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mercredi 11 mai 2016




Keboemen

20 octobre 1935


C’est dimanche soir.
Bien, mes chers, voilà 15 jours que je suis sans nouvelles de vous. Je ne veux pas m’en faire, et suppose que c’est de nouveau cette bête de poste L’avion hollandais ne survole plus Rome à cause des sanctions envers l’Italie, et je pense que l’employé de poste à Bienne ne le savait pas encore et qu’il a justement envoyé la lettre via Chiasso (je pourrais bien le zigouiller ce zigue, vous savez !) J’ai toujours au fond du cœur une certaine angoisse qui m’étreint quand je pense à votre silence, mais je ne veux pas me laisser aller et espérer pour mardi. J’espère tant que tout aille bien chez vous que personne ne soit malade. Peut être que je recevrai deux lettres mardi, peut être as-tu été empêchée d’écrire ? Enfin, encore de la patience, c’est bien une chose qu’il faut exercer ici sans quoi la vie devient presque impossible. Mais à l’avenir stpl. n’oublie pas de mentionner sur tes lettres Amsterdam Bandoeng et demande toujours de temps en temps la date et l’heure à laquelle les lettres doivent être mises à la poste pour atteindre l’avion. Je suis persuadée que la faute se fait à Bienne, car enfin, vous, vous recevez mes lettres régulièrement pourtant ? Au moins tu ne mentionnes jamais rien.
Jeudi passé le 17 octobre, notre Tipsie a mis au monde 8 petits chiens, tous bien portants, mais laids comme le diable. Cela a commencé la nuit, elle faisait toujours un nid ou essayait d’en faire un en grattant son matelas, de sorte que nous n‘avons pas pu dormir pendant un moment Le matin elle se mettait à crier de temps en temps et ne voulait pas me quitter, quand je restais longtemps éloignée d’elle, elle pleurait. A midi enfin je lui ai montré la caisse remplie de paille et recouverte d’une vieille patte que je lui avais préparée depuis plusieurs jours déjà, mais où elle ne voulait pas se coucher. J’ai placé cette caisse dans un coin sombre et elle s’y est mise tout de suite. Elle a commencé à hurler et pousser et enfin un petit chien est venu, il avait l’air d’un petit rein qui sortait. Elle s’est tout de suite mise à lécher, lécher cette peau, et voilà un petit chien blanc et noir qui apparaissait. Il fut suivi des 7 autres jusqu’à 3 heures. Le lendemain, vendredi donc, Buby a commencé à les noyer. Je faisais sortir Tipsie prendre l’air. Demain, deux vont encore disparaître. Un est déjà placé, il nous en reste encore un.
Je pense que ce sera bientôt le tour à ta Topsie. Pendant qu’elle était enceinte, j’ai toujours mélangé une demi cuillère d’huile de foie de morue et de farine d’os dans le manger de Tipsie. Tu devrais en faire de même pour le tien. Quand j’ai vu que cela commençait, le matin je lui ai donné un œuf avec du lait, car ce pauvre chien avait besoin de toutes ses forces. Maintenant je lui donne à manger 4 fois par jour, c’est fou comme elle a faim. Il te faudra tenir le nid très propre, toujours changer les pattes. Moi j’en ai sacrifié deux que le kebon lave tour à tour, ainsi les petits chiens seront plus vite dressés à la propreté. Nous avons lu qu’il ne faut pas immédiatement tuer les petits chiens, attendre un jour ou deux, parce que la mère a trop de lait sans cela. Si elle ne voudra pas quitter ses petits, il faut l’enlever de force 4-5 heures après qu’elles les a eu pour qu’elle aille faire ses besoins et qu’elle prenne un peu d’émulation, c’est nécessaire pour le système du lait. S’ils sont beaux, les vôtres, il ne faudra pas tous les tuer, tâcher de les placer aussi. Quand une fois votre Topsie en aura de Tipsy, il faudra en donner un à Tata, plutôt deux. Nous sommes toujours près de la caisse, c’est si beau de les voir ces petits, c’est gai. Tu verras, tu en auras un plaisir fou, ils ont tous des gueules avec des taches blanches au lieu d’être noires.

Demain nous aurons la visite de Mr. La Bastide, le conseiller chimique avec un autre zigue qui vient d’être appointé conseiller général. Je crois que la Mexolie se l’est attaché surtout à cause de ses relations étendues dans les milieux intéressants. Ils repartiront mardi.
Vendredi matin, je faisais ma promenade habituelle. Je revenais par un chemin qui longeait à une certaine distance les rails de chemin de fer. A un moment donné j’ai entendu un train arriver. Aha, que je me dis, c’est le train de Bandoeng, il est donc près de 8 heures, mais je n’ai pas regardé, cela ne m’intéresse plus. Mais tout à coup j’entends crier ouah, ouah, ouah, avec une force formidable, car les cris surpassaient les bruits de la locomotive. Je lève la tête et vois un zigue penché hors de la fenêtre, gesticulant comme 4 diables, il remplissait toute la fenêtre. C’était John qui me faisait adieu, à sa manière ! Bon sang, il a dû ameuter tout le train, ce bon type. J’ai essayé de rattraper le train à la gare, mais n’y suis pas arrivée. Il a passé outre, se rendant probablement à Bandoeng.
Cet après midi, dimanche, Buby travaillait seul au bureau pendant que je dormais. Il voit arriver une magnifique auto, toute neuve, conduite par… John.

La nuit, 2 ½ heures du matin.
Mes chers, nous dormions bien quand on est venu nous appeler. C’était un djaga (un veilleur de la fabrique) qui demandait à Buby de venir à la fabrique, qu’on avait attrapé un voleur d’huile. Buby a enfilé sa robe de chambre, je lui ai dit de prendre son petit revolver et il a filé. Moi, je ne me suis pas recouchée, vous comprenez je ne pourrais pas dormir tout de même, et pour toute éventualité je me suis habillée et pour ne pas rester dans la maison, j’ai fait sortir les chiens. Pendant que je me promenais devant la maison, je vois qu’on a aussi réveillé le vieux Röhwer. Bon, je me dis, je vais attendre qu’il sorte. Un moment après, je le vois apparaître tout habillé avec son manteau et une casquette. Bon, en voilà un qui est prudent. Quand on sort du lit chaud, cet air de la nuit est humide et Oscar va prendre froid, s’il n’a pas aussi un manteau. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je vais chercher son manteau, notre lampe Everready et à pas de loup je m’avance vers la fabrique, le long du kampong. Je n’ai pas fait 30 pas que devant moi, là-bas près du bureau, je vois un homme courir et filer dans l’ombre, suivi à quelques pas d’un autre homme, le tout accompagné de quelques exclamations de voix basse et rauque. Je me trouvais juste sous la lanterne, l’unique qui éclaire ce petit bout de chemin. Je fais un saut dans l’ombre (pendant que mon cœur en faisait un autre !) car j’ai tout de suite vu que c’était le voleur qui se sauvait. Je ne l‘ai pas su, mais j’en ai eu l’intuition, pour être correcte. Au bout de quelques pas le second homme le rattrape et en pleine course assène au voleur un coup de gourdin (que j’ai entendu) qui le fait tomber à terre, assommé. Un second djaga suivait le premier, et à eux deux ils ont pris le voleur et l’on transporté près de la fabrique. Tout cela s’est passé dans l’espace de deux secondes et sans un son, sans un bruit autre que l’exclamation du commencement. Une fois cette scène passée, j’ai avancé, me tenant au tant que possible dans l’ombre et près du bureau j’ai vu le vieux R. qui m’a dit que je ferais mieux de rentrer. Justement Oscar venait de la fabrique, je lui ai vite donné le manteau et j’ai filé en effet, car je sentais bien que ce n’était pas la place d’une femme là. Et maintenant je suis ici à vous écrire pour me passer le temps…
La Fabrique, vue de loin.
Coolie sur la droite

Justement Oscar vient de rentrer pour chercher la everready, ensemble avec Röhwer ils vont chercher s’ils trouvent des traces d’huile parce qu’il y avait deux voleurs et ils en ont attrapé qu’un, celui qui ne fournit pas de preuve directe, soit qu’il ait tenu le bidon entre les mains etc. La suite à demain, Buby vient de rentrer, ils ont trouvé des traces d’huile. Bon soir, mes chers…..
Lundi matin.

coolie de la Fabrique

Coolie au travail
Les voleurs d’huile de cette nuit ont tous été attrapés. C’étaient les 4 coolies occupés au filtrage. Ils passaient de l’huile à deux complices en dehors de la fabrique. Chaque nuit environ un bidon. Cela doit durer depuis le mois passé déjà, parce qu’Oscar avait déjà averti Mr. Visser à la fin du mois passé que le contenu des tanks ne jouait pas avec celui de ses livres. Comme cela peut arriver de temps en temps et que la perte n’était pas sensible, Visser n’a pas réagi, mais maintenant le problème est résolu. Les 4 coolies ont été congédiés sur le champ.


