samedi 25 juillet 2015




28.10.1933

Keboemen

Copie d’une lettre à sa tante Tata à St Gall
1ère partie

Aujourd’hui c’est dimanche, un beau jour. Il a plu dans la nuit et maintenant le soleil brille, il ne fait pas trop chaud. Nous avons flemmé un peu et sommes restés au lit jusqu’à 08.00 heures, au lieu de se lever à 06.00 comme les autres jours. Nous prenons le café au lit, c’est la coutume ici, et ensuite nous avons pris un bain, c’est à dire que l’on se savonne le corps en entier et on se rince en se versant un bac d’eau froide sur le corps. La baboe nous a préparé un porridge, du thé et des bananes. Qui eût pensé que je mangerais du porridge ! Le pain ici n’est pas très bon, il est blanc, il coûte cher et ne nourrit pas. Le porridge nous donne les éléments dont nous avons besoin. Oscar est parti travailler, ce qui est souvent le cas le dimanche lorsque le koprah est disponible. Le koprah est de la noix de coco que l’on doit sécher afin d’en extraire de l’huile. A la Fabrique on travaille nuit et jour mais parfois on arrête quelques jours, lorsque les livraisons ne suffisent pas.
Vu que c’est dimanche, je ne cuis pas mais j’ai demandé à la baboe qu’elle prépare une Rijsttafel


C’est le plat local ici et consiste en riz cuit très sec, de la viande coupée en petits morceaux avec de la noix de coco râpée par dessus, du chou blanc cuit dans du « kerry » (curry), des bananes rôties, plusieurs sortes de piments, poivrons et du ketschup fait de divers herbes. C’est très bon et je l’aime beaucoup, mais je n’en fais pas faire trop souvent, seulement le dimanche. Les autres jours je cuis moi-même à l’européenne. Oui Nelly cuit ! Je ne cuis que depuis quelques jours et déjà il me semble que je le fais depuis toujours. Ma baboe sait un peu cuire, mais pas comme je le fais et elle regarde chaque midi avec de grands yeux tout ce que je prépare. Au début ce n’était pas facile, même dans une cuisine tiptop en Europe cela ne l’aurait pas été et ici d’autant moins que je n’ai pas encore les bonnes casseroles, pas assez de récipients et il faut cuire avec du charbon de bois. Dans la cuisine il y a un grand four, comme un banc, j’ai dû acheter un support  sous lequel on met les charbons ardents et dessus on pose les casseroles. La baboe est très habile pour attiser les braises avec un éventail de feuilles de palmier. Elle m’aide à couper et parer les légumes. Nous avons également un grand bassin en ciment contenant l’eau propre. Tous les matins, le kebon (l’homme à tout faire) doit le remplir. L’eau sale est jetée dans un égout spécial dans un coin de la cuisine. La vaisselle se lave à l’eau froide, avec du savon, à même le sol et est ensuite posée sur une natte de coco au soleil pour sécher. Les assiettes sont également mises au soleil sur un égouttoir spécial que j’ai dû acheter ici, pour SFr 1.50. Il est grand, en bois de palmier, sur 4 pieds et tient assez bien. C’est le kebon qui lave la vaisselle. Certainement que vous trouverez tout cela bien regrettable et primitif et vous pensez que je suis une pauvre fifille. Mais ce n’est pas le cas et je me suis très vite habituée, cela me semble naturel et va tout à fait dans cet environnement. Et vous devriez voir comme la cuisine est propre le soir, tout est bien rangé, chaque chose à sa place, sans que je ne dise rien, la baboe l’a fait. Et je n’aurais su le faire mieux. Chaque matin, avant de venir à la cuisine, elle fait la lessive de sorte qu’elle a les mains bien propres pour couper les légumes. Voyez-vous, il faut être pratique et je n’ai même pas dû lui dire de se laver les mains, ce qui l’aurait vexée ! Lorsque je serai mieux installée et que j’aurai ma propre eau, je m’arrangerai pour faire laver les choses à l’eau chaude. Mais rien ne se salit ici, les lits sont changés chaque 2 jours et nous changeons de linge et d’habit chaque jour. Tout est séché au soleil et sent si bon le soir dans la chambre. Tout est repassé avant 5 heures, bien plié. Pas de fer à repasser électrique, les employés préfèrent l’ancien système avec le charbon. Les habits blancs de Oscar sont lavés à l’extérieur .
La vie ici n’est pas chère : ce matin la baboe est allée au marché avec un franc et m’a rapporté des légumes pour trois jours : des pommes de terre, du chou, poireaux, concombres, une grande papaye (un peu comme un melon) et 4 gros ananas. Je pense faire de la confiture avec les ananas, du moins essayer si cela me réussit, une dame m’a dit que c’était délicieux. On peut acheter ici de la Lenzburg, mais sa propre confiture est toujours meilleure. Comme écrit à la maison, on peut tout avoir ici, bien sûr en boîte, même du schabziger, qu’en dites vous ? Mais je déteste les boîtes de conserve, c’est très tentant d’avoir toutes ces choses hors des boîtes, mais ce n’est pas sain, ni bon marché.
Aujourd’hui la baboe a laissé tombé le rôti de veau par terre, c’était si drôle que j’ai éclaté de rire, ce qu’elle a trouvé magnifique. Mais nous l’avons nettoyé et mangé malgré tout.

Ne pensez pas que je rouspète, oh ! non, nous mangeons bien, peut être même mieux que notre directeur, puisque je me préoccupe et veille à ce que les choses soient cuites avec amour. Oscarli ne s’est encore jamais plaint. Je suis contente qu’on obtienne ici beaucoup d’oignons et d’ail. Nous mangeons également beaucoup de katjangs, des pistaches (en fait des cacahuètes). On les obtient vertes, je dois donc les faire rôtir moi-même. La baboe le fait très bien dans de l’huile ou de l’huile de palme, ensuite on y verse du sel et on les sert avec la bière. Nous en mangeons chaque jour une bonbonnière pleine. On trouve bien du chocolat ici, mais pas un grand choix et très très cher. Je n’ai pas encore vu de plaques, seulement des fondants Nestlé  et des marques hollandaises.

Demain nous recevrons les meubles que nous avons commandés à Batavia.
Pour le moment il pleut et il fait assez frais, comme un jour d’été au Chalet. Je me sens comme au Chalet de toutes façons avec les grands arbres devant la maison et tous les oiseaux qui chantent, les poules et la volaille qui caquettent. Ce matin le kebon m’a apporté deux poussins du marché, pour total SFr. -.80. Maintenant j’en ai trois au jardin à faire grossir et ils seront mangés. J’ai également planté des tomates et des selleries, je suis curieuse de voir ce qu’il en adviendra. Dommage que notre jardin soit plus un jardin d’agrément, vu qu’il est du côté de la route, mais il y a aussi des fleurs et des buissons tout à fait ordinaires ici et qui feraient sensation en Europe. De ma véranda je vois la gare. Celle-ci ressemble un peu à celle de Flawil. Je ne sais pas pourquoi ce nom me vient à l’esprit, mais je vois cette gare clairement dans mon esprit.

gare de Keboemen, nov. 2013

gare de Keboemen nov. 2013



Bahnhof Flawil !!!

2 commentaires:

  1. "Katjangs" ne sont pas des pistaches, mais des cacahuètes!

    Pour la gare de Flawil, voit le site internet: http://www.panoramio.com/photo/41986028

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  2. J'aurais apprécié la cuisine. Quant au lavabo à 1 mètre du sol, enfin un meuble à ma hauteur.
    Merci de nous faire partager ces instants.
    Jacky et Marlėne

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