et très bien réussie, et un tea cosy au crochet, aussi fait par elle. Avec cela elle avait mis une robe rose faite d’après le modèle de ma bleue tootischa, avec des volants dans le bas. Elle m’a gentiment félicitée, la rosse, va. Oh ! mais j’ai été gentille, pouah, elle m’est si indifférente maintenant, elle me laisse absolument froide et je n’ai eu aucune peine à être très gentille aussi. Un peu plus tard, Monsieur est venu, avec Oscar qu’il avait été chercher au bureau. Ils sont restés un bon moment et je n’ai pas pu faire autrement que de les inviter pour le soir, pour un potje bier (une choppe), comme il dit, le vieux. Je m’attendais donc à ce que les Visser viennent aussi, car j’admettais sans autre que la Ricshaw avait raconté à Mme Visser que c’était ma fête, mais non, rien, les Visser ne se doutent de rien, et les allusions de monsieur, quelque temps avant, à un petit dîner ne se basaient donc pas là-dessus. La rosse, va. Elle s’est dit naturellement qu’elle ne dirait rien, qu’ainsi elle serait seule à venir se mettre dans mes bons papiers, et que peut être je serais blessée du silence de madame V. Mais moi, pas si bête, depuis je suis encore une fois plus gentille avec les Visser. Ils soupçonnent bien que nous avons eu l’anniversaire de notre mariage je crois, mais grâce à la Ricshaw, ils ne savent rien de ma fête. C’est bien ainsi, j’en suis contente.
Nous venons de jouer au tennis avec eux, et après ils sont encore venus chez nous un moment, et à l’instant, nous venons de souper, madame V. m’envoie une magnifique grappe (régime) de bananes, un sisir, comme on l’appelle ici. Enfin donc le soir de ma fête voilà les Röhwer qui raboulent, quelle tuile c’était pour nous, il a fallu rester pendant deux heures et demie à parler, bavarder de la pluie et du beau temps, mais tout a bien été, ils sont de nouveau la gentillesse même avec nous et quand ils passent en auto maintenant, ils enfoncent presque les vitres à force de nous envoyer des sourires et de nous faire adieu, alors qu’avant ils tournaient toujours les têtes de l’autre côté. Si ce n’est pas ridicule, une conduite pareille. Buby, toutefois m’a avertie, il pense qu’ils veulent quelque chose de nous un service quelconque, c’est pourquoi ils sont revenus entamer les relations. Enfin, l’avenir le dira, pour le moment nous les laissons joliment gigoter. On a eu des épis de maïs, ce soir, est-ce que vous en avez aussi planté à Sutz ?
Est-ce que je vous ai déjà écrit que maintenant, depuis le 1er août je vais 3-4 fois par semaine à l’école avec Nicki. C’est à dire, elle y va en auto et moi je l’accompagne et reviens à pied. 

Son école est située dans la plus belle partie de Keboemen, où les routes ne sont que des allées merveilleuses, propres, de beaux arbres et des maisons riches. De temps en temps madame V. vient avec moi, et quand elle n’a pas envie de marcher j’y vais seule. Je suis très très contente de cette combine qui me donne toujours une bonne excuse pour un exercice quotidien de plein air. Les jours que m. V. part en tournée, Nicki va à l’école dans sa petite voiture, alors il n’y a pas de place pour moi, et je vais toujours faire l’une ou l’autre commission. Grâce à ces promenades, je me porte si bien et j’ai tout à fait bonne mine, et … je conserve ma ligne. La Rohwertje m’a avoué qu’elle pesait maintenant 70 kg. J’ai fait semblant de ne pas le croire, lui disant avec la mine la plus sainte du monde que jamais cela ne se voyait. Avec cela elle a un pétard !
J’oublie presque de vous remercier de vos bonnes lettres du 29 juillet, no 46, que j’ai reçue le jour de ma fête, ce qui m’a fait extrêmement plaisir. Nous avons reçu des lettres de Tata, de Flock, de Fanny, de Guggige, de Coen, d’Eddy, de papa W. de Cis, vous pouvez penser comme j’ai à écrire de nouveau pour répondre à tout le monde et en écrire encore bien d’autres. Je vais tâcher de tout liquider cette semaine et après adieu, il me faudra me remettre à coudre. Tous les pantalons de dessous d’Oscar sont trop petits, il me faut les élargir, ensuite il me faut des pyjamas, des robes etc, et je vais aussi essayer de me former un chapeau. Excepté ma chronique hebdomadaire, plus personne n’entendra rien de moi jusqu’à Noël. Un de ces samedi nous irons aussi à Solo et Djocja pour acheter un buste, rendre visite à John et Jans, et voir du nouveau un peu. Oh ! dites, j’ai oublié de vous dire que pour ma fête j’ai encore reçu Fl. 10.--, de Buby et avec l’argent qu’il m’a donné avant déjà, je vais acheter un buste. Le chèque de papa W. me servira à acheter une table à écrire et un vélo, Oscar va aussi s’en acheter un. On s’en paye du luxe, pas ? Mais voilà, nous avons maintenant Fl. 310.--,  à la poste, l’assurance est payée pour une année, c’est à dire que la prochaine prime n’échoit que le mois d’août prochain, en même temps que notre date de mariage.
Et maintenant mes chers, je vais vous quitter pour cette semaine, je veux encore écrire un billet à Faather, puisqu’il n’arrive jamais à répondre à mes lettres, vu qu’elles circulent, je pense. Mais n’est-ce pas, mamali, elles ne sortent pas de la famille, sans quoi je me verrai contrainte de ne plus écrire si librement sur tout. Ouah ! je baille et j’ai sommeil, c’est dommage, je dors pendant plus de la moitié de ma vie ici. Ce matin j’ai voulu aller à l’église. J’avais lu dans le journal hier soir qu’il y avait culte à 9 heures a.m. je suis arrivée une des premières, il n’y avait que quelques femmes javanaises, mais petit à petit il en venait toujours plus, des Javanais, rien que des Javanais, de sorte que j’en vins à me demander ce que je faisais là toute seule, moi. Il m’est venu à l’idée que peut être le sermon ne serait pas en hollandais. A la fin j’ai demandé à une des sœurs d’hôpital, la Soeka Anny, celle qui a soigné madame Visser lors de son accouchement. En effet, elle m’a répondu que le culte se faisait en javanais, et que le soir ce serait en hollandais. Je me suis donc dépêchée de sortir, mais ce soir, ayant eu les Visser, j’ai été empêchée d’y aller.
Voilà, ... terminé. Un bon muntschi à chacun de vous, toujours all the best de votre Ge….. et Boylie




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