Me voilà fraichement baignée, dans une robe fraiche (toute blanche, à Fl. 1.321/2 !) avec un collier vert jade, assise dans ma voorgalery. Il est autour des 8 heures. Il pleut et je n’ai pas pu aller promener. Je n’ai plus de manteau de pluie. Je vais m’en faire un en grosse toile bise qui sera en même temps mon manteau d’auto. J’ai déjà commandé le patron au Jardin des Modes. Je ne me ressens pas du tout du réveil de cette nuit, sauf Buby qui a avalé 2 tasses de café avant d’aller travailler. Il pleut, il fait frais. Je voulais aller au cimetière porter des fleurs sur la tombe de la mère à tante Engel. J’y vais souvent avec elle, et maintenant qu’elle en est empêchée, je voulais le faire seule, mais avec cette pluie il ne fait pas beau y aller, quoique les fleurs soient déjà coupées. Je ne l’ai pas connue cette vieille dame, elle est morte quand nous étions ici depuis 8 mois environ et que je ne connaissais pas encore tante Engel, toutefois nous parlons beaucoup d’elle, cela fait du bien à tante Engel à qui elle manque beaucoup. Je ne vous ai pas encore écrit que tante Engel voulait donc partir à Cheribon (Cirebon, côte nord) le weekend passé ; toutefois depuis quelques jours elle avait un bouton dur à la poitrine qui commençait de l’inquiéter. Alors, au lieu de partir à Cheribon chez sa belle-sœur, ils sont allés à Djocja ensemble chez le dr. là, un très bon chirurgien a immédiatement voulu l’opérer. Elle est donc restée et le lendemain elle a été opérée sans être chloroformée. Tout s’est bien passé, elle m’a écrit une longue lettre depuis la clinique. Ce qu’ils ont enlevé a été envoyé à Soerabaja pour être examiné, car il fallait s’attendre à ce qu’elle doive subir encore une autre opération. Samedi elle pouvait sortir de la clinique et ils attendaient aussi le résultat. Il a été négatif, c’était un de ces trucs de graisse. Je sais cette dernière nouvelle par les Hartongs qui sont venus hier soir pendant un moment. Je pense que tante Engel me racontera mieux la chose quand je la reverrai. Je pensais qu’ils rentreraient samedi dans la soirée, alors samedi matin j’ai vite été à Premboen, voir si tout était en ordre chez elle, et garnir la maison de fleurs que j’ai cueillies là dans son beau jardin Nous avons toutefois appris hier soir par les H. qu’elle ne renterait qu’aujourd’hui ou demain. Ils profitent d’un peu faire la noce, je pense maintenant que l’anxiété est passée, ce que je comprends très bien. Probablement qu’elle viendra un jour de cette semaine.
Maintenant revenons à mon histoire de John. Donc John a trouvé Buby au bureau. Il venait de Batavia où il avait été chercher cette auto au bateau. C’est une Fiat dernier modèle qu’il a immédiatement conduite à Solo pour l’un ou l’autre prince qui est médecin javanais à Solo. Il était avec et ils ont causé avec Buby pendant quelques moments. John lui a dit qu’il viendrait probablement jeudi ou vendredi pour le week-end, car c’est une fête à Mahomet et John doit fermer son école pendant ces jours-là.
Il a encore une fois entièrement démonté notre Puce et dit qu’elle fait du 80 km/h comme rien du tout. Il dit que nous en serons très contents et que nous ne l’avons pas payée cher. Il l’a toujours conduite ces dernières semaines et l’a examinée sous toutes ses faces. Il a dit qu’il délivrait la voiture absolument en ordre. Nous l’attendons donc pour jeudi dans la soirée, mais sait-on jamais avec John !? S’il vient, il nous faudra apprendre en vitesse et passer notre examen samedi prochain, moi d’abord probablement parce que j’aurai plus de temps d’apprendre que Buby qui n’aura que les soirées de libre. Je me demande si je sais encore conduire. Jans viendra avec je pense, je m’en réjouis. Elle va mieux, mais dans quelques mois elle devra se faire opérer.
