23 juillet 1934
Keboemen
On a eu un
fameux dimanche hier. Vous ne devinerez jamais ce que nous avons fait ! Et
bien, une fois pour changer, on a rechangé notre salon. On a poussé des meubles
hier toute la matinée. C’est chic, quand j’ai une fois une idée, Oscar est au
moins toujours d’accord de l’exécuter.
Merci
infiniment pour votre lettre du 8 juillet, c’est drôle mamali, nous avons écrit
les deux à la même date. Tu n’es pas bête toi, aller se mettre ainsi au soleil
quand on ne l’est pas habitué et encore sans se graisser un peu la peau, comme
tout le monde le fait autour de toi. J’espère bien que cela sera passé maintenant
et n’aura pas eu de suite plus fâcheuse.
![]() |
figaröttli/liseuse |
Y a pas, mais ils sont diablement commodes, tes figaröttli, et je te promets presque de ne plus me moquer de toi à l’avenir. Tu sais, j’aimerais quelque chose qu’on peut vite mettre et enlever, pratique, sans manche, pour le reste je te laisse faire.
Avant hier
soir, donc samedi, nous étions au tennis avec M. V. voilà que je vois une
voiture sable arriver, c’était John avec un ami qui revenait de Batavia et
passait vite nous dire bonjour. Ils sont restés de 5 – 7 seulement, mais
c’était tout de même gentil. Ils vont revenir un de ces weekend avec Jans. Elle
ne peut pas quitter facilement la maison, car ils ont 8 chiens maintenant. Ils sont fous. Autrement ils sont toujours les
mêmes, gmuetlichi säumore (suisse
allemand intraduisible). Son ami est un inspecteur de la sûreté à Solo.
Avec John tu es toujours sûre d’avoir de la compagnie, il se fait des relations
comme nous autres des trous dans nos chaussettes. Ce qu’il y a d’agréable avec
lui, on ne fait jamais de dérangement, il m’amènerait bien l’empereur de Chine,
que je ne lèverais pas le petit doigt pour faire quoi que ce soit. Quant ils
sont arrivés, j’avais justement encore un cake sur la table avec notre thé, ces
deux se sont mis à bouffer du cake, ils le trouvaient bon. Quand j’ai demandé
ce qu’ils voulaient pour souper, ils ont répondu, mais non, on a bien bouffé
maintenant on n’a plus faim, on va repartir ainsi. Bon, Je les ai laissé aller,
ici on n’insiste jamais et chacun dit ce qu’il veut, sans détours et sans
compliments. Si je m’entêtais à garder mes idées et principes suisses à ce
sujet, j’aurais une vie impossible.
Nos deux chiens nous la rendent déjà assez
tragi-comique ! Ils sont tordants des fois, et vous devriez voir Oscar
dans ses essais d’éducation ! Oscar vient de me dire au déjeuner que M. Meyeringh
va arriver. Je me demande ce qui peut bien l’amener de nouveau, il n’y a pas 15
jours qu’il était ici. J’espère que ce ne seront pas de mauvaises nouvelles.
Ces
charrettes de chiens m’ont empêchée de dormir cette après midi. C’est toujours
le moment qu’ils choisissent pour faire les fous et jouer mille et un tours, et
demander après moi. Une fois que je m’assieds quelque part, ils viennent sous
ma chaise et se tiennent tranquilles, mais ils ne veulent pas être sans moi. Il
faudra encor les dresser pour cela.
C’est
drôle, mais je n’ai vraiment rien à vous raconter cette semaine. Je ne suis pas
sortie beaucoup, madame Visser étant refroidie nous ne faisons plus nos
promenades du matin et cela me manque. Tout à l’heure, Oscar viendra faire un tour avec moi. On ne peut
presque pas jouer au tennis, il y a trop de vent. Nous avons su convaincre le
vieux Röhwer qu’il nous fasse mettre des vitres aux fenêtres du salon, car cela
tire trop en cette saison, et nos 4 parois sont percées. C’est ceci notre
dernière surprise que nous réserve le climat des Indes, pendant la saison sèche
de grands vents et un froid de chien pendant la nuit.
