Tjilatjap
31 juillet 1938
Mes bien
chers,
Il y a
bien longtemps que je n’ai plus rien entendu de vous, de Mamms, cela veut dire.
J’espère bien que les photos sont bien arrivées et que tu n’en as pas eu trop
d’émotion Rötteli, surtout que cela ne t’a pas fait du tort. J’en ai un peu
peur et c’est pourquoi j’attends de vos nouvelles avec impatience. C’est demain
jour de courrier de nouveau, peut être qu’il y aura la lettre tant attendue de
ma Rötteli, mais elle arrivera juste un quart d’heure après que j’ai mis
celle-ci à la poste, donc je ne pourrai plus y répondre par ce courrier.
Dans ma
dernière lettre je vous avais dit que nous devions partir en vacances vers le 6 août mais que nous
devions attendre un téléphone de Elout
avant de faire des plans définitifs. Ce téléphone, nous ne l’avons pas
encore reçu et sommes toujours encore à nous demander ce qui nous attend.
Toutefois je crois que cela aura été une fausse alarme,
car il me semble que nous saurions déjà quelque chose s’il s’agissait vraiment
d’un déplacement. Donc nous nous reprenons à vivre à Tjilatjap ! C’est
qu’après une alarme pareille, on se tient sur le qui vive, on se dit que cela
ne vaut plus la peine de faire ceci ou cela et par prudence on commence déjà à
se détacher des choses. Maintenant peu à peu on se rattache, par exemple, j’ai
de nouveau acheté du fumier pour mon jardin !
Cette
après midi comme nous étions en train de prendre le thé, on a eu la nouvelle
que Buby avait gagné Fl. 100.- à la
loterie nationale. Depuis des années il prend toujours un lot, presque
chaque mois et jusqu’ici nous n’avons jamais rein eu, vous pouvez penser le
plaisir qu’il a maintenant. Mais il ne faut pas croire que cet argent va nous
enrichir, non, il est déjà dépensé au moins dix fois, depuis le moment que nous
le savons. Nous faisons les plans les plus fantastiques, comme si ces pauvres
petits Fl. 100.- étaient au moins 1000000.- !!! Je crois toutefois que le
projet final sera d’acheter des golf
sticks. Oui, mes chers, nous en sommes fous. Depuis peu il est venu ici une
famille De Jongh, ils sont de notre âge et n’ont pas d’enfants non plus, ils
jouent assez bien au golf et ont immédiatement cherché un terrain, loué
quelques coolies pour l’aménager et maintenant nous avons un golf course de 4 holes (4 trous). Ce n’est pas beaucoup mais
pour commencer c’est mieux que rien, et c’est au bord de la mer, il y fait très
beau et bon. Depuis deux dimanches, de grand matin nous y sommes et jouons avec
eux. Oscar en est tout fou, aussi il fait des progrès rapides, avec moi cela va
moins vite, mais j’y arriverai aussi. Avec cet argent de la loterie nous allons
maintenant nous acheter des golf sticks, des
golf clubs comme on les appelle. C’est un achat assez couteux, mais grâce à
ce lot nous pouvons dire : wir können’s, ja, wir haben’s ja ! Mais ce
n’est pas tout ! Voilà la queue de la comète ! Nous avons envie, si
nous pouvons aller en vacances, d’aller passer une semaine à Bandoeng, au grand hôtel Preanger, se la couler
douce et d’aller prendre des leçons de golf au club là, avant de partir avec les Boese dans notre chalet dans la
montagne. Je ne sais pas si je vous avais écrit que nous avons loué un chalet
meublé haut dans la montagne et que nous ferons notre popote nous-mêmes avec
les Boese qui enmènent leurs domestiques. Ce sera des vacances très simples,
dans la grande nature et la forêt vierge, c’est pourquoi nous aimerions nous
payer cette petite semaine de luxe avant, respirer l’air de la ville puisqu’il
faudra retourner à Tjilatjap-trou-les-bains. Et puis Bandoeng est à mi hauteur
entre Tjilatjap et la montagne où nous allons, de sorte que le changement de
climat se fera en deux fois, ce qui vaut mieux.
Il fait
toujours encore un sale temps ici, pluie et pluie. C’est fou, tous les matins
mon jardin est sous l’eau tant il a plu pendant la nuit. Je sens aussi beaucoup
mes rhumatismes, car il fait très humide. Espérons que cela passera à Bandoeng.
Ce soir il
y a de nouveau grand concert chez nous. En ce moment Oscar est en train de
jouer à quatre mains avec Mr. De Zeeuw, et tantôt il y aura encore Kleber qui
viendra Naturellement je les ai pour souper, mais je n’y ai pas d’objection, je
suis trop contente que Buby s’amuse ainsi. Quelle différence avec la compagnie
d’Engelenberg, avec ses verres de bière et de genièvre. Celui-là ne vient plus
du tout chez nous. Je ne sais pas, non, je ne crois pas que je vous l’ai écrit.
Pendant que Buby était au service, Engelenberg avait naturellement l’usage de
l’auto pour la fabrique et pour aller au bureau et en tournée, mais voilà que
le matin après le départ d’Oscar, il me téléphone tout simplement pour me
dire : Madame, je garde l’auto chez moi, cela me convient mieux et si vous
voulez l’employer, vous n’aurez qu’à me demander. J’ai répondu que ce n’était
pas à moi à lui demander la permission d’employer l’auto le soir après le
travail, et qu’il n’avait qu’à faire remettre la voiture dans notre garage le
soir, comme d’habitude, puisque je peux l’employer en privé, après les heures
de bureau. – Non, non, Madame, cette auto est avant tout l’auto de la fabrique
et je la garde ici tant que votre mari est loin, vous n‘avez qu’à me demander
si vous la voulez. Après cela je n’ai plus rien dit et là, Monsieur faisait le
grand seigneur pendant que Buby était loin. Une fois de retour, Buby lui a dit
son affaire, très calmement, vu que nous ne voulions pas de chicane, mais lui,
E. est allé nous décrier partout à cause de cette histoire. Au fond, très
formellement il a raison, il a l’emploi intégral de l’auto s’il remplace Oscar,
seulement pendant tout le temps qu’il était ici nous l’avons toujours très bien
traité, très amicalement et Oscar n’a jamais fait sentir qu’il était le patron,
ni moi non plus, puisque je l’ai toujours reçu cordialement, que j’ai eu sa
femme ici et tout ce que j’ai fait pour eux à l’occasion de leur mariage !!! Alors il
pouvait bien me traiter d’une autre manière que ce qu’il a fait. Enfin, d’un
côté nous sommes très contents de cet incident. E. a laissé tomber son masque,
maintenant Oscar sait avec qui il a à faire. Moi, je t’avais déjà écrit, que je
ne pouvais pas le sentir ce type et bien qu’il était toujours charmant avec
moi, je ne pouvais pas avoir confiance. Je ne pouvais pas le sentir, mais
pourtant je pouvais bien me cacher. Enfin, maintenant quand il me rencontre au
club, il ne me salue même pas ! Et au bureau il fait juste son travail,
très bien, mais rien de plus. De cela j’en suis très contente, car j’ai souvent
eu peur de ses gentillesses pour Oscar je n’y croyais pas et ne pouvais jamais
surmonter une certaine méfiance, qui, maintenant s’est prouvée juste. Je vous
assure que j’en ressens une vraie délivrance de ne plus avoir à recevoir cette
binette ici et que Buby sache une fois pour toute à quoi s’en tenir avec lui.
Tous ces mois j’ai eu peur bien des fois que Buby se fasse rouler d’une manière ou d’une autre, maintenant au
moins cela lui a ouvert les yeux. Par conséquent il n’est plus tant question de
ces soirées au club où E., proposait toujours de jouer au poker ou à un autre
jeu de hasard, à quoi il est excellent. J’ai toujours dit qu’il avait manqué sa
carrière, il aurait dû devenir croupier ou tenancier d’un bistrot, il en a la
capacité et l’âme. Enfin, je vous dis, je
jouis de cette délivrance et Oscar, bien que ce ne soit pas trop
agréable pour lui surtout les premiers temps après son retour, commence à
prendre le dessus, maintenant il se montre patron malgré qu’il soit beaucoup
plus jeune que E. Il se montre et il est patron, mon Buby, et cela me fait
plaisir. C’est une expérience qu’il nous a fallu faire, elle ne sera pas
inutile et je suis même contente que Buby l’ait faite, car souvent il est trop
bon.
Mes chers,
je vous quitte, j’ai encore tant à faire, à coudre, à laver etc, pour Bandoeng.
Je veux me tenir prête, afin que nous puissions filer aussitôt quand nous le
pourrons. Nous passerons donc nos jours de fête (anniversaire de Nelly et mariage) à Bandoeng probablement.
J’espère que j’aurai encore une lettre avant.
Et mon
Macaroni, tu jouis bien de ton Sutz ? Est-ce que vous avez acheté ce bout
de terrain maintenant pour lequel il nous a fallu signer cette
procuration ?
Quand je
serai à Bandoeng, Padre, je m’occuperai d’Engelke (l’horloger). Juste avant de partir, la fois passée, j’ai appris
qu’il était parti en Europe en congé parce qu’il paraît qu’il est malade de
l’estomac. Je tâcherai donc de me procurer son adresse en Europe et vous
pourrez lui écrire. Mais ne vous emballez pas trop avec lui, il paraît qu’il se
fait vieux et qu’il n’a plus trop d’énergie pour pousser ses affaires. Peut
être que son séjour en Europe lui aura fait du bien, je ne sais pas, en cout
cas, je n’oublie pas de m’en occuper.
votre Ge….
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