Et maintenant je suis au bout de mes nouvelles. Il faut que j’aille distribuer les provisions du dîner à la baboe, car maintenant je tiens tout sous clef, j’ai remarqué que mon beurre disparaissait trop vite. Depuis que j’en ai plusieurs boîtes en réserve, ils se pensaient qu’ils n’avaient qu’à piocher, les zigues A tout à l’heure.
Après dîner. J’ai donc vite été chez madame Visser. Les petites ont très bonne mine, elles sont bronzées comme des petits nègres. Pourvu que cela dure maintenant.
Est-ce que je vous avais raconté dans ma dernière lettre que nous étions en train de faire des abat-jours ? Eh bien, celui de la chambre de visite est prêt maintenant. Nous l’avons pendu hier il fait très bien, je le trouve magnifique. Nous allons maintenant faire une lampe à pied en bambou avec un abat-jour un peu fou en aluminium, rouge et noir, donc les couleurs, le matériel est naturellement du parchemin.
Nous avons eu tant de plaisir cette semaine recevoir tous les journaux Tatali, avec toutes les coupures que tu as collectionnées si soigneusement. Merci, merci beaucoup. Ils sont aussi venus avec le bateau Poelau Bras. Tu as sans doute doublement pensé à nous en nous les envoyant par « notre bateau ». Je vais t’écrire un de ces jours maintenant. Peut être que vous aurez mon prochain courrier hebdomadaire? Peut être aussi que je n’arriverai pas à écrire pour lundi-mardi vu que John sera là et que nous serons occupés avec la Puce. En ce cas non plus tu ne t’en feras pas. On fera des photos aussi vite que possible pour que vous ayez les loisirs d’admirer notre Rolls ! Cela ne sera qu’une chiotte, mais je vous assure que nous deux on se sentira dans une Rolls et plus riches que si nous roulions vraiment dans une voiture grand luxe.
Jusqu’à jeudi il me faut encore raccommoder 2 caleçons de dessous et trois combinaisons de Buby, ainsi que plusieurs choses à moi, puis au moins écrire 5 lettres. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer vous voyez bien ! Il faut absolument que mon butin soit en ordre avant que j’apprenne  à conduire, car après je ne réponds plus de moi ni de mon temps ni de mon travail.
Et mes garçons ? qu’est ce que vous fichez ? Toujours danser, hein, les veinards ! Et moi qui n’en ai plus du tout l’occasion ou du moins très rarement vu qu’Oscar n’y tient pas du tout. C’est embêtant, moi j’en ai tant de plaisir. Enfin, j’ai heureusement bien profité avec vous garçons ; hein, il faisait aussi beau avec la sœurette quelques fois ?
La situation en Abyssinie (Ethiopie) ne change pas beaucoup, du moins par ce que nous entendons ici. Un jour ils annoncent que trois avions italiens ont été abattus par les Abyssins, et le lendemain on démentit la nouvelle, de sorte que l’on ne peut jamais croire que la moitié de ce qu’ils nous racontent. Pourvu qu’ils réussissent à s’entendre en Europe et qu’ils travaillent avec intelligence et bonne volonté.
Cette semaine j’ai acheté de l’étoffe pour mes matelas. Sitôt que la pluie cessera un peu j’aurai une vieille femme, une vraie sorcière qui viendra me les faire. Le tout me reviendra à Fl. 8.- avec le vieux kapok naturellement.
Il y a quelques jours on a de nouveau eu une de ces histoires avec notre djongos. Il est divorcé maintenant. Un soir la police est venue le chercher, pour l’emmener à la mosquée. Là, vraisemblablement il a pris congé de sa femme en présence des témoins, il a dû payer Fl. 2.80 et le voilà débarrassé, ou elle de lui, je n’en sais rien. Un type qui n’a sûrement pas encore ses 20 ans !
Est-ce qu’il fait beau à Bienne de nouveau, mamali ? Je pense que tu en jouis de nouveau de ta chambre à manger, ta véranda et le petite chambre avec la vue sur la rue Göuffi ? et mon Fatherli, tu travailles de nouveau le soir ?  A quoi ? Pensez qu’une lettre comme celle de ce jour me prend toute une journée. Les lundis je ne fais jamais rien d’autre qu’écrire à la maison à vous tous donc. Là, je vais vite aller dormir, car probablement ces messieurs viendront nous rendre visite pour faire connaissance, il faut que je sois prête pour 4 heures.