Cette
semaine j’ai fini mes raccommodages et me suis faite une robe de chambre, mais
elle n’est pas jolie, l’étoffe est trop bon marché et ne tombe pas bien. Tant
pis, j’ai au moins toujours appris. Oh ! cela me fait de moins en moins
peur de couper et coudre maintenant, même dans des étoffes chères. Peut être
que plus tard je demanderai à Hedy de m’en envoyer pour que j’aie de temps en
temps quelque chose d’à part un peu. Elle pourra le faire à la fin de la saison
d’été, des étoffes qu’elle n’aura pas pu vendre, et au lieu de les garder en
stock, elle pourra me les laisser bon marché.
Faaatherli,
merci pour ton bout de lettre, cela m’a fait plaisir d’avoir quelque chose de
toi de nouveau, bien que les nouvelles n’en soient pas très roses, mais enfin,
j’espère de tout coeur que cela s’arrangera et que tu n’aies pas à faire de
mauvaises expériences, une fois de plus. Oui, tu m’enverras une photo des
poussins à l’occasion. Moi, je change maintenant, je passe doucement aux
barbaries (canards), des entoks, comme on les appelle ici. La
viande est blanche comme celle du poulet, elle n’a pas ce goût de caneton comme
les kakis, mais tant pis, ils deviennent plus vite gros. Depuis que j’ai les
chiens les canards ne sortent plus que dans la cour qui n’est pas très grande,
et les deux derniers que nous avons mangé avaient beaucoup de graisse et pas
trop de viande. Est-ce que cela vient du fait qu’ils n’ont pas assez de
mouvement ? Comme nourriture ils reçoivent 2 fois par jour de la bouillie
de riz et deux fois quelque chose comme du son de riz, du kedek, dans lequel je
fais hacher des épinards, ou de l’herbe, des restes de cuisine je n’en ai
presque jamais, je suis ta fille, voyons, chez moi rien ne se perd. Ce qui
reste de midi, se mange le soir, mais jamais du réchauffé. Pour cela Oscar est
comme maman, il ne peut pas le manger. J’y remédie en imaginant une variété de
petits plats, l’art d’accommoder les restes, quoi. Ma baboe est bien dressée
pour cela maintenant.
Dites,
est-ce que vous pouvez vous imaginer que je ne parle plus jamais français, je
le lis et écris seulement, mais tout le temps je barjaque hollandais et malais.
Vous devriez m’entendre des fois, surtout quand je suis fâchée avec l’un ou l’autre
des gens et que je les marrone, cela va comme un moulin à café. Djongos, saja soedah bilangt tida boleh
bikin itoe. (Djongos, je t’ai déjà dit de ne pas faire cela ainsi.) Djongos,
makanan soedah klar ? (D. le diner est-il prêt ?) D. bawak tempat oewang
sama coeniji dilemari goedang (apporte mon porte monnaie avec la clef du buffet
aux provisions) D. ada bodoh (D. tu es bête). – Voilà vous en avez quelques
échantillons, vous vous ficheriez à rire si vous m’entendiez. – Djongos, moesti
bikin thè, kapan toean poelang (D. tu feras du thé quand monsieur rentrera). Je
viens de le dire.
Aujourd’hui
j’aurais eu une immense envie de travailler au jardin, comme à Sutz, avec des
pantalons, et couper des branches, ratisser des chemins, nettoyer partout comme
je le faisais quelques fois à la grande colère de messieurs mes frères qui
avaient l’ordre de ramasser la merde comme s’exprimait Loulou en bon français,
respectueux. Tu te rappelles encore les colères que tu piquais, Chüggou ?
Diable,
oui, vous devez bien savoir conduire maintenant, et moi je pense que j’ai tout
oublié. L’ami avec qui John est venu l’autre soir, a acheté une belle Chrysler
1928, ayant roulé 20'000 km avec 4 pneus neufs, moteur parfait, carrosserie en
bon état, pour Fl. 150.-- , soit environ Frs. 300.-- . C’est avec cette voiture
qu’ils ont été à Batavia, ils m’ont dit de l’évaluer, ainsi qu’Oscar, nous
avons dit Fl. 500.-- croyant être
bon marché. Oh, quand nous en voudrons une, nous l’aurons vite, mais pour le
moment encore rien de fait.
Mon salon
ressemble à un vrai taudis en ce moment, je vais vite faire un peu d’ordre
avant que Buby arrive. ………à la prochaine fois.
Ge…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire