18.9.1933
Sur le bateau NM/Poelau Bras
entre la Crête et Port Saïd
Depuis 3 jours que nous sommes à
bord, je trouve enfin le temps d’écrire quelques mots.
Commençons par Milan, le 12.9.1933.
Nous avons soupé à la Galerie Victor Emmanuel, près du Dôme. Le lendemain à
08.00 heures grand départ pour Naples, via Florence et Rome. Un train bondé de
monde, les couloirs remplis de gens, de bagages, une chaleur et des
parfums ! La campagne que nous traversions était toutefois de toute beauté
et changeait toujours. A Rome arrêt de 10 min pour sauter dans le train de
Naples. 14 heures de chemin de fer au total, par cette chaleur, nous sommes
arrivés à Naples plus morts que vifs
A Naples nous avons fait des
achats et nous nous sommes occupés de nos bagages. Le portier de l’hôtel nous a
été d’une grande aide. Nous avons acheté des souliers et une chaise longue pour
le bateau. A 5 heures nous sommes montés à bord. Je dois avouer que là à
nouveau le cœur m’a manqué un peu. (Pardon, ici il me manque aussi, les vagues
deviennent plus fortes, à plus tard…)
…4 heures de l’après midi, j’ai
bien peur que ce texte ne sera pas très long, car il faut toujours que je me
couche à cause du ..Oups !
Demain à 7 heures nous serons à
Port Saïd où nous restons seulement 3-4 heures pour le courrier. Ensuite nous
continuons notre route sans escale jusqu’à Singapore. Je le regrette beaucoup
car nous ne toucherons pas Bombay ni Colombo. Nous serons donc 15 jours en pleine
mer, mais il paraît que l’Océan indien sera très tranquille. Heureusement car
j’en ai assez de ceci. L’air est excellent et pas chaud du tout.
Le bateau a levé l’ancre vers 1
heure du matin et j’ai baptisé la mer avec les fleurs du Chalet reçues de
Papali. C’était une nuit magnifique, Oscar a vu une merveilleuse étoile filante
et encore une ; nous avons spécialement pensé à notre avenir.
La vie à bord est calme. Nous ne
sommes que 14 passagers et 11 enfants. Je suis assise à côté du capitaine à table (place d’honneur) et avec deux
prêtres, dont l’un est javanais. Ils sont très gentils et intéressants. Le
reste des passagers sont des gens qui rentrent de leur congé en Europe.
Les serviteurs ici ne comprennent
pas ou font semblant de ne pas comprendre le hollandais, alors il faut bien
leur parler en malais. Nous ne sommes servis que par des hommes, c’est très
drôle, mais je m’y suis déjà habituée et je les trouve très agréables. Ils sont
si attentifs et s’effacent tellement, quelques fois on a l’impression d’être
servis par des mains invisibles. La nourriture est plus qu’excellente. Le matin
seulement nous pouvons choisir 12 à 20 choses différentes. Moi je me borne à
manger un fruit, 4 morceaux de toast, un tas de radis toujours bien frais et
glacés, et une tasse de thé. Ainsi je suis bien et n’ai pas l’impression d’un
estomac trop chargé. (Cela vient assez vite avec les vagues !) A 11 heures
on sert une tasse de bouillon ou un avocat. A 1 heure le lunch se compose de 2
soupes à choisir, 2 plats, dessert, fruits et café. A 4 heures du thé avec
toast ou gâteaux et à 7 heures le grand diner composé de soupe, toujours à
choisir, 3 plats, desserts, fruits, fromage, café.. Oh ! je vous dis,
c’est excellent, malheureusement on n’est pas toujours en état d’en profiter !
Notre cabine est grande et très agréable,
la plus belle. Au fond c’est la
belle vie et j’en profite. Nous avons repris bonne mine tous les deux, bien que
par moment nous devenons blanc comme linge. Heureusement Oscar a eu le mal de
mer en même temps que moi et même plus fort, j’ai presque été prise d’un
fou-rire en nous voyant les deux étendus sur nos lits, chacun avec un pot sous
le nez.
Demain nous avons 4 heures
pour voir Port Saïd, nous en
profiterons pour visiter la ville et faire quelques achats, tels que la lotion
pour les cheveux, j’ai de nouveau des pellicules, et Oscar a besoin de
chaussettes blanches.
Nous avons déjà croisé plusieurs
bateaux sur notre parcours, des tous grands, hollandais, italiens, etc, c’est
très beau à voir. Ce qui était aussi de toute beauté était de passer entre
l’Italie et la Sicile, entre Scilla et Caribdys (détroit de Messine). On dépasse le Stromboli, un volcan tout seul dans la
mer. La mer est bleue, bleue, c’est admirable. Bon, voilà que cela recommence…..
oups, à bientôt, je vais me
coucher.
Cela va à nouveau, nous allons
souper. On ne fait pas beaucoup de toilette, j’ai mis ma robe brune imprimée.
Je n’ai même pas déballé mes robes du soir. Les dames ici sont tellement
simples, toutes mères de famille occupées par leurs enfants.
Pendant une promenade sur le pont
avec le capitaine et le prêtre nous avons admiré les étoiles. Le ciel est
merveilleux. Dans un jour je ne verrai plus la grande ourse, elle est
maintenant déjà à l’horizon alors qu’à Bienne elle est visible haut dans le
ciel, au-dessus de Macolin. N’est-ce pas drôle ?
Beurk, on voit que nous approchons
du sud, je viens d’apercevoir un immense insecte rouge se promenant sur notre
papier à lettre, oui cela commence à grouiller dans les coins !!!
Celle-ci est notre dernière nuit
fraîche, demain nous passons le canal de Suez et ensuite nous entrerons dans la
Mer rouge qui sera terriblement chaude. Jusqu’à 50°. C’est les pauvres diables
à la cuisine ici que je plains. Pendant 3 jours que durera la traversée, je ne
pourrai rien faire d’autre que transpirer.
Le 19.9.1933
Nous avons visité la ville de Suez
qui est surtout intéressante par toutes les races du monde qui s’y promènent et
qui font les sangsues sur les touristes qui s’aventurent par la ville.
Cet après-midi nous avons été par
le canal de Suez : un trajet de toute beauté. La plus grande partie du
canal passe par le désert mais cela aussi est beau. Comme nos montagnes ont
l’Alpenglühen, le sable du désert se colore aussi et devient presque lumineux,
avec les caravanes, les bédouins, les chameaux, les palmiers…
Oh! le désert ! j’en ai été
émerveillée, je n’aurais jamais cru qu’il put avoir un charme si fort. J’étais
tout l’après midi assise à la pointe du bateau qui filait doucement sur le
canal tranquille, comme un miroir (heureusement !). D’un côté il y avait
le chemin de fer allant au Caire et de l’autre côté, c’était tout à fait le désert,
pas une herbe qui croit, du sable, du sable d’une couleur !!!
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