1er août 1934
Keboemen
Quelles
lettres, quelles surprises, cette semaine ! Vraiment je suis tombée d’un
plaisir dans l’autre et je ne pourrai jamais assez vous remercier, je veux dire
que mes remerciements ici ne vous diront que très faiblement toute ma
reconnaissance pour toute votre affection, toutes vos bontés, tout votre amour
pour moi. Je me sens si riche, si riche par cela, et si heureuse, cela va sans
dire.
D’abord le
vendredi, nous avons reçu le courrier par mer, notre bon paquet de journaux,
Sie & Er, avec un Jardin des Modes, un des derniers, charrette quel
plaisir. Nous nous sommes jetés dessus et pendant une heure nous n’avons plus
bougé, comme d’habitude. Merci infiniment Tatali, Du bisch gäng e Schatz (tu es un amour toujours) ! Il y
avait aussi une lettre de Flock avec un joli petit tapis tricoté à la main. Une
carte postale des Hadorn et Amsler de Kandersteg m’a aussi fait plaisir. Au
commencement de la semaine, j’ai reçu
deux avis d’envois recommandés : l’un était la chemise polo pour
Buby. Elle va très bien, mamali chérie, merci beaucoup. Tu peux donc continuer
à m’en envoyer encore 5, ainsi Buby sera de nouveau équipé pour un temps.
N’oublie pas de les laver avant, sans les repasser, bien les « vernusche »(chiffonner). Je n’ai rien payé de
douane, je suis contente. En même temps que l’avis de la chemise j’avais reçu
l’autre avis mais pour celui-là j’ai dû signer l’autorisation pour la douane de
Cheribon (Cirebon, côte nord) de
l’ouvrir. Le petit paquet m’est arrivé deux jours plus tard, mais j’ai dû payer
Fl. 1.67 de douane. Tout de même je suis très très contente de ton joli cadeau. J’aime beaucoup ce modèle,
mieux que l’autre même, il me va très bien et je le trouve très joli, j’aime
beaucoup cette petite dentelle à la chemise. Il me vient des habitudes de luxe ! Merci de tout cœur. Mais à l’avenir, si
jamais tu m’en envoie encore (ceci dit sans vouloir bettler/mendier) il faudrait les laver et bien
les « vernusche » aussi, pour que cela n’ait pas l’aspect trop neuf,
alors peut être que je ne devrai rien payer non plus, surtout si Mottet déclare
encore que ce sont des vêtements usagés. Hier après-midi, enfin, j’ai reçu un
troisième paquet qui m’a aussi fait un plaisir fou, c’était ma brosse à cheveux
qui ne m’a rien couté non plus. Eh ! ce que je suis contente de l’avoir,
tu ne te fais aucune idée. Justement je voulais envoyer la baboe à Djocja en
acheter une. Elles coûtent Frs.
4.--, ici et ne sont pas aussi bonnes. Ma vieille est toute chauve, les poils
sont tous rentrés dans la gomme ou partis, mais je l’employais pourtant encore.
Maintenant elle sert à brosser les petits chiens qui se laissent faire avec un
plaisir évident. Qu’est-ce que tu as encore tricoté pour moi ? je n’ose
presque pas y croire, c’est fou ce que tu me gâtes, mais pourquoi te
fatigues-tu de nouveau tant pour moi ? Voyons, de tricoter des petits
figaro, ou plutôt de les crocheter, cela va encore, mais de tricoter un
chef-d’œuvre pareil, oh ! làlà, je ne puis presque pas attendre de l‘avoir,
mais si je dois penser que tu t’es de nouveau fatiguée à cela, je ne pourrai
jamais le mettre sans remords, Faather, écris-moi si elle a de nouveau été
imprudente, mynes Mamms. Toi tu es aussi un chou de penser à moi ainsi et de
m’envoyer un de ces petites rubans. Bien sûr que cela m’intéresse toujours, ce
qui se porte et chaque nouveauté et je te remercie de tout cœur aussi. Quand je
l’aurai reçu, je vous dirai comment il me va. Comme vous me gâtez
toujours !
Quand je
pense à une année en arrière, comme votre amour et votre tendresse m’ont
procuré un beau jour ! Oh ! c’était si beau, si beau, trop beau même,
je ne le méritais pas, j’ai été si méchante quelques fois. Souvent maintenant
je vous en demande pardon en pensée et j’espère bien que vous pourrez me
pardonner. Pour en revenir à mon beau jour, mon Faatherli, mon vieux Macaroni,
quand j’ai été à l’église à ton bras, jamais jamais je ne pourrai te dire la
fierté, le bonheur et aussi le chagrin qui m’ont inondée à ce moment-là.
J’étais envahie par un flot de sentiments qui m’ont fait perdre la tête à un
moment donné, ou plutôt j’en ai été débordée. Ah ! c’est inoubliable, je
ne vous serai jamais assez reconnaissante, à chacun de vous, pour tout ce que
vous avez fait pour moi. J’ai eu tant de bonheur à la maison, une si belle
jeunesse, et maintenant cela continue ici, tellement, que cela me fait peur des
fois.