dimanche 1 mai 2016




Keboemen

7 septembre 1935

Voilà de nouveau une semaine sans lettre. Je ne sais pas ce qu’il faut en penser et j’espère bien que ce silence n’est pas dû à ce que tu sois moins bien, Mamali. Je ne vous cache pas, je suis assez tourmentée, et puis je me dis pour la centième fois que cela ne peut pourtant pas être le cas, ta lettre précédente ne laisse rien prévoir de la sorte. Enfin je vis de nouveau dans l’attente du courrier tous les jours. Il se peut aussi que la poste ait choisi un chemin impossible pour expédier ta lettre, mais alors il me semble que j’aurais dû la recevoir par le deuxième avion de la semaine. La lettre me serait parvenue aujourd’hui comme celle de papa W. mais non, rien du tout. Enfin il ne me reste plus rien d’autre à faire qu’à attendre à mardi, mais si ce retard est dû à la poste, alors je serai fâchée. Ces espèces de zigues là, est-ce qu’ils ne peuvent pas une fois consulter un de leurs indicateurs de façon intelligente un peu, et envoyer les lettres par le bon chemin ? Une fois elles viennent par les British Airways, une fois par la Deutsche Luftfahrt et ensuite hollandaise, c’est trop bête. J’aimerais bien que tu écrives de nouveau sur tes enveloppes Amsterdam – Bandoeng. Je sais bien qu’ainsi on perd un jour vu que la lettre doit faire chemin arrière jusqu’à Amsterdam, mais au moins ainsi c’est sûr, c’est exact, et je saurai à quoi m’en tenir, car à quoi bon s’occasionner des désagréments quand on peut les éviter et j’avoue que de ne pas recevoir de lettre hebdomadaire est un des plus grand désagrément que je puisse éprouver ici. Tu comprends, hein ? Je vous aime tant.
Mardi passé j’ai donc été à Poerworedjo avec Mme Engelhart. Nous avons fait beaucoup d’emplettes et j’ai appris à me faufiler chez un tas de Chinois, c’est à dire dans un tas de boutiques chinoises que je ne connaissais pas encore. J’ai fait des économies sur mes emplettes, car ici ce qu’on paye Fl. 1.-, chez l’un des chinois, on le paye Fl. 0.40, chez l’autre, à condition de savoir chercher et trouver. J’ai ainsi fait quelques florins d’économies, je vous assure. J’ai tout de même dépensé beaucoup d’argent, rien que chez l’épicier j’en ai eu pour Fl. 27.-, ce qui fait environ Frs. 60.- rien que pour le mois d’août et quelques petites provisions pour septembre, pour des en-cas. Vous allez peut être penser que j’exagère, je ne sais plus comment sont les prix en Suisse, mais je vous assure que cet argent a été dépensé pour aucune provision de luxe, rien que de l’utile et du nécessaire, mais c’est fantastique ce que les choses sont encore chères ici et le seront toujours, parce qu’ici on vit de l’importation. Sauf pour les légumes, la viande, les patates etc. les fruits indigènes qui sont excessivement bon marché. Mais quand on a des visites et qu’on se mêle de fêter son anniversaire, cela revient cher, aussi l’année prochaine, nous allons nous sauver dans notre puce et iront jouir de nos jours de fête quelque part, les deux ou avec John et Jans ou Anne et Frans, ou encore les v.Tinteren. Autant que possible à l’avenir, je ne resterai plus à la maison pour nos anniversaires, quoique ce soit la mode hollandaise d’offrir une réception à ses amis et que pour la bonne façon, je ne pourrai pas toujours m’y soustraire.
Mercredi je suis restée à la maison et j’ai passé toute la journée à tarabuster mes gens après avoir fourré mon nez un peu partout. Je vois bien que quand le chat est loin les souris dansent.
Jeudi j’ai de nouveau été à Premboen aider à tante Engel pour son déménagement. Ils ont tant et tant de choses, ils ont tellement de souvenirs qu’ils conservent pieusement. Cela on peut bien le faire ici aux Indes où l’on a des maisons grandes comme des palais, du moins dans le temps, mais une fois qu’il faut habiter une maison plus petite, c’est la débâcle. Les Engelhart ne peuvent pas s’habituer à leur pavillon où ils ont 5 immenses chambres donnant toutes sur une terrasse conduisant directement au jardin pour eux deux seuls.
