dimanche 13 décembre 2015




1er août 1934

Keboemen

Quelles lettres, quelles surprises, cette semaine ! Vraiment je suis tombée d’un plaisir dans l’autre et je ne pourrai jamais assez vous remercier, je veux dire que mes remerciements ici ne vous diront que très faiblement toute ma reconnaissance pour toute votre affection, toutes vos bontés, tout votre amour pour moi. Je me sens si riche, si riche par cela, et si heureuse, cela va sans dire.
D’abord le vendredi, nous avons reçu le courrier par mer, notre bon paquet de journaux, Sie & Er, avec un Jardin des Modes, un des derniers, charrette quel plaisir. Nous nous sommes jetés dessus et pendant une heure nous n’avons plus bougé, comme d’habitude. Merci infiniment Tatali, Du bisch gäng e Schatz (tu es un amour toujours) ! Il y avait aussi une lettre de Flock avec un joli petit tapis tricoté à la main. Une carte postale des Hadorn et Amsler de Kandersteg m’a aussi fait plaisir. Au commencement de la semaine, j’ai reçu  deux avis d’envois recommandés : l’un était la chemise polo pour Buby. Elle va très bien, mamali chérie, merci beaucoup. Tu peux donc continuer à m’en envoyer encore 5, ainsi Buby sera de nouveau équipé pour un temps. N’oublie pas de les laver avant, sans les repasser, bien les « vernusche »(chiffonner). Je n’ai rien payé de douane, je suis contente. En même temps que l’avis de la chemise j’avais reçu l’autre avis mais pour celui-là j’ai dû signer l’autorisation pour la douane de Cheribon (Cirebon, côte nord) de l’ouvrir. Le petit paquet m’est arrivé deux jours plus tard, mais j’ai dû payer Fl. 1.67 de douane. Tout de même je suis très  très contente de ton joli cadeau. J’aime beaucoup ce modèle, mieux que l’autre même, il me va très bien et je le trouve très joli, j’aime beaucoup cette petite dentelle à la chemise. Il me vient des habitudes de luxe !  Merci de tout cœur. Mais à l’avenir, si jamais tu m’en envoie encore (ceci dit sans vouloir bettler/mendier) il faudrait les laver et bien les « vernusche » aussi, pour que cela n’ait pas l’aspect trop neuf, alors peut être que je ne devrai rien payer non plus, surtout si Mottet déclare encore que ce sont des vêtements usagés. Hier après-midi, enfin, j’ai reçu un troisième paquet qui m’a aussi fait un plaisir fou, c’était ma brosse à cheveux qui ne m’a rien couté non plus. Eh ! ce que je suis contente de l’avoir, tu ne te fais aucune idée. Justement je voulais envoyer la baboe à Djocja en acheter une.  Elles coûtent Frs. 4.--, ici et ne sont pas aussi bonnes. Ma vieille est toute chauve, les poils sont tous rentrés dans la gomme ou partis, mais je l’employais pourtant encore. Maintenant elle sert à brosser les petits chiens qui se laissent faire avec un plaisir évident. Qu’est-ce que tu as encore tricoté pour moi ? je n’ose presque pas y croire, c’est fou ce que tu me gâtes, mais pourquoi te fatigues-tu de nouveau tant pour moi ? Voyons, de tricoter des petits figaro, ou plutôt de les crocheter, cela va encore, mais de tricoter un chef-d’œuvre pareil, oh ! làlà, je ne puis presque pas attendre de l‘avoir, mais si je dois penser que tu t’es de nouveau fatiguée à cela, je ne pourrai jamais le mettre sans remords, Faather, écris-moi si elle a de nouveau été imprudente, mynes Mamms. Toi tu es aussi un chou de penser à moi ainsi et de m’envoyer un de ces petites rubans. Bien sûr que cela m’intéresse toujours, ce qui se porte et chaque nouveauté et je te remercie de tout cœur aussi. Quand je l’aurai reçu, je vous dirai comment il me va. Comme vous me gâtez toujours !
Quand je pense à une année en arrière, comme votre amour et votre tendresse m’ont procuré un beau jour ! Oh ! c’était si beau, si beau, trop beau même, je ne le méritais pas, j’ai été si méchante quelques fois. Souvent maintenant je vous en demande pardon en pensée et j’espère bien que vous pourrez me pardonner. Pour en revenir à mon beau jour, mon Faatherli, mon vieux Macaroni, quand j’ai été à l’église à ton bras, jamais jamais je ne pourrai te dire la fierté, le bonheur et aussi le chagrin qui m’ont inondée à ce moment-là. J’étais envahie par un flot de sentiments qui m’ont fait perdre la tête à un moment donné, ou plutôt j’en ai été débordée. Ah ! c’est inoubliable, je ne vous serai jamais assez reconnaissante, à chacun de vous, pour tout ce que vous avez fait pour moi. J’ai eu tant de bonheur à la maison, une si belle jeunesse, et maintenant cela continue ici, tellement, que cela me fait peur des fois.
En voulant tourner la page, je me suis aperçue que j’avais placé mon carbone à l’envers, de sorte que je n’avais pas de copie et que l’original était saligoté des deux côtés. J’ai ronchonné comme un pattier, alors Buby m’a vite pris la machine hors des mains et s’est mis à recopier la lettre. Il m’a dit qu’il avait fait bien des fautes, mais vous ne vous y arrêterez pas, j’en suis sûre. D’ailleurs moi j’en fais aussi toujours énormément des fautes, parce que je vais très vite et que je ne relis pas.
Mes chers, comme j’ai eu du plaisir aux photos, elles sont trop jolies, si bien réussies, je les mange vraiment des yeux. Mes deux soldats, ha ! je ne vous aime pas seulement, je suis fière de vous, mais aussi inquiète en pensant aux événements qui se déroulent. Oh ! ce qu’elle est jolie, comme vous êtes bien tous les trois, mais ce qui nous a fait plaisir à en pousser forces exclamations, aussi bien Oscar que moi, c’est toi, mynes Mamms.
le chapeau!

 Non, mais je n’en reviens presque pas, ou plutôt, je savait bien que tu pouvais être ainsi, mais que tu le sois, cela me fait un plaisir fou. What a lady ! What a sweet smile so happily contente, so quietly happy. Tu es jolie, mynes Mamms. Même Oscar l’a dit, que tu étais bien habillée. Vraiment j’en suis enchantée. Ce chapeau te va rudement bien, s’il vient de la Descoeudres, c’est pour le coup que je lui enverrai une belle carte, car vraiment cela en vaut la peine. Ce que tu es bien, et cela encore sans mon grain de sel, j’en ai un plaisir fou, et je n’en  reviens presque pas !!! J’en suis si contente, oh ! ce que tu es distinguée, et le Faatherli a un chapeau neuf, pas ? 
Charlot, sur la photo du bateau a l’air d’avoir bien engraissé, fais attention mon vieux, à ton âge ce n’est pas encore joli d’être trop « kemouk » (e muet) mot malais pour graisse. Chüggou, tu es vraiment devenu très homme, avec tes bonnes grandes mains. Je trouve que Coen n’a pas changé sauf qu’il a encore plus d’ondulations, ce qu’Oscar a remarqué en tout premier avec une exclamation envieuse et pleine de jalousie. J’ai dû rire, mon Buby avec ses stäckebohnechrüseli (baguettes de tambour). Merci pour vos lettres, mes chers, je vous répondrai une prochaine fois. J’ai encore tant à faire ces jours-ci pour préparer plusieurs petites bonnes choses.

LouLou, Coen, Charlot

De Papa Woldringh j’ai aussi reçu un cadeau magnifique : un chèque à mon nom (au moins pas à celui d’Oscar !) de Fl. 50.--, (env Fr 110.-) avec le conseil de m’acheter ce qui me ferait le plus plaisir. Je vais m’en payer des choses, mais la première ce sera bien un buste cette fois, à n’importe quel prix. Je vous ai dit que j’étais gâtée. Je ne sais pas si je reçois quelque chose de Buby, n’ayant pas eu l’occasion d’aller à Djocja ou n’importe où, il n’aura rien pu m’acheter, à moins qu’il ait tripoté derrière mon dos, cela je n’en sais rien, mon miston, va.
Oui mes chers, j’aurai donc 27 ans, brrr, cela avance, plus que trois années et j’aurai fini d’avoir…20 ans ! Vous savez, je vous ai quittés à 26 ans, seulement ici le temps file aussi et quand je reviendrai, il ne faudra pas vous attendre à voir une Ge…. de 26 ans. Elle aura vieilli, mais elle ne sera pas une guinche, cela je vous le promets, aussi longtemps que je reste en bonne santé je ne me laisserai pas aller. Pour cela j’ai encore bien de l’énergie en réserve.
L’autre soir, Buby a dû aller chez M. V. et moi j’y ai été après. Mais pendant que Buby y était seul, V. lui a de nouveau lancé un tas de petits fions faisant allusion au fils à papa etc. et quand Oscar lui demande un renseignement, V. ne manque jamais l’occasion de lui dire que lui en son temps travaillait mieux et plus vite, bref, il aime se vanter. Cette fin de mois-ci, la première qu’Oscar a travaillé tout seul et sans contrôle, il y en a mis comme un fou et a pu donner le résultat de pertes et profit un jour plus tôt que le terme fixé. Cette fois-ci M. V. a vraiment été surpris et n’a pas pu se retenir de dire, Hé ! tu iras encore loin, tu as travaillé comme moi dans le temps. Oscar, lui, s’en bat l’œil complètement de cela, mais moi, cela me fait plaisir et je m’en réjouis. Pour une fois il n’a rien eu à redire. D’ailleurs je crois qu’ils ne cessent pas d’être un peu surpris à cause de nous, de nous voir si simples et si tranquilles, pas blasés.




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