En voulant
tourner la page, je me suis aperçue que j’avais placé mon carbone à l’envers,
de sorte que je n’avais pas de copie et que l’original était saligoté des deux
côtés. J’ai ronchonné comme un pattier, alors Buby m’a vite pris la machine
hors des mains et s’est mis à recopier la lettre. Il m’a dit qu’il avait fait
bien des fautes, mais vous ne vous y arrêterez pas, j’en suis sûre. D’ailleurs
moi j’en fais aussi toujours énormément des fautes, parce que je vais très vite
et que je ne relis pas.
Mes chers,
comme j’ai eu du plaisir aux photos, elles sont trop jolies, si bien réussies,
je les mange vraiment des yeux. Mes deux soldats, ha ! je ne vous aime pas
seulement, je suis fière de vous, mais aussi inquiète en pensant aux événements
qui se déroulent. Oh ! ce qu’elle est jolie, comme vous êtes bien tous les
trois, mais ce qui nous a fait plaisir à en pousser forces exclamations, aussi
bien Oscar que moi, c’est toi, mynes Mamms.
![]() |
le chapeau! |
Non, mais je n’en reviens presque
pas, ou plutôt, je savait bien que tu pouvais être ainsi, mais que tu le sois,
cela me fait un plaisir fou. What a lady ! What a sweet smile so happily
contente, so quietly happy. Tu es jolie, mynes Mamms. Même Oscar l’a dit, que
tu étais bien habillée. Vraiment j’en suis enchantée. Ce chapeau te va rudement bien, s’il vient de la Descoeudres, c’est
pour le coup que je lui enverrai une belle carte, car vraiment cela en vaut la
peine. Ce que tu es bien, et cela encore sans mon grain de sel, j’en ai un
plaisir fou, et je n’en reviens
presque pas !!! J’en suis si contente, oh ! ce que tu es distinguée,
et le Faatherli a un chapeau neuf, pas ?
Charlot, sur la photo du bateau a l’air d’avoir bien engraissé,
fais attention mon vieux, à ton âge ce n’est pas encore joli d’être trop
« kemouk » (e muet) mot
malais pour graisse. Chüggou, tu es vraiment devenu très
homme, avec tes bonnes grandes mains. Je trouve que Coen n’a pas changé sauf qu’il a encore plus d’ondulations, ce
qu’Oscar a remarqué en tout premier avec une exclamation envieuse et pleine de
jalousie. J’ai dû rire, mon Buby avec ses stäckebohnechrüseli (baguettes de
tambour). Merci pour vos lettres, mes chers, je vous répondrai une prochaine
fois. J’ai encore tant à faire ces jours-ci pour préparer plusieurs petites
bonnes choses.
![]() |
LouLou, Coen, Charlot |
De Papa Woldringh j’ai aussi reçu un
cadeau magnifique : un chèque à mon nom (au moins pas à celui
d’Oscar !) de Fl. 50.--, (env Fr 110.-) avec le conseil de
m’acheter ce qui me ferait le plus plaisir. Je vais m’en payer des choses, mais
la première ce sera bien un buste
cette fois, à n’importe quel prix. Je vous ai dit que j’étais gâtée. Je ne sais
pas si je reçois quelque chose de Buby, n’ayant pas eu l’occasion d’aller à
Djocja ou n’importe où, il n’aura rien pu m’acheter, à moins qu’il ait tripoté
derrière mon dos, cela je n’en sais rien, mon miston, va.
Oui mes
chers, j’aurai donc 27 ans, brrr,
cela avance, plus que trois années et j’aurai fini d’avoir…20 ans ! Vous
savez, je vous ai quittés à 26 ans, seulement ici le temps file aussi et quand
je reviendrai, il ne faudra pas vous attendre à voir une Ge…. de 26 ans. Elle
aura vieilli, mais elle ne sera pas une guinche, cela je vous le promets, aussi
longtemps que je reste en bonne santé je ne me laisserai pas aller. Pour cela
j’ai encore bien de l’énergie en réserve.
L’autre
soir, Buby a dû aller chez M. V. et moi j’y ai été après. Mais pendant que Buby
y était seul, V. lui a de nouveau lancé un tas de petits fions faisant allusion
au fils à papa etc. et quand Oscar lui demande un renseignement, V. ne manque
jamais l’occasion de lui dire que lui en son temps travaillait mieux et plus
vite, bref, il aime se vanter. Cette fin de mois-ci, la première qu’Oscar a
travaillé tout seul et sans contrôle, il y en a mis comme un fou et a pu donner
le résultat de pertes et profit un jour plus tôt que le terme fixé. Cette
fois-ci M. V. a vraiment été surpris et n’a pas pu se retenir de dire, Hé !
tu iras encore loin, tu as travaillé comme moi dans le temps. Oscar, lui, s’en
bat l’œil complètement de cela, mais moi, cela me fait plaisir et je m’en
réjouis. Pour une fois il n’a rien eu à redire. D’ailleurs je crois qu’ils ne
cessent pas d’être un peu surpris à cause de nous, de nous voir si simples et
si tranquilles, pas blasés.
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