Ah, entre parenthèse, nous avons de nouveau une fois déménagé chez nous. Au commencement de la semaine j’ai acheté un beau « cain », un immense tapis tissé à la main, art de Palembang (Sumatra). Ce vendeur est déjà… zut, je vous ai déjà écrit cela la semaine passée. Suffit donc. Ce tapis a été la cause de notre déménagement. Nous l’avons fixé à la paroi, au-dessus de notre chaise longue, ce qui forme un très bel ensemble. Le radio qui était dans le coin, nous l’avons posé sur nos deux tables de nuits combinées, entre les deux fenêtres sur le côté de la maison. Ma table à écrire fait maintenant un ensemble avec les étagères de livres. La chambre est devenue encore plus heimelig, nous en sommes enchantés. Il faudra de nouveau faire des photos pour que votre imagination reste d’actualité quand vos pensées s’envolent chez les Woldringh.
Il y a deux jours nous avons reçu un téléphone de John,  le matin tôt à 6 ½ heures. Pour une fois j’étais retournée au lit après avoir ouvert au djongos et laisser sortir les chiens. Il faisait si froid que j’étais contente de me faufiler sous mes couvertures encore un moment. Je me suis rendormie, puis réveillée et enfin vers 7 ½ heures, j’ai sonné le djongos pour le café. C’est alors qu’il nous apprend qu’on était venu dire de chez Visser (qui ont le téléphone entre les heures de bureau) qu’on demandait Oscar depuis Solo !!! – Kapan orang datang ? – Kapan nojnja misih tidoer !!! (A ma demande : quand est-ce qu’on est venu le dire ? –Quand la njonja dormait encore !!!) Jugez de nos têtes et de la marronnée qu’il a reçu ce pauvre djongos, qui croyait bien faire en ne me réveillant pas. John nous informait que cette petite Fiat était excellente, en état parfait, sauf l’accu qui est trop faible et que John nous conseille de changer. Il s’en charge et viendra nous amener notre puce, mais quand sera-ce ? Avec John on ne sait jamais, aussi je ne crois pas à notre auto avant de l’avoir bel et bien au garage ici. Il paraît que le vendeur ou la vendeuse je crois, voudrait l’avoir en retour parce qu’elle peut la vendre à de meilleures conditions, mais John s’est réservé la priorité d’achat et j’espère bien qu’il l’emportera.
Mes chers, ce que ce sera chic d’avoir enfin quatre roues à se mettre sous le derrière pour sortir de la maison un peu, jouir de notre jeunesse et avoir la liberté de circuler, sans compter le plaisir de conduire de nouveau. Je me demande si je saurai encore. Il nous faudra passer un examen ici, mais ce n’est pas du tout difficile comparé à celui que nous devons passer en Suisse qui, pourtant n’est pas fantastique non plus. J’aimerais bien qu’un des garçons  me donne quelques conseils quant aux montées et descentes par très mauvais chemins sur ce qu’ils ont ajouté de plus à leur savoir au service. Les généralités, je les sais, mais si il y avait des fois des petits détails quant à ces trajets, alors je me recommande. Vous connaissez votre sœurette et son intelligence plus que limitée (selon vous) à propos de conduire une auto ! Au commencement c’est moi qui devrai apprendre à Buby, mais je ne me fais pas d’illusions, il en saura bien vite beaucoup plus que moi, et alors j’aurai de nouveau quelqu’un pour me donner sur le chou-rave, mais grâce à votre souvenir, je trouverai cela heimelig !!! Hein, mes vieux, on s’eng…. gentiment des fois pourtant, j’en ris à l’heure qu’il est en y repensant.
Dimanche soir, 5 ½ heures. Buby revient justement du bureau où il a travaillé toute la journée sauf de 11 heures à midi quand nous avons fait quelques pas dans les champs de riz secs en cette saison. Nous avons bien dîné de riz et roastbeef que je réussis bien maintenant, grâce à un livre de cuisine hollandais qui explique bien tout de A à Z, spécialement pour cette sorte de jeunes femmes qui mettent le fromage dans les trous des macaroni etc. Et je crois bien que ma baboe a aussi saisi le truc maintenant. Vous ne pouvez pas vous représenter ce que je suis contente de ce progrès, car rôtir de la viande, pour moi, c’était toujours un cauchemar, jamais je ne la réussissais très bien, comme à la maison mais maintenant cela y est.
J’ai eu une semaine de cartes postales, mais tout cela ne me remplace que faiblement ma lettre 102 que j’attends. Ne les mets plus à la poste à Sutz, tes lettres, mais à Bienne et toujours au même guichet si possible. Je ne peux presque pas attendre à mardi.
Demain je vais encore une fois chez les Engelhart, leur aider, et ensuite ce sera fini pour un temps, car je ne puis pas délaisser ma maison ainsi, il y a quand même beaucoup de détails qui en souffrent. Là, je vais encore un peu courir avec les chiens avant la tombée de la